Un brin de causette avec Rémi Bérubé

En mai dernier, une savoureuse conversation avec Rémi Bérubé, coordonnateur des compétitions à l’Association Cycliste Canadienne, nous avait appris tout ce qu’on voulait savoir sur la Coupe Canada sans jamais oser demander. À la demande générale, on remet ça aujourd’hui avec une explication du pourquoi nous céduler une course de bouette en début de saison à Baie-Saint-Paul.

Gilles:Bonjour Rémi. Quoi de neuf à l’ACC? Es-tu satisfait du travail de préparation effectué ces derniers mois, qui se solde par un calendrier national de courses encore bien chargé en 2007?
Rémi:Salut Gilles. 2007 sera encore une année très chargé sur le plan national. Le calendrier sera composé de plus de 14 événements internationaux; 8 XCO, 5 DHI, 1 4X. Fait à noter, le Canada accueillera 2 coupe du monde de XCO (Mont-Sainte-Anne et St-Félicien). La saison débute le 13 mai à Baie-Saint-Paul et se terminera le 22 juillet à Mont-Washington.
Gilles:Évidemment, l’événement qui retient l’attention des coureurs québécois est la Coupe Canada de Baie Saint-Paul et sa date hâtive, voire prématurée, voire hivernale, que dis-je, presque automnale dans sa prodigieuse précocité. En fait, je me demandais si c’était pas une épreuve de fin de saison 2006. Sans blague, ceux qui ont couru dans la bouette trop souvent à cet endroit craignent le pire. Que peux-tu répondre à Chris, par exemple, qui s’exprime ainsi : « Je le dis depuis le début, ca va prendre des raquettes à Baie St-Paul pour la coupe Québec/Canada. Chu convaincu qu’il va y avoir encore de la neige moi. C’était pas bien de placé Baie St-Paul en premier et surtout pas 1 semaine plus tot qu’a l’habitude.. »
Rémi:Plusieurs facteurs font que Baie-Saint-Paul soit positionné en début de saison.Sur le plan sportif, le comité des événements de l’ACC a adopté de ne plus avoir d’événements UCI de classe HC, 1, 2 ou 3 en même temps qu’une Coupe du monde, afin que les points UCI attribués en Coupe Canada soient accessible aux coureurs élite de premiers plan (Marie-Hélène, Sydor, Kabush, McGrath, Plaxton, etc). Comme vous le savez, nous sommes présentement en phase de qualification olympique, et tous les points sont comptés afin que l’on s’assure un maximum de participants à Beijing. Comme il y a des Coupe du monde en début juin en Europe, les dates disponibles restantes étaient à la mi-mai.L’autre chose qu’il faut comprendre par rapport à la Coupe Canada, c’est que la série implique des déplacements pan-canadien pour les juniors, les U23 et les élites. Nous devons donc regrouper ces événements par bloc afin de minimiser les coûts de transport reliés à la série.Comme BSP peut uniquement accueillir un XC, l’événement se doit d’être placé au début ou à la fin d’un bloc de Coupe Canada.Comme tu me le mentionne plus bas, le timing avec MSA aurait été très bon. Malheureusement, au moment de la planification du calendrier, MSA avait toujours une Coupe du monde de marathon le week-end du 16-17 juin. C’est pourquoi on a placé Hardwood avant MSA afin de ne pas nuire au Vélirium. Ce qui était tout à fait logique à ce moment.D’autre part, comme la plupart des autres Coupe Canada, les organisateurs cherchent à combler un vide touristique pour leur région. Pour l’intérêt financier de l’événement, il est important d’obtenir ce support régional afin d’assurer la pérennité de l’événement.C’est le cas à Bromont, c’est le cas à Tremblant et c’est aussi le cas à BSP. Dépendamment de la période de l’année, les organisateurs ont accès à des ressources régionales qui ne seraient pas disponibles en haute saison. On doit s’adapter à cette réalité.Comme les nationaux sont dans l’ouest cette année, il était impossible d’envisager un troisième voyage dans l’est en fin d’année (après le bloc de la mi-mai et le bloc de la coupe du monde de juin). Le calendrier aurait été dispendieux pour les visiteurs de l’ouest du pays.Il ne restait plus que le bloc de la mi-mai de disponible, et comme il y a une Coupe du monde en début juin, seul le 12-13 mai était envisageable pour BSP.Le bon côté est que tous les gros joueurs canadiens (et possiblement américains) seront présent au départ de BSP. Car le timing est excellent en vue d’une préparation pour les premières Coupe du monde européenne.Par contre, comme toute bonne classique printanière, il pourra peut-être faire mauvais. Mais du mauvais temps, cela peut arriver n’importe quand. Il a déjà neigé en plein mois de juillet à Canmore pendant une Coupe du monde. Parlez-en à MHP.
