27 juillet 2011: Un retour au XC après 10 ans de DH et de MX, ça ressemble à quoi?

Lors de la rencontre de la Fédération Québécoise des Sports Cyclistes au Stade Olympique intitulée «États Généraux sur les disciplines de Gravité» en Octobre 2010, il avait été question que les amateurs de Gravité (Descente, 4cross, Freeride, BMX, etc.) transmettent leurs connaissances spécifiques en matière de pilotage aux cyclistes d'endurance (Cross-country, Raids, etc.). Cette chronique ira dans ce sens.

Les photos ont été prises dans le sentier «La Misère Noire» de chez Aventures Nord-Bec Stoneham et illustrent des techniques issues d'autres disciplines à deux roues qui s'appliquent aussi en vélo de montagne d'Endurance.

Le virage entre les deux roches
Depuis plusieurs années, Stephen Fotheringham est l'ouvreur de piste en moto trial de la Coupe du Monde de vélo de montagne XC du Mont Sainte-Anne. Il est également le Président de l'Association des Trialistes Amateurs du Québec (ATAQ). Cette discipline ne fait pas parti des mœurs des Québécois, mais en Europe, elle est très populaire. Comme il me le faisait remarquer: «L'équilibre des trialistes permet de franchir les obstacles différemment». Voici un exemple. Au lieu de passer entre les deux roches et de risquer d'abîmer mes disques de frein et mon dérailleur arrière qui frotteraient sur celles-ci, je me sers de la roche extérieure comme d'un appui pour réaliser un virage plus large. Les descendeurs locaux du Mont Sainte-Anne les appellent «des roches accotes-toé donc» et ils s'en servent constamment au lieu de les éviter. En vélo de montagne d'endurance, pensez à Geoff Kabush. Il s'arrêtait complètement lors de la Coupe du Monde 2011 au Mont Sainte-Anne pour se placer correctement dans la ligne intérieure de la descente nommée «La Béatrice». Du pur trial en course de vélo de montagne d'endurance!

Le virage serré en terre de la descente abrupte
J'ai suivi plusieurs formations en pilotage de moto hors-route de l'École MXPRO. La photo illustre une situation souvent pratiquée avec eux. Au bas de la photo, on distingue les traces de freinage des roues arrières bloquées qui ont creusé le sol. Rouler à cet endroit signifie un freinage avec peu d'adhérence et une possible perte d'équilibre une fois que les roues se retrouvent prises dans la roulière. En plus, cela occasionne l'érosion du sentier. La question à se poser est: «Suis-je obligé de passer là?». En prenant simplement un virage un peu plus large vers la gauche, le rayon du virage est moins prononcé et on évite la roulière creusée par les roues bloquées. En tournant la tête, on regarde ensuite l'endroit où l'on veut revenir dans le sentier. Il ne reste plus qu'à relâcher les freins et à plonger en ligne droite dans la fin du virage. Ainsi, le vélo a beaucoup plus de vitesse, le cycliste dépense moins d'énergie, les freins sont moins sollicités et les risques de chutes sont diminués. En vélo de montagne de descente, Andy Thibodeau est l'un des descendeurs les plus «intellectuels» que je connaisse. Malgré qu'il soit dans la trentaine et père de famille, il continue à courir Sénior Élite et à faire des podiums. La recette de son succès? L'entraînement physique spécifique au DH (des vidéos de ses séances sont disponibles sur le web) et l'analyse du parcours! Andy privilégie des lignes «smooths» et qui évitent de «se mettre dans le trouble».

La grosse roche
Le fait de passer sur la roche évite de freiner et de faire un petit virage de contournement. Même si cela semble intimidant, c'est bien moins dangereux que de faire le freinage d'urgence et le virage pour l'éviter. De plus, si on absorbe la montée de la roche et qu'on se sert de la descente de celle-ci pour «pomper» son vélo, on ressort de cette section avec encore plus de vitesse! Cet été, j'ai assisté à un entraînement du Club de BMX de Québec à la piste de St-Augustin-de-Desmaures. L'entraîneur Dany Morin (Champion du Québec 2010 BMX chez les Maîtres et entraîneur motocross pour MX School 91) faisait faire des courses aux jeunes dans la piste en leur empêchant de pédaler! C'était très impressionnant de les voir «pomper» un tour de piste au complet tout en se dépassant! Si vous assistez à une course de vélo de montagne de descente, observez Anne Laplante (Championne Canadienne Élite de descente au cumulatif 2009 et 2010). Elle fait également du BMX et ça paraît: vous la verrez «pomper» beaucoup en DH! Du côté du vélo de montagne d'Endurance, la jeune Canadienne Lauren Rosser (1ère Junior à la Coupe du Monde XC du MSA 2011 et Championne Canadienne DH 2011) utilise beaucoup cette technique pour accélérer sans pédaler autant lors de ses courses XC que DH.

