12 mars 2007:Cyclo-tourisme dans la région centrale de Cuba, par Luc Naud

Contexte

Qui? Luc (un cycliste engagé) et Martin (un cycliste occasionnel depuis sa paternité!), deux amis d’enfance n’ayant jamais voyagés ensemble à l’étranger, non plus qu’en cyclotourisme.

Quand? Février 2007.

Durée? 1 semaine.

Pourquoi? Pour l’expérience cyclo et la découverte du Cuba des cubains (par opposition au Cuba des touristes).

Vélos? Deux vélos de montagne ajustés pour l’occasion, avec sacoches arrières seulement.

Planification? À l’aide du bouquin «Bicycling Cuba – 50 days of Detailed Rides» de Wally & Barbara Smith, Back Country Editons, 2002.

15 février 2007 : Montréal à Cienfuegos

Arrivés en milieu de journée, nous nous sommes négocié d’un taxi vers le centre-ville pour trouver notre Casa, y déposer nos bagages, déballer et réassembler nos vélos, puis explorer sommairement de la ville.

Cienfuegos est une ville portuaire à l’extrémité Nord de la Baie de Cienfuegos. L’un des principaux boulevards, le Calle 37 sur lequel se situait d’ailleurs notre première Casa, traverse la ville de bout en bout, une extrémité sur la Baie de Cienfuegos et l’autre donnant sur la route qui nous mènerait vers Santa Clara au Jour 3 du voyage.


L’extrémité Sud du Calle 37, vue sur la Baie de Cienfuegos

Tout au long de la voie piétonnière au centre de ce boulevard, des bancs, des gens, des statues et un panorama qui change constamment. Le soir venu, un cinéma projette un film sur un mur de l’autre côté du boulevard, des gens assis paisiblement sur les bancs publics attentifs aux scènes couleurs, par un temps qui ressemble à nos belles soirées de juillet! Plutôt sympa.


Une rue piétonnière perpendiculaire à la Calle 37, donnant sur un Parqueo Central

En cette première journée, nous avons dû chercher un boulon libre (droit) de «quick release» : impossible à trouver en 4mm. Grâce à nos hôtes à la Casa, nous avons pu trouver une solution de fortune composée d’un assemblage de 3 boulons disparates… qui auront tenu toute la semaine finalement. Observation : les standards Shimano sont difficile à trouver à Cienfuegos, sinon à Cuba!

Cette première journée, nous aurons découvert une Casa Particular fort agréable, et ce, pas tant pas ses commodités locatives que par la chaleur et l’amabilité déconcertante des hôtes qui nous ont reçu :

Residencia Prado
Mei-Ling y Yoly
Calle 37 #4222, Entre 42 y 44
Cienfuegos, Cuba
Tel: 53 43 518992
yolymey@yahoo.es

Yoly et Mei ont sans aucune hésitation acceptés de conserver nos boîtes de transport pour la semaine. Nous allions repasser à leur casa quelques heures le 22 février 2007 pour prendre une douche, réemballer nos vélos et nous préparer au retour. Des gens vraiment très accomodants et une casa très recommandable aussi.

16 février 2007 : Tour de la Baie de Cienfuegos par l’Est et retour par bateau (44 km)

En roulant : Cienfuegos – Playa Rancho Luna - Castillo de Jagua (44 km)
En flottant : Castillo de Jagua - Cienfuegos

Quittant le centre-ville de Cienfuegos au matin, tôt pour éviter le martèlement du soleil d’après-midi, nous nous sommes orientés vers l’Est, un peu au hasard, afin de traverser la ville et joindre éventuellement la route qui nous permettrait de contourner la Baie de Cienfuegos et nous mènerait vers la Mer des Caraïbes. Cet exercice nous a permis un premier contact avec la réalité du Cuba des cubains, comme nous allions le découvrir dans les jours suivants dans plusieurs autres villes et villages tout au long de notre itinéraire : pauvreté et décrépitude. Rien à voir, donc, avec les bulles touristiques et centres de villégiatures cubains construits de toute pièce pour satisfaire les touristes en mal de confort, d’abondance, de plages et d’eau salée… notamment!

La route qui contourne la Baie de Cienfuegos par l’Est n’est pas aux abords de la Baie, mais le visuel demeure très intéressant quand même : une campagne verte et vallonneuse.

