VTT au Mont-Ventoux: Le Gendron report

Enfermé chez lui lors de la dernière tempête de neige, Pierre nous a raconté ses exploits printaniers chez nos cousins hexagonaux.


On va au chalet

Partie 1 (un printemps en fast forward)

Frais sorti d’une saison de ski de fond, quelques km seulement de vélo de route dans les jambes (Beaupré/Québec ou les Équerres anti-horaire) et soudain bang! je me retrouve, en début mai, au pied du Ventoux, avec la tribu, dans une maison adossée à un château qui, même du temps de Champlain, avait déjà besoin d’une grosse job de tirage de joints.

Mon ami Daniel Lebrun sur son Bianchi carbone noir me tire sur les routes qui sillonnent la base du «Géant de Provence». Chaque jour on se tape de bonnes distances tout en veillant à ce que les routes deviennent de plus en plus pentues. Le but ultime est de monter le Ventoux sans en crever.

À chaque jour on consulte la carte et on se fait un petit trajet qu’on ne réussit jamais à compléter. Il y a tellement de villages et de routes qu’on se retrouve souvent là où nous n’avions pas planifié aller. De toute façon, quand on ne va nulle part, on ne se perd jamais.

Le temps est frais à souhait et surtout très venteux; très bon pour travailler la «dureté du mental» et l’art de prendre le relais.

Un matin, en lisant le journal , j’apprends qu’il y a une course de VTT (comme ils disent) au Chalet Raynard le dimanche qui vient. Il y a aussi le même jour un très aguichant (pour une partie de la tribu) «vide-grenier» ailleurs et, enfin, un concert de gospel (très apprécié par ma fille) à un troisième endroit. Le choix est facile pour Daniel et moi, il s’agit juste de le vendre au reste de la tribu.

En attendant de pondre une stratégie de vente de la course, je me tiens coi. Une stratégie ça se mijote.

En soirée, nous décidons d’aller prendre un café à Bedoin.

En face du café, il y a une superbe boutique de vélo dans la vitrine de laquelle nos nez écrasés laissent de rondes traces grasses. « Bedoin Location Cycles* » est fermée mais offre, dehors, sur le rebord de la vitrine, une liasse de dépliants publicitaires expliquant la course de vélo de montagne à venir.

Le lendemain, «par hasard», on se retrouve à ce magasin ; le proprio (qui est le père de la vedette montante féminine française en vélo de montagne Olivia Cascino – retenez ce nom, il va apparaître bientôt sur la liste des coureurs de la Coupe du Monde au Mont Ste-Anne) est présent. J’en profite pour oser lui demander si je pouvais louer un vélo pour la course du dimanche suivant. Je crains un «non» catégorique ou minimalement une série de clauses et conditions écrites qui feraient que, en comparaison, l’acte constitutionnel canadien de 1867 ressemblerait à une vulgaire liste d’épicerie. Mais non, monsieur Cascino est très content de me louer et me demande quelles pédales mettre sur le vélo qu’il va me fournir. Il me demande d’en prendre livraison la veille de la course pour me permettre d’aller faire la reconnaissance du parcours…et tout ça pour un tarif d’un jour. Ce monsieur est un gentleman et un fin connaisseur.

Tout en placotant, arrive Olivier, l’organisateur de la course. Poignées de main, blagues sur notre accent et j’apprends au fil des échanges que le parcours de la course a été en grande partie dessiné par un québécois, un certain Benoît, très bon vététiste me dit-on. Je ne connais qu’un Benoît et ose avancer le nom de Benoît Simard.

C’est lui!

Décidément le monde est petit (ou Benoît a le nez fourré partout). Je vais faire une course de vélo de montagne sur les flancs du Mont Ventoux dans un parcours dessiné par un gars de Ste-Catherine de la Jacques Cartier!

Au moins, à défaut d’exotisme, je vais être sûr que ce sera technique.