Le virage surélevé
Un virage surélevé a été aménagé par des bénévoles lors de la Journée Québécoise des Sentiers dans La Misère Noire. Ce type de virage, les coureurs de BMX les attaquent sans hésiter puisqu'ils bénéficient d'une adhérence maximale (certains virages sont asphaltés) et les coureurs de descente le font à haute vitesse malgré une adhérence précaire. Quant aux coureurs de motocross, ils sortent parfois du virage que sur une roue en wheelie. Cela est occasionné par la puissance du moteur qui fait cabrer la moto lors de l'accélération. Comme le disait si bien Dominick Ménard lors de la Journée Race du Dirt Camp 2010: «L'important dans un virage, ce n'est pas de rentrer vite, c'est d'en sortir vite!». Mais encore là, c'est n'est pas tout de prendre un virage rapidement, il faut aussi le combiner aux autres. François Souçy (Champion du Monde de descente chez les Maîtres en 2000 et King de la Grisante à la Freeride Cup de 2008 et 2010) analyse et essaie toutes les combinaisons possibles de virages lors de ses nombreuses journées de pratique. Lors du Red Bull Monte-Descend de 2011, il a passé une semaine entière à rouler le parcours et ce, dans différentes conditions météorologiques. Ainsi, il savait exactement comment exécuter sa descente de course peu importe les caprices de Dame Nature.

Le petit saut de type «planeur»
La roche au sol peut se rouler comme se sauter. De chaque côté, il est possible de l'éviter en utilisant des «chicken lines». Lorsqu'on la saute, on peut le faire de différentes façons. Sur cette photo, je prends le saut avec une position des jambes larges afin d'optimiser mon équilibre et ma stabilité ("mountain bike downhill style").

Lors du deuxième saut, j'utilise mes genoux et mes cuisses pour tasser le derrière du vélo vers la gauche en prévision du virage suivant qui tourne du côté droit («motocross style»). Quant aux hanches, elles se positionnent du côté extérieur pour laisser «travailler» le vélo en dessous. En moto hors-route, la conduite se fait à l'aide des genoux et des transferts de poids. Cela s'applique au vélo également.

Une autre fois, j'ai «déclippé» mon pied droit dans les airs pour pencher le vélo du côté du virage puis le relever plus tard en contrebraquant le guidon. Cette technique issue du motocross s'appelle un «scrub». Les descendeurs l'utilisent pour amortir des sauts et les prendre plus rapidement sans pour autant décoller dans les airs. À chaque tour, on peut prendre ce saut de différentes façons et c'est ce qui fait que cette section n'est pas monotone, chaque envol est différent!

Notez que les photos ont été prises avec une position «cross-country», soit une tige de selle très haute et un guidon de hauteur régulière. Le vélo d'endurance n'empêche pas de réaliser ces techniques.

Parlant de temps passé dans les airs, il y a aussi Charles-Alexandre Dubé (Champion du Québec Élite de descente 2010) qui m'a impressionné lors de la Coupe du Québec 2011 au Mont Sainte-Anne. Il a été l'un des seuls à «bunny hopper» certains trous de boue du parcours. Lors de la prochaine course de descente, observez son vélo. Il y a toujours moins de bouette sur sa monture que sur celle des autres coureurs. Ainsi, il traîne moins de poids inutile, ses pneus ont plus d'adhérence et sa chaîne ne se remplit pas de débris.