Le premier contact avec la Mer des Caraîbes est superbe : alors que nous arrivons en surplomb d’une colline, la route descendante tournant vers le Sud-Ouest nous donne une vue sur les terres verdoyantes à l’Est, plus à l’Est encore des montagnes que nous traverserons au retour vers Cienfuegos le 22 février, devant nous un champ où broutent tranquillement des vaches socialistes (!), puis Playa Rancho Luna (une plage publique minimaliste mais sympatique) et au loin la Mer des Caraïbes. Superbe coup d’oeil.


Playa Rancho Luna.

Après quelques brasses salées, nous reprenons la route qui prend alors une tangente vers l’Ouest, le long de la mer. Au passage, un phare, quelques touristes québécois, puis le village de Pasacaballo où nous devons prendre un traversier pour Castillo de Jagua. Aucune indication sur la route pour nous orienter afin de trouver le traversier, nous aboutissons finalement quelques kilomètres plus loin… au bout de la route! Tenaillés par la faim, un cubain nous aborde alors pour offrir sa Casa, ce que nous refusons, mais aussi nous offrir le repas, moyennant quelques pesos, ce que nous acceptons sans hésitation : des langoustes grosses comme ça nous rappellent que nous sommes dans les Caraïbes et que le Capitaine Highliner n’est pas du coin!!! ;)


Un phare sur le bord de la Mer des Caraïbes, le long de la route entre Playa Rancho Luna et Pasacaballo

Après le repas et ayant obtenu les indications pour trouver le traversier, retour sur nos vélos, puis le traversier sur l’étroite embouchure de la Baie de Cienfuegos vers Castillo de Jagua.

Castillo de Jagua : vestiges d’un Château… puis pauvreté et délabrement tout autour. Vraiment rien à voir là finalement, mais tant qu’à être dans le coin, aussi bien aller voir!!

Nous nous étions fait dire que le dernier traversier pour revenir de Castillo de Jagua vers Cienfuegos était à 16h00. À 15h45, nous nous présentons donc au quai de Castillo de Jagua pour finalement apprendre que le dernier traversier était plutôt à 15h00!! .. Quelques minutes plus tard, un catamaran touristique accoste au quai et y fait descendre un groupe de touristes canadiens provenant de la région d’Ottawa et qui font un arrêt pour voir Castillo de Jagua… avant de retourner à Cienfuegos!! Quelle chance. Quelques sourires et pesos plus tard, nous voilà à bord du catamaran, retour vers Cienfuegos par la Baie.

17 février 2007 : Cienfuegos à Santa Clara (78 km)

À peine quelques kilomètres après avoir quitté Cienfuegos au matin, nous nous retrouvons dans la campagne cubaine. D’abord des aires qui nous apparaissent plutôt industrielles puis, rapidement, des zones agricoles : de la canne à sucre encore et encore et encore…!

Nous traversons un premier village, Palmira, où des étudiants s’installaient tranquillement pour un tournoi de dames en plein air.


Des étudiants se préparent à tenir un tournoi de dames dans le Parqueo Central de Palmira

16 kilomètres plus loin le village de Cruces qui, par sa laideur, son délabrement et la difficulté que nous y avons eu pour nous restaurer, est devenu un «running gag» qui nous aura fait sourire tout au long du voyage. Sans intérêt si ce n’est son caricatural délabrement, disons simplement que c’était un passage obligé sur la route! Après plusieurs recherches et interrogations à des cubains locaux, nous avons finalement trouvé un cabanon malpropre où un type tout sauf sympatique vendait des pizzas douteuses, vraiment pas appétissantes, mais quand on a faim…!


Des pizzas douteuses à Cruces; nous étions alors loin des douceurs gastronomiques du Resto le St-Amour à Québec!

Une expérience en soi, donc. Pire, pendant qu’on mangeait sur le coin de la rue, deux hommes nous abordent essayant d’abord de nous vendre des lunettes, des cigares, des ci, des ça… et finalement l’un d’eux essaie de nous vendre ses deux adolescentes!! Incroyable. Nous étions en bas de nos bikes!! En ayant assez entendu et un peu excédés, on enfourche nos vélos et on décampe de là… Un village dont nous garderons un mauvais souvenir, donc, pas plus, pas moins.

Un peu plus loin, le village de Ranchuelo, accueillant. Une pause crème glacée et un peu de repos dans le parc central qui, comme dans la plupart des villes et villages cubains que nous aurons traversés, offre église, commerces, aires de repos, bancs de parc, végétation, etc.

