Journal du TransRockies: Étape 1

Dimanche 10 août   Étape 1      Fernie Alpine Resort

Première étape : Brutale! Température infernale. Parcours de 45 km seulement, mais tellement ardu! Un condensé des plus belles et difficiles trails des environs de Fernie.

Le départ s’est donné à midi tapant au centre-ville de Fernie, sous un soleil de plomb. Après un départ neutralisé dans les rues de la petite ville, derrière le vieux camion de pompier, nous voilà lâchés en masse dans quelques buttons d’asphalte, et ensuite, directement sous une ligne d’hydro. C’est débile, tu pousses ton bike parce que c’est trop à pic pour rouler. Tu regardes au loin et ça monte comme ça pour des kilomètres et au bout y’a encore pire, un mur presque vertical. Des bouts, la pente est si abrupte qu’il faut utiliser une technique inédite : pousser le vélo, appuyer sur les freins, faire deux pas, pousser le vélo, appuyer sur les freins, faire deux pas, pousser le vélo, appuyer sur les freins, faire deux pas, pousser le vélo, appuyer sur les freins, faire deux pas, pousser le vélo, appuyer sur les freins, enfin, vous comprenez.

Gain total d’élévation aujourd’hui : 2000 mètres. Température : 42 degrés à l’ombre. Ombre : absente!

La moitié du peloton est parti très vite, trop vite. Mike et moi, on prend un pace d’entraînement, comme si on étudiait un parcours la veille d’une course. Et on fait bien. On s’occupe pas des dizaines d’équipes devant nous. On respecte notre pace jusqu’au bout.

Certaines descentes sont sketchy, surtout avec la poussière soulevée par ceux qui nous précèdent. Je me fais prendre une couple de fois à prendre de l’air en traversant des waterbars, ces fossés d’irrigation perpendiculaires aux sentiers. Un de ces fossés est bien placé au bas d’une pente abrupte en roches lousses, et je prends une pas pire débarque. Heureusement, je n’ai rien de cassé, ni sur moi ni sur mon bike. (plus tard, nous apprendrons que la moitié du monde est tombé ici, plusieurs se blessant, entre autres un membre d’une des bonnes équipes, qui a vu sa course s’arrêter là, clavicule cassée et rein endommagé).

Après cette ligne hydro-électrique en dents de scie géantes, nous amorçons la montée du Mt Baldy. Une heure de granny gear, rien de moins. Comme prévu, les crampes me pognent. Ça saisit de partout, en arrière, en dedans, en dehors. Je n’arrête pas, j’endure sans dire un mot, enfin presque. De temps en temps, je ne peux pas m’empêcher de lâcher un « AAAARRGGHH! » ou un « OOOOAAAAYYYYHHHH »

Nous sommes quelque peu surpris de dépasser une équipe mixte utilisant une corde de remorquage. Le gars est un petit narfé autrichien, sa blonde est aussi autrichienne et aussi narfée. Au moyen d’un long élastique, il la tire dans toutes les montées, il est fort comme un beu. Cette corde ou élastique est l’héritage des courses d’aventure, où les gars tirent toujours la pauvre fille ou vice-versa quand les gars sont bonkés. On s’apercevra que plusieurs équipes ici ont un background de course d’aventure plutôt que de compétition en vélo de montagne. On s’apercevra aussi quelques minutes plus tard que pas juste les équipes mixtes utilisent cette corde ou élastique. Le Team Flash 5, que nous suivons, est aussi encordé! Michel n’en revient pas et me déclare solennellement que jamais il ne me tirera de la sorte ou ne se fera tirer de la sorte. Je rajoute que je trouve le geste totalement gai et il n’en faut pas plus pour baptiser l’outil la « corde de gai » ou « gay rope », expression qui restera.

Arrivés en haut du Mont Baldy, on prend le temps de prendre une photo, puis on amorce la longue descente. Le mot d’ordre est : Prudence. Ça descend vite en ta… Le paysage est grandiose, des montagnes impressionnantes, démesurées.

Dans la descente et les dernières montées qui suivent, nous dépassons quelques équipes. En arrivant au fil d’arrivée après 3h 45 d’efforts, nous sommes agréablement surpris de constater que nous arrivons sixièmes au classement général. Nous voilà à trois minutes de la première équipe masters, l’équipe Rocky Mountain composée de Tony Routley et Eric Crowe. Et nous ne sommes pas épuisés, il nous reste du jus pour les 6 prochains jours. Ça augure très bien.

On estime avoir passé 60% de notre temps sur la granny, 10% sur la gear du milieu, et 30% sur la grosse plate.

Tout le monde couche au Fernie Alpine Resort : Après le souper, nous avons droit à la remise des médailles dans chacune des quatre catégories, suivie de la remise des maillots de leaders dans chaque catégorie, suivie de la description du parcours du lendemain par le directeur des activités de souffrance récréationnelle, Ward, suivi d’un montage vidéo des faits saillants de la journée. 5 caméras, dont une en hélicoptère, nous suivent durant tout le parcours, prenant des images qui seront diffusées partout dans le monde sauf à Québec bien sûr. Une fois la course terminée, une équipe de monteurs visionne le tout et monte les images sur fond musical. Ils font une job remarquable, les images sont bonne et le montage itou.

Le centre de ski est de toute beauté (de toutes les beautés, me reprendrait Michel) dans la lumière de fin du jour, puis sous la pleine lune. Mais tout le monde se couchera de bonne heure, parce que toute une journée nous attend demain!