Le petit pont de bois incliné
Le pont a été remis à niveau, mais en début de saison, il était penché vers la gauche. Lorsqu'on doit franchir un tel obstacle, le truc est de monter le plus haut possible du côté élevé afin de se laisser une marge de manœuvre en cas de dérapage. Les descendeurs qui ont déjà participé à la Coupe Canada de Descente à Tremblant savent de quoi il s'agit. Il y a une grosse roche mouillée à et si on monte au-dessus, on se laisse glisser vers le bas jusqu'à la fin de celle-ci pour finalement terminer notre course sur la terre ferme. À l'opposé, si on monte dessus seulement à la moitié, on finit par en redescendre trop rapidement et on atterrie dans un champ de racines mouillées et de roches. C'est la même technique qui est utilisée par les Freeriders lorsqu'ils font un «Wallride».

La drop
À cet endroit du sentier, ce n'est pas de se laisser tomber dans le vite qui est difficile, c'est d'avoir l'élan nécessaire pour le faire tout en douceur. Avant la drop, il y a quelques virages et obstacles qui rendent la prise de vitesse difficile. Il faut donc optimiser les seuls coups de pédales que l'on peut donner. Les cyclistes de 4cross sont probablement ceux qui reconnaissent l'importance des petits coups de pédales «quick». Sébastien Courchesne-O'Neill (Vice-champion Canadien 4cross Élite 2010) m'a confié: «En analysant le parcours du Championnat Canadien 2010 de Bromont, j'ai réalisé que les dépassements seraient difficiles et que la course se jouerait au départ. Les jours précédents la course, j'ai beaucoup pratiqué mes départs sur la «gate» et mes coups de pédales rapides pour m'assurer de prendre la tête du peloton dès le départ

La vision en montée
Lorsque j'ai participé à «L'école du Club Enduro Québec» en 2007, Allen Lachapelle était mon formateur. Ce professionnel du motocyclisme hors-route compte près de 25 ans d'expérience et il a remporté de nombreuses courses prestigieuses. Il m'a fait réaliser l'importance de faire des montées réfléchies. Il insistait beaucoup sur l'analyse de la montée afin de choisir la vitesse que l'on utiliserait (la «gear») et d'analyser la ligne que nous utiliserons. Mieux vaut attaquer une montée différemment des autres que d'aller rester pris en utilisant la même ligne qu'eux. En vélo de montagne d'endurance, le fait de tourner la tête lors d'une montée en «switchback» permet d'obtenir des informations sur le terrain qui nous attend avant d'y être rendu.

Quant à mes doigts sur les leviers de frein même en montée, n'y portez pas attention. C'est simplement une habitude conditionnée. En motocross, il faut avoir en tout temps un doigt sur la manette d'embrayage (la «clutch») et un autre sur le frein avant. Avec le temps, ça devient une habitude dont on n'y pense même plus.

Olivier Laprade (un descendeur aguerri qui pratique également le motocross) dit souvent : «En motocross, le crédit n'existe pas, tu payes cash». La moto hors-route nous a appris à être perfectionniste dans notre pilotage car une simple erreur ne pardonne pas autant pour le pilote (blessure) que pour la machine (bris mécanique). Il sait de quoi il parle puisqu'il s'est fait amputer une partie de ses doigts après un accident de motocross à Deschambault. Comme une photo vaut mille mots, je vous montre une motocycliste être catapultée lors d'une montée suite à un mauvais choix de ligne. Le tout sous l'œil amusé des autres participants de l'École du Club Enduro Québec 2007.

Le MDPRL (Mouvement de Protection et de Défense des Roches Lousses)
Il ne s'agit que de petits cailloux, mais dans la section de sentiers de «La Misère Noire» sous les lignes de haute-tension, il y a quelques roches lousses. Éventuellement, j'aimerais bien y aménager un petit bac de roches (semblable aux bacs de sable utilisés pour ralentir les camions dans les côtes abruptes en cas d'urgence) et il permettrait aux cyclistes de passer dedans ou de l'éviter. À suivre…

La conclusion
Il y aurait encore plusieurs techniques à aborder, bien des photos à publier et beaucoup à écrire sur ce sujet. Mais pour cette chronique, ce sera un début. Le prochain coup que vous irez faire un tour en vélo de montagne, profitez-en pour aller discuter avec des amateurs de vélo de montagne de Gravité ou aller essayer ces techniques;)

Crédits
Photos: Martin Houde.
Aménagement du sentier: Gilles Morneau, Aventures Nord-Bec Stoneham et les bénévoles de la Journée Québécoise des Sentiers.

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