Des nouvelles de Philippe Beaudet

À la nouvelle année, on se souhaite tout plein de bonne santé. Cliché, direz-vous? Je pense que non. Entrevue avec Philippe Beaudet, qui revient de loin…


Gilles:Philippe, pour ceux qui ne te connaissent pas, présente-toi en 200 mots, svp.
Philippe:Pour bien me présenter, il est important de mentionner que je suis très sportif et que les membres de ma famille sont sportifs. J’ai 19 ans et j’étudie en techniques de diététique depuis ma sortie du secondaire. J’habite donc Québec dans le quartier des Méandres avec ma famille qui est composée de mes deux parents et de deux sœurs plus jeunes. Moi et mes sœurs avons déjà pratiqué le patin de vitesse les trois en même temps, mais la plus vieille de mes sœurs a arrêté ce sport depuis trois ans. En ce moment, il ne reste que ma petite sœur et ma mère qui pratiquent ce sport. Mon père pratique le vélo de montagne depuis 6 ans et ma sœur la plus vieille fait de l’athlétisme depuis 3 ans. Quant à moi, j’ai joué au soccer pendant 8 ans et c’est ce sport estival qui précédait mon entrée en vélo de montagne l’année d’après. Je pratique le vélo de montagne depuis 7 ans et je ne suis pas trop mauvais en raids.
Philippe, à gauche, sur la troisième marche du podium Junior Expert au Tour du Mont-Valin 2007.J’ai bien sûr fait d’autres sports que ceux déjà nommés, mais pas de façon compétitive: ski alpin, ski de fond, escalade, canot de rivière, kayak de mer, course à pied (cross-country).
Gilles:Hish, 204 mots, t’as dépassé ton quota. Mais pas grave. Raconte-nous maintenant comment est arrivé ton accident.
Philippe:L’accident que j’ai eu s’est passé à l’entraînement en patin de vitesse courte piste, le jeudi 25 septembre à l’aréna de Sainte-Foy. Je patinais assez rapidement lorsque je me suis accroché avec un autre patineur et par la suite j’ai perdu l’équilibre vers l’arrière. En essayant de me ramener vers l’avant j’ai vu les matelas arriver et je n’ai pas eu le temps de me placer différemment que de rentrer à pleine face dans ceux-ci. Cet accident s’est passé en sortant d’un virage, le point où c’est le plus dangereux de tomber. Lorsque je suis retombé de mon accident, j’ai essayé de me relever, mais seulement ma tête bougeait et mon cou me faisait très mal étant donné que je m’étais fracturé des vertèbres cervicales. J’ai dû attendre de 15 à 20 minutes avant que les ambulanciers arrivent, me déplient étant donné que je ne pouvais bouger et m’enlèvent mon équipement.
Gilles:Pourquoi la sortie du virage est-elle l’endroit le plus dangereux?
Philippe:Cette partie du virage est critique parce que c’est l’endroit où l’on recommence à prendre de la vitesse.
Gilles:Comment se sont passés les premiers jours suite à l’accident?
Philippe:Les premiers jours à l’hôpital ont été très difficiles, étant donné mes blessures très graves. J’ai dû passer par l’hôpital CHUL avant que les radiographies ne révèlent que la blessure était trop grave pour être traitée à cet hôpital, après quoi je fus transféré à l’Enfant Jésus. L’opération avait lieu le lendemain et fut effectuée par un neurochirurgien et un orthopédiste, qui ont opéré pendant 5 heures. Avant cette opération, les médecins m’ont installé un cerceau de métal vissé dans mon crâne et qui était tiré par un câble vers l’arrière de ma tête, permettant de placer mon cou droit avec le reste de ma colonne vertébrale. Pour procéder à l’opération, ils ont prélevé de l’os sur ma hanche droite pour venir le placer avec une plaque de métal et des vis entre les vertèbres C5 et C6 pour quelles reprennent ensemble. Lorsque j’étais couché dans mon lit d’hôpital, j’étais branché avec trois ou quatre solutés et la moitié de la journée avec un respirateur qui poussait de l’air dans mes poumons. J’essayais d’avoir une attitude positive, mais c’était très difficile, surtout du fait que les médecins n’étaient pas certains que je pourrais recommencer à marcher.