De retour sur la route, on change de vitesse alors que je constate qu’un hématome (un bleu) infligé la veille et qui me semblait alors anodin, enfle et enfle et enfle encore, le sang se répandant sur une surface de plus en plus grande sous ma peau. Inquiet, donc, nous nous retrouvons quelques heures plus tard à l’Hôpital universitaire de Santa Clara où j’ai rencontré un spécialiste en 15 minutes à l’urgence, moyennant 30 pesos! Si c’est ça la médecine à deux vitesses, alors je vote pour!! Le spécialiste suggérait alors 7 à 10 jours de repos complet… :-( À notre 3ième journée, c’était une nouvelle un peu embêtante, disons. Haha! Notre décision : congé de vélo le lendemain, puis réévaluation par la suite et reprise du vélo tranquillement les jours suivants.

À Santa Clara, nous avons découvert une Casa Particular que nous avons tous deux adoré, gérée par Ernesto et Eva :

Eva Serrano Remedios
J. B. Zayas #253-A Entre Berenguer y P. Tuduri Santa Clara, Villa Clara, Cuba Tel: 204076 nestyhostal@yahoo.es

Ernesto est absolument sympa et Eva, sympa aussi, cuisine magnifiquement bien. Une Casa très propre, avec de l’eau chaude de surcroît!

18 février 2007 : Santa Clara - Cayo Santa Maria – Santa Clara, pause (imposée) sur une plage côté Atlantique

Au matin du 18 février, l’enflure n’ayant pas vraiment diminué malgré les médicaments reçus la veille, et comme nous avions décidé la veille de prendre congé aujourd’hui, nous louons un taxi pour la journée afin d’aller voir le Musée dédié à Ernesto Guevara (dit le «Che»), puis aller à la plage à Cayo Santa Maria, une île de plages située à quelques 100 km à l’Est de Santa Clara.

À Cayo Santa Maria : une plage invitante dont nous n’aurons pas le temps de profiter à cause d’un ennuagement annoncé comme léger et qui a finalement dégénéré en cyclone. Deux portes du resto où nous dînions ont été arrachés par le vent pendant que nous y étions. Quelques heures plus tard, une fois la tempête passée, nous reprenons le taxi pour revenir à Santa Clara. Un saut à la plage où nos n’aurons finalement que mangé puis écouté un peu de baseball cubain à la télé d’État.

En fin de journée et en soirée, nous découvrons un peu plus Santa Clara. Une très belle ville, avec un très beau et très animé parc central : beaucoup de gens, de la musique, de la danse, des artistes exposants.


Sur la place centrale de Santa Clara…


À proximité des parcs centraux dans la plupart des villes que nous aurons traversées,
des stationnements pour vélos et motos avec gardien. Celui-ci à Santa Clara.

19 février 2007 : Santa Clara à Sancti Spiritus… en bus!

Méfiez-vous des aliments douteux dans les restos, des soupes froides… Suivant quelques autres problèmes de santé passagers occasionnés au resto de Cayo Santa Maria, nous choisirons de faire la route entre Santa Clara et Sancti Spiritus en bus finalement.

Quelques coups de pédale en fin de journée pour explorer la ville et tester l’estomac, Sancti Spiritus s’avèrent être une belle ville avec un long boulevard à l’entrée et des rues piétonnières à proximité du parc central. Contrairement à d’autres villes où nous nous faisions constamment offrir des services, des cigares ou autres, un peu tannant finalement, nous observons qu’à Sancti Spiritus les cubains semblent avoir plus de réserve à l’endroit des touristes.


Le vélo est un moyen de locomotion très populaire un peu partout à Cuba et Sancti Spiritus ne diffère pas des autres villes.

20 février 2007 : Sancti Spiritus à Trinidad (75 km) + Mirador de Trinidad (Toppes de Collantes) (28 km de montée casse-mollets)


Au matin du 20 février, une compétition cycliste sur route se préparait dans le parc central, départ de Sancti Spiritus vers
Trinidad puis Santa Clara, probablement dans les 150 à 175 km au total.

L’un de nous deux ayant toujours des problèmes d’estomac, nous nous donnerons encore quelques heures de repos de vélo. Malheureusement, nous apprenons vers 7h30 que le seul bus de la journée vers Trinidad, notre prochain arrêt, est à 5h30 du matin. Le tenancier nous offre alors de nous trouver un taxi qui nous mènerait à Trinidad moyennant 25 pesos. Une aventure peu rassurante finalement : un Chevrolet Bel Air qui devait dater des années 40 passe nous prendre, nos vélos coincés dans un coffre pas assez grand, un moteur qui chauffait au point où le conducteur arrêtait le moteur dans les descentes (!), et même une panne d’essence à 10 km de Trinidad. Disons que ça aura mis de la couleur dans notre journée! Par ailleurs, nous constatons que la route de Sancti Spiritus à Trinidad est généralement descendante, donc ça aurait été un 75 km facile malgré des estomacs à l’envers, même à vélo finalement.