Gilles:(en se tirant du doigt la paupière du bas jusqu’au menton) Hé ben, j’ai bien hâte de revoir les Sydor, Prémont, McGrath, et Kabush se disputer ardemment aux quatre coins du pays le titre de champion de la Coupe Canada. Dis-moi, pourquoi c’est qu’on aurait pas pu switcher Hardwood Hills et BSP? Me semble que ça aurait fait du sens d’avoir une course hâtive en Ontario, ousque y’a moins de neige, suivie de courses au Québec, puis BSP juste avant la Coupe du monde. Nos athlètes auraient pu s’installer à Sainte-Anne, aller faire la course à BSP, revenir à Ste-Anne et bien se préparer pour la Coupe du monde. Vous y avez sûrement pensé?
Rémi:Comme mentionné plus haut, nous y avons pensé. Mais même si nous avions voulu faire le switch, Hardwood Hill est d’abord et avant tout un centre de ski de fond. Ils produisent de la neige, ce qui fait que même si géographiquement ils sont plus au sud, il y aura toujours un risque de neige tardive à cet endroit également à la mi-mai.
Gilles:Qu’est-il advenu du projet de regrouper le championnat canadien simultané montagne-route-piste-BMX à Bromont?
Rémi:La politique… Bien que le concept est beaucoup de potentiel. D’autres discussions devront avoir lieu avant de voir le tout se réaliser.
Gilles:On se souvient l’échange que nous avons eu l’an dernier pour expliquer les subtilités de la coupe Canada Or, Argent, Bronze, Platine et Nickel. Le même système prévaut-il cette année, ou avez-vous rajouté le Cro-Moly et le Scandium?
Rémi:Pour le MTB, cela sera idem à 2006.
Gilles:Et qu’en est-il du « classement national », institué l’an dernier et différent du classement Coupe Canada? J’ai vu entre autres sur la fiche d’athlète Crashed Ice de Dominick Ménard qu’il était champion en DH au classement national, tout en ayant terminé 5e au cumulatif Coupe Canada. (en passant, je tiens à le féliciter officiellement, il a terminé 28e au Crashed Ice, ce qui est très impressionnant et nous fait honneur, car 6 rangs devant Martin Thibault, qui fait honte à l’ensemble de la discipline du Cross-country. :-), Dominick a aussi remporté le prix du plus haut vol plané du haut du jump de l’escalier casse-cou, on essaie d’avoir des images pour vous montrer ça, ce fut spectaculaire) bon j’ai oublié où je voulais en venir, shit. Ah l’âge, je vous dis, des fois… Ah oui… j’ai retrouvé… je disais, en dehors de cette fonctionnalité d’embellissement cosmétique des CV, rappelle-moi donc l’utilité du classement national?
Rémi:Cela permet à toutes les provinces, peu importe leur capacité financière, d’être présentes sur la scène nationale.
Gilles:Mais encore, donne-nous un exemple. Mettons un athlète de Nouvelle-Écosse, ça change quoi pour lui?
Rémi:Je vais te donner un exemple concret. Il faut comprendre que le classement national est un outil de plus pour la détection de talent qui couvre l’ensemble du territoire canadien. Voilà pas si longtemps, un dénommé Zach Bell, de Whitehorse au Yukon (qui est au championnat du monde sur piste ce week-end en Espagne) s’est pointé aux nationaux de piste et a obtenu les standards. Mais les coachs nationaux n’avaient jamais entendu parler de lui auparavant. Le gars s’est amené à Calgary pour ses études et n’avait jamais roulé sur une piste auparavant, il était lutteur!!!. Est-ce un feu de paille? Est-ce un hasard? Personne ne l’avait jamais remarqué parce qu’il vient du Yukon, et qu’il n’y a pas d’événement nationaux ou internationaux là-bas, et pratiquement pas d’événements provinciaux et le gars n’avait pas les moyens de voyager au BC pour se faire valoir. Vous savez, ce n’est pas toutes les provinces qui ont un calendrier de course aussi complet que le Québec sur le plan national et international pour se faire valoir. C’est pourquoi nous avons créé le classement national, afin que nous puissions débusquer tous les Zach Bell qui sont cachés quelque part au Canada. Donc, si un athlète n’a pas les moyens de se déplacer hors provinces pour participer à des événements nationaux ou internationaux, il aura tout de même la chance de se faire valoir sur son territoire dans un premier lieu, tout en ayant une reconnaissance sur le plan national. Un bon comparatif que tous vont comprendre : Le classement UCI versus la Coupe du monde. Tous les pays ont la chance d’avoir des événements UCI sur leur territoire, qui sont compilés dans un classement qui s’appelle le classement UCI. Mais la Coupe du monde est une série sélecte que seuls certains pays mieux nantis peuvent s’offrir et qui comporte son propre classement. Le lien de comparaison pour nous au Canada est la Coupe Canada versus le classement national. Comme en Coupe du monde, la Coupe Canada a son propre classement. Mais tous les résultats de la Coupe Canada sont également inclus dans le classement national, au même titre que les résultats de la Coupe du monde sont inclus dans le classement UCI. La différence est que la Coupe du monde et la Coupe Canada sont des séries d’événements qui sont limités et que le classement UCI et le classement national regroupent l’ensemble des événements soumis au calendrier.
