Journal du TransRockies: Étape 2

Lundi 11 août    Étape 2       Elkford

Notre commentaire à la fin de cette journée : Les organisateurs l’ont vraiment échappé aujourd’hui. C’était beaucoup trop dur!!

136 km, 3000 m de montée. Ça nous a pris 7h 20! J’avais encore jamais roulé pendant 7h 20, encore moins en course! 20 équipes ont du être arrêtées à 30 km de la fin, n’ayant pu atteindre le dernier ravitaillement dans les temps requis. Et c’est une bonne chose, parce que ces 30 derniers kilomètres étaient carrément inhumains…

Revenons au départ, lundi 8h. Je fais stresser mike en me présentant à 7h59. Ça part direct en montant dans le parcours de la Coupe Canada. Après quelques minutes de montée, une longue descente s’amorce. Je suis gêné par notre couple autrichien qui va tout croche dans le sentier en essayant de défaire sa maudite corde de remorquage, qu’ils avaient sortie dès le départ malgré la foule. Pas fort.

Il faut lutter pour garder une bonne position, et pour nous, ne pas perdre de vue l’équipe Rocky Mountain qui nous devance au général. C’est facile de les spotter, ils portent le maillot vert fluo de leaders chez les maîtres. Devant nous, Eric Crowe, qui ne tombe jamais d’habitude, glisse dans un tournant et prend une spectaculaire plonge. Le tout est filmé par l’hélicoptère qui nous suit et nous nous délecterons de ces images ce soir après souper, en taquinant Eric.

La prochaine partie du parcours est très difficile. Encore un relief en dents-de-scie. Granny et push-a-bike dans les montées, sur le brake en descendant, et traverse d’une rivière glaciale au bas des pentes, à répéter ad nauseam (pourquoi ils l’ont pas faite droite, cette rivière, on l’aurait traversée juste une fois!)

Après une vingtaine de kilomètres en compagnie de nos leaders, nous perdons du terrain à cause d’un problème mécanique qui afflige ma roue arrière. Depuis une secousse, j’entends des bruits de rayons en arrière : un pting, qui devient un kling-kling, qui devient un petling-petling, vous voyez le genre? Quand on arrête pour huiler nos chaînes (on le fait une couple de fois par jour, contrairement à d’autres qui négligent et briseront éventuellement) on constate les dégats : trois rayons brisés, ma roue bouge de 2 pouces de gauche à droite. Heureusement que j’ai des freins à disque. La roue est tellement fausse qu’elle coince le bloc-gear et l’empêche de tourner librement. C’est exactement comme si ma free-wheel était brisée. Impossible de se laisser aller sans pédaler, il faut toujours que je tourne les manivelles, pour reprendre le slack dans la chaîne tout le temps. Donc, les descentes se font sur le brake, mais en pédalant, peu importe la pente. C’est pas facile.

La route devient ensuite plus roulante (trèèèès long stretch de plat) et nous continuons à notre pace mollo habituel. Au fil des kilomètres, nous rattrapons quelques équipes parties trop vite, et éventuellement, nos maillots verts, avec qui nous partagerons des relais jusqu’au deuxième ravitaillement. (façon de parler, parce que leurs relais sont un tantinet anémiques) Pas facile de drafter non plus avec ma roue « fixe ». Je dois overlapper tout le temps, car en pédalant tout le temps, je vais souvent un peu trop vite et je ne peux me rajuster en me laissant aller quelques secondes.

Toute la journée, on a été entourés de beaux paysages, on longeait une rivière claire et limpide, on se serait cru au milieu d’une carte postale. On a croisé deux cerfs et un orignal.

Nous voilà donc arrêtés avec Tony et Eric pour refaire le plein au deuxième et dernier ravitaillement. On a 110 km dans le corps. Ça repart avec la principale difficulté de la journée : Une montée de malade (800 mètres) qui se fait surtout à pied, parce que c’est trop à pic et trop lousse pour rouler. Subtilement, on augmente le pace et bingo! on perd au train Tony et Eric.

Ça sent le feu. Tout près de nous, dans la montagne voisine, (à moins d’un kilomètre) on aperçoit un petit feu qui boucane. C’est pas rassurant. Les organisateurs ont bien failli canceller ce matin, quand ils ont appris l’apparition de deux nouveaux feux durant la nuit.

Éventuellement, on finit de monter et il faut redescendre dans une vallée tellement profonde et escarpée qu’on en voit pas le fond. Le hic, c’est que le sentier est devenu une mer de gros cailloux blancs tranchants d’un pied de large. Ça ne paraît pas roulable, mais comme il y en a pour des kilomètres, il faut rouler! Pas évident, avec ma roue jammée. À un moment donné, je n’en peux plus et je tente le tout pour le tout : j’arrête de pédaler, advienne que pourra! Ma chaîne s’en va de tous les côtés, déraille en dedans, déraille en dehors, frappe partout. À un moment donné, ça se stabilise et la chaîne qui frotte sur les rayons fait PRRRRRRTTTT, soudain, ça s’emballe pis ça fait KATLING KATLANG KAPLATNING, faut que je repédale. On croise les doigts pour pas que toute arrache…

La descente se termine enfin et il nous reste quelques kilomètres de gravier et d’asphalte pour arriver au finish, installé dans le stationnement du centre d’achats de la petite ville d’Elkford. 7h et 20 en selle! Ouf!

Nos leaders arrivent quelques minutes plus tard. En fait, on leur a repris leur avance, moins 9 secondes! La lutte sera chaude! Ils gardent donc le maillot de leaders à la cérémonie de ce soir, mais checkez-nous bien aller, on est pas loin.

C’est pas un cadeau pour les équipes moins fortes, qui continuent d’arriver en soirée, après 10, 11 ou 12 heures en selle. C’est encore pire pour ceux qui ont abandonné ou se sont faits arrêter au dernier feed zone. Nos chums de Québec, Daniel Albert et Sébastien Brassard, de l’équipe Brunet, ont abandonné au premier ravito, vers 3h. Ils sont restés là jusqu’à 9h du soir, puis se sont faits évacuer avec les autres dans un autobus scolaire poussiéreux au max. Ils sont arrivés au campement à une heure du matin. Méchante journée! Pas étonnant qu’ils déclarent forfait pour l’étape de demain, qui sera encore plus longue : 140 km!