Un vieux Chevrolet Bel Air nous conduira à Trinidad.

À destination et après une bouffe ordinaire dans un resto, nous enfourchons nos vélos direction mirador Sud de Trinidad. Une sortie très agréable bien que la montée vers le mirador est très abrupte. Ça vaut le détour.

À Trinidad, nous avons logé chez Alex, un cubain qui parle un peu français des suites d’avoir passé 3 ans sur la Côte d’Azur à faire de la musique pour gagner sa vie. Alex, son épouse, ses 3 enfants et leur grand-mère nous ont très bien accueillis et nous nous y sommes très bien restauré aussi.

Casa Colonial
Colon #368
Entre Jesus Menendez y Julio A. Mella
Trinidad, Cuba
CP : 62600
Tél : (01 419) 2026


Du mirador de Trinidad, vue sur les montagnes traversées pour nous y rendre, Trinidad (au centre de la photo) et la mer des Caraïbes au loin.

21 février 2007 : Trinidad – Playa Ancon – Trinidad (36 km), pause plage sur la Mer des Caraïbes

Dans l’itinéraire, le 21 février était une journée de plage planifiée à Playa Ancon, pas très loin de Trinidad. 36 km aller-retour incluant quelques petits détours de flânage touristique. Une très belle plage accessible au public, quelques complexes hôteliers avoisinants, services de catamaran pour aller faire de l’apnée au large dans les coraux et avec les poissons tropicaux…


Trinidad et ses rues en pavés.

22 février 2007 : Trinidad – Cienfuegos (87 km) + Cienfuegos - Montréal

Dernière journée de notre passage éclair dans la région centrale de Cuba, direction Cienfuegos. Les premiers 40 km sont superbes alors que la route est coincée entre la mer des Caraïbes (sur laquelle nous n’avons malheureusement pas toujours vue) et un secteur très montagneux. Après ça, la route remonte vers le Nord-Ouest dans les terres et les plaines, le panorama devenant moins intéressant.


Sur la route vers Cienfuegos (Luc), nous croisons une paysanne cubaine qui transportait deux régiments de bananes fraîchement cueillies
et qui acceptera très gentiment de nous en vendre quelques-unes pour presque rien (en fait, nous avons dû insister pour la payer).


Martin sur la route vers Cienfuegos.


Vers Cienfuegos…

Arrivés à Cienfuegos, nous nous rendons à la première Casa Particular (Yoly y Mei) où nous avons habité les 15 et 16 février pour y prendre une douche, récupérer nos boîtes de transport, démonter nos vélos et nous préparer au vol de retour. Quelques heures plus tard, notre vol vers Montréal.

Observations et conclusions

  • La bouffe est exceptionnellement bonne dans presque toutes les casas où nous aurons logés, mais généralement exécrable dans les restaurants.
  • Le confort n’est jamais total dans les casas, où à tout le moins loin de nos standards nord-américains, mais c’est généralement très propre et la proximité des cubains rend l’expérience fort heureuse.
  • Les standards Shimano ne sont pas le lot des cubains, alors vaut mieux avoir des pièces de rechange stratégiquement choisis et s’assurer avant de partir que toutes les autres sont en bonne condition et qu’aucune n’est manquante… hein Martin! haha… :P
  • Rapidité d’accès aux soins de santé : excellente.
  • Dans à peu près toutes les villes, les touristes sont continuellement sollicités par des vendeurs itinérants cubains. Un peu tannant… mais ça fait partie de la couleur locale probablement!
  • Sur la route, à vélo, nous ne nous sommes jamais sentis en danger malgré l’anarchie générale qui règne sur la route.
  • Nous avons eu la chance de manger des fruits à profusion dans les casas où nous avons logé, mais autrement il nous fut essentiellement impossible d’acheter des fruits sur la route. Étonnant.
  • Le Cuba des cubains est passablement pauvre et décrépit. Dommage de voir ce laisser-aller général, l’architecture dans les grandes places étant à la base très belle, de type espagnole. Ce devait être magnifique avant le début de l’ère Castro…
  • Le vol de retour avec Air Cubana a été retardé de 10 heures environ… et Air Cubana nous a traité comme du bétail. Par cher Air Cubana mais c’est quand ça va mal qu’on peut apprécier la différence entre les compagnies sérieuses et les autres.
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