Partie 2 (le parcours de Ben)

Il a dessiné son parcours à partir du Chalet Raynard. Ce «Chalet» est en fait un resto sur la route qui monte vers le sommet du Ventoux. C’est aussi le départ d’un petit centre de ski en hiver… quand il y a de la neige. La caractéristique du lieu c’est qu’il est à la limite de la ligne des arbres. On y fait la course en circulant entre des petits arbres rabougris et sur des terrains faits de cailloux blancs instables. Assez lunaire comme paysage, le soir à la frontale ça doit être Halloweenesque.

Le dénivelé est assez important (on me dit 300 mètres par tour… C’est soit optimiste ou mes jambes n’ont pas ressenti ces variations d’altitude).

La boucle de départ est en montée sur de la roche instable (il faut trouver la ligne) et évidemment suit une descente rapide dans les mêmes conditions. Ensuite on serpente sur une route de pompier et on débouche sur une crête qui donne le vertige: pas d’arbre et une vue… à perte de vue. Suit une montée dans de la «caillasse» (je crois que c’est le nom qu’on donne à ces galets aussi plats et instables que le programme politique de l’ADQ). À cette montée succèdent des petits slaloms en montées et descentes vers des arbres qui hésitent entre le nanisme et la taille normale.

Dans les 4 sections rocailleuses, la piste (30 cm au plus large) serpente à mi-chemin d’une très haute pente qui gîte à 45 degrés d’inclinaison. Une erreur de pilotage n’amène pas une dégringolade de falaise comme un film de James Bond, mais force le mauvais pilote à essayer de remonter avec sa monture vers la piste dans des cailloux qui s’amusent à se dérober sous ses pieds. Dans un de ces sentiers il y avait même une belle racine à angle qui insistait pour nous faire rencontrer intimement ses amis les cailloux.

Un parcours l’fun dans lequel on ne se repose jamais. Dommage, le paysage est si grandiose!

Partie 3 (Méchante surprise à la location)

Lorsque j’avais quitté monsieur Cascino de « Bedoin Location Cycles », ce dernier m’avait montré les vélos disponibles et j’en avais choisi un sur lequel je me sentais bien: un hard-tail anonyme, d’au moins une saison de location, mais très bien entretenu. Monsieur Cascino m’avait prévenu alors qu’il allait demander à son mécano de le mettre en état de course. Ça me plaisait.

Le lendemain quand je suis arrivé à la boutique, le vélo promis avait disparu.

Je commençais à devenir «fru». Avait-il loué à un autre client le vélo proposé? Le proprio avait-il viré son capot de bord et décidé de ne plus me louer un vélo pour une course? Quel guimbarde allait-il me refiler?

Je broyais du noir en allant voir monsieur Cascino.

À côté de bicyclettes tout usages, il y avait bien une série de vélos neufs dans le parking de la pizzeria (monsieur Cascino a aussi une pizzeria tout près de sa boutique de vélo et son atelier mécanique est à côté de la pizzeria. Après une grosse «raille» quand on rend le vélo loué, j’imagine que l’arôme doit être insupportable à un ventre creux – fait à noter, la pizza n’est pas faite par le mécanicien) donc dans le parking, des vélos tout frais sortis de leur boîte scintillent sous le soleil provençal: «full XT», Truvativ, freins à disque hydrauliques, fourche avant Marzocchi, cadre alu, le tout de marque «Scrapper» (quel nom!).

Je demande anxieusement à Daniel Cascino (c’est son nom au complet) où je pouvais trouver le vélo réservé la veille. Il me montre fièrement la série de Scrappers neufs et me dit de choisir celui qui me sied et d’y mettre mes pédales. WOW! Quelle belle surprise. Du coup mon stress tombe.

-« Et les papiers de location? »

-« Allez l’essayer et nous règlerons ça après » m’a-t-il répondu.

Je sors ma clef de 15, mets mes pédales, ajuste la selle et roule 100 mètres en terminant par un freinage roues bloquées; ensuite je pompe la fourche comme tous les acheteurs dans les magasins et souris de béatitude.