Gilles:Pour bifurquer sur une note plus légère, je me bidonne à chaque fois que je google sur le vélo de montagne et que je tombe sur cette page de l’ancien site de l’ACC toujours en ligne et qui semble fort bien indexée et qui dit:« Cross-country:La première chose à mentionner à propos du MTB, est les non-nécéssité de montagne pour la compétition. Une variété de terrain, allant des pâturages retirés jusqu’aux parcs des villes, a été utilisée avec succès pour recevoir des événements de la coupe du monde. Les courses de Cross-country de coupe du monde s’effectuent sur un circuit fermé, généralement de 6 à 8 km. C’est un départ en groupe et les coureurs n’ont droit à aucune assistance extérieure. Pour cela ils doivent transporter leur propre équipement nécessaire pour des réparations éventuelles. La conséquence de cette règle a eu pour effet une augmentation de la durabilité des produits disponibles au grand public aussi bien que ceux réservés au sport Elite. »Je voudrais avoir ton avis sur «les non-nécéssité de montagne» et les «pâturages retirés?»
Rémi:Cela donne accès à des zones urbaines à haut potentiel de spectateurs. Imagine une Coupe Canada sur les plaines d’Abraham, sur le Mont-Royal ou à English Bay (Vancouver). Tous ces endroits possèdent un énorme potentiel pour la course de XC sans pour autant être sur une montagne. Normalement, les organisateurs doivent tenter d’attirer les gens vers les banlieues pour aller aux courses. Imaginez un peu le contraire; les coureurs se rendant à la ville où les spectateurs sont déjà présent en grand nombre. Le CLX fonctionne bien en se moment principalement pour ces raisons. Les Coupes du monde sont organisées en milieu urbain, où les spectateurs sont déjà sur place, donc beaucoup de visibilité, donc des $$$ pour les coureurs. Les meilleures épreuves de coupe du monde XC sont également situées en zone urbaine. On n’a qu’à penser à Houffalize ou Madrid, deux épreuves qui sont downtown et qui sont dès plus appréciés sur le circuit.
Gilles:J’aimerais aussi connaître ton avis sur la pertinence de la règle de non-assistance, qui a pour effet « une augmentation de la durabilité des produits disponibles au grand public aussi bien que ceux réservés au sport Elite. » Me semble que ça fait bien du sens. Pour une fois qu’on s’accorde sur un point positif et pertinent, attaboy!
Rémi:Cela n’existe plus la règle de non-assistance. Il faudra donc faire une mise à jour sur notre site web! Tous ont droit à l’assistance dorénavant. Au diable les coûts! Personnellement, je ne n’étais pas en faveur de ce changement, du moins pas au niveau des catégories jeunesse. Les parents sont ceux en bout de ligne qui doivent mettre la main dans leur poche une fois de plus. Par contre, je comprends qu’un coureur élite, qui y va pour une médaille Olympique, désire avoir le luxe de changer sa tige de selle si elle flanche.
Gilles:Tout le monde a été épaté de l’annonce de la Coupe du monde à Saint-Félicien. Ma blonde pense encore que c’est un poisson d’avril. Raconte-nous, ça a dû goaler chez vous et à la FQSC à partir du moment où Angel Fire a lancé la serviette? Comment ça s’est passé dans les coulisses?
Rémi:Tu sais Gilles, on le savait depuis novembre dernier que cela ne marcherait pas à Angel Fire. Le problème, c’est que l’UCI n’a pas ouvert la porte à toutes les nations à ce moment. Elle a donné beaucoup de temps, presque trop de temps, aux américains pour tenter de relocaliser l’événement. Faut comprendre que l’UCI subissait beaucoup de pression commerciale pour qu’un événement ait lieu aux USA. Finalement, après quelques coups de téléphone signifiant que l’on serait disposé à regarder de notre côté pour réaliser l’événement, l’UCI nous donnait son accord. Contact auprès de toutes les associations provinciales, contact auprès des organisateurs nationaux 2006 et hop on était en business! Je ne veux pas t’en dire plus pour l’instant car je crois qu’une conférence de presse est en préparation pour annoncer l’événement officiellement. Je vais vous laisser au bon soin de Martin pour vous raconter comment on en est arrivé là. (Demandez-lui surtout de quel endroit il a négocié tout cela!) Mais pour faire une histoire courte, cela nous a pris à peu près 20 jours pour réaliser ce que les américains n’ont pu faire en 5 mois! Un véritable tour de force dans les circonstances! En toute honnêteté, je crois que l’UCI nous a offert notre chance, tout en pensant qu’il était déjà trop tard, et que ce n’est que par pur politesse qu’il nous ont contacté. Mais on leur a montré de quoi on est capable et j’espère que cela sera payant pour nous dans le futur. Je voudrais en profiter pour dire un gros merci à Mathieu pour tous les efforts qu’il a injectés dans ce projet. Vous le savez probablement tous, mais vous avez un excellent directeur technique vélo de montagne à la FQSC.
Gilles:Oui, on en est conscients et contents. On chiale tout le temps contre les petits défauts de la FQSC, mais sauf votre respect et à la lumière des licenciements récents, je pense que notre Fédé sait plus où elle s’en va que l’ACC. Et Vlan! Merci de ton temps précieux, Rémi, et surtout merci pour cette belle saison que vous nous offrez!