Pour employer une expression de satisfaction: merci et hop! Je mets le vélo dans le minibus et nous grimpons les 15 km vers le site pour en faire le repérage d’avant course.

Il fait chaud, le terrain est sec, je me trompe de parcours souvent; après tant de jours de route j’ai du fun comme un ti-cul dans la montagne; le vélo est nerveux (j’avais oublié cette caractéristique depuis que j’enfourche un double sus); je dois par contre me familiariser avec les changements de vitesse «à l’envers» du nouveau XT. Un très court 90 minutes plus tard je remets le vélo dans le camion et retour vers un gros spag et un noble rouge. Il ne faut pas trop en faire car le lendemain il y a course.

Toujours ce combat intérieur entre le fun et la raison.

En buvant mon café, le soir, je réalise qu’il y a des choses moins drôles dans la vie.

Partie 4 (une course de VTT en France)

Pas de crainte, éventuel lecteur, je ne décrirai pas ma course. Il n’y a rien qui ressemble plus à une course qu’une autre course. Par contre voici quelques différences observées.

  1. On a tous des puces pour le chrono et tout le système est géré par une seule personne,un homme qui est assis dans un genre de cabanon sur roue avec une vue sur le fil d’arrivée .En réalité le contrôle du temps est fait par un portique qui lit les puces (il sert de compte-tours et temps d’arrivée).
  2. Le lunch après course ressemble à un brunch. Il y a de tout, c’est bon, il y en a beaucoup.
  3. Dans le parking, à côté du site de course, il y a des grosses et chères voitures. Le VTT, ici,n’est pas pratiqué par des «tout nus». Et les sujets de conversations entre coureurs sont les mêmes que chez nous: dernières trouvailles/gadgets/occases vélo, dernières mésaventures en course, description du léger rhume ou grippe qui va empêcher des performances optimales, semaine d’enfer au bureau qui ne permet pas de s’entraîner normalement, etc.
  4. Sur le parcours, je n’ai jamais entendu de remarque, ni même de demande de céder le passage de la part de coureurs plus rapides (et il y en avait!). Ils étaient surpris que je leur annonce mon intention de les laisser passer dès que possible. Grande politesse sur le parcours, tous âges confondus.
  5. L’affichage (flèches) est quasiment absent. Il y a des petits rubans jaunes attachés dans les branches d’arbre. Faut dire que planter un piquet de bois dans de la roche…
  6. Il n’y a pas de postes de ravitaillement sur le parcours.
  7. L’annonceur parle constamment , il est très dynamique et intéressant. Il connaît le sport et les coureurs. Un genre de Martial Derôme sur amphétamines.
  8. À la fin de la course, partout autour du parcours, les tables et chaises se déplient, les glacières s’ouvrent et les nappes colorées se font recouvrir par une montagne de nourriture et boissons. Ça parle de la course comme au 19ième trou d’un club de golf. Et la fête dure. Un jour de course, c’est une journée consacrée à la course. L’agenda est bloqué pour cette date.
  9. Je n’ai pas vu de commissaires d’une fédération. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en avait pas. S’il y en avait, ils n’ont pas de vêtements les identifiant.
  10. Ma licence de la FQSC a été acceptée, autrement il faut fournir un certificat médical prouvant sa bonne santé physique.

Le mot de la fin

Je n’ai pas terminé dernier: voir les résultats.

Parlant d’Olivia Cascino

Si vous passez dans le coin allez saluer Daniel Cascino. Bedoin location.

Un gros fun d’après course c’est aussi de descendre du Chalet Raynard jusqu’à Bedoin; 15 km de 7 à 11 degrés de pente sur un pavage billard et avec plein de courbes. Pour les moins fatigués ça peut aussi se faire par les sentiers, mais là c’est plus long et probablement plus l’fun.

Bon je retourne à ma pelle, l’entrée est encore pleine de neige.


Olivia Cascino (la fille du proprio) et un bon ami de DGILZ (NDLR : Ah, pas lui, Tabar…)