Gilles:Quel a été le verdict/pronostic des spécialistes? C5 et C6 étaient fracturées, écrasées? Lésions de la moelle épinière? T’as passé combien de temps à l’hôpital?
Philippe:Je suis resté deux semaines à l’hôpital et la fracture était au niveau de C5, mais j’ai eu une atteinte à la moelle épinière au niveau de C5et C6. Ma moelle n’a été que compressée et il a fallu qu’elle désenfle pour me permettre de retrouver plus de mobilité du côté droit.
Gilles:Quelles conséquences sur ta vie future?
Philippe:Au début, les médecins n’étaient pas certains si je pouvais encore marcher. Ils disaient que j’aurais probablement des séquelles physiques et peut-être neurologiques, étant donné que je sens moins le toucher et la température sur le côté gauche de mon corps. C’est comme si on découpait mon corps en deux et que d’un côté je sens plus le toucher et la température. Ils disaient aussi que j’aurais des raideurs au niveau du cou.
Gilles:Est-ce que l’insensibilité du côté gauche a changé avec ta récupération, ou si c’est encore pareil?
Philippe:La sensibilité de mon bras et main gauche s’est améliorée, mais celle au niveau de mes jambes et du haut du corps n’a guère progressé.
Gilles:Là, le processus de réadaptation a débuté? Ça consiste en quoi?
Philippe:La réhabilitation au centre François Charron est constituée de trois niveaux. L’ergothérapie aide à reprendre le cours de la vie que l’on menait avant l’accident. Cela peut vouloir dire de marcher, tout en faisant des déplacements pour améliorer la stabilité. L’ergothérapie aide à reprendre les habitudes de vie antérieures. Comme exemple, je fais des exercices pour améliorer la force dans ma main et la mobilité de mes doigts. La physiothérapie permet de retrouver la mobilité des muscles qui étaient paralysés et de reprendre la force que l’on avait. Les exercices se font surtout sur des lits, mais peuvent se faire debout lorsque c’est possible. Ces traitements sont effectués à chaque jour pour favoriser une récupération rapide. Le conditionnement physique aide à reprendre la masse musculaire perdue lors de l’inactivité des muscles et aussi à améliorer la forme physique globale.
Gilles:Combien de temps fut alloué à ces 3 phases?
Philippe:Chaque phase compte une heure de traitement à chaque jour, sauf le conditionnement physique qui est à trois fois par semaine. Les traitements continuent aussi lorsque les patients sortent de ce centre pour retourner chez eux. Lors de pareille situation, la fréquence des traitements est réduite à deux ou trois fois par semaine étant donné que les gens n’en ont pas autant besoin.
Gilles:Des progrès?
Philippe:Depuis que j’ai eu mon opération, je progresse un peu à chaque jour. Simplement comme exemple, lorsque j’étais à l’hôpital, j’étais seulement capable de tenir 2 minutes debout et par la suite je devenais étourdi. J’ai renforci mes muscles de partout et amélioré mon autonomie par rapport à mon alimentation, mon hygiène, mes déplacements et mes activités. Lorsque je suis arrivé au centre François-Charron, je n’étais pas capable de me pousser à deux mains avec ma chaise roulante, je ne coupais pas mes aliments seul, ne faisait pas mes soins d’hygiène, ne pouvait pas me transférer dans mon lit à partir de mon lit. Bref, je ne faisais pas grand-chose sans aide. Peu à peu, j’ai commencé à reprendre mes habitudes de vie, qui inclut aussi marcher. J’ai donc débuté avec plus d’aide physique et matérielle et par la suite je commençai à retirer des aides pour ne finir qu’avec une orthèse tibiale qui me tient le pied à 90 degrés étant donné que celui-ci ne remonte pas très bien. Depuis ce temps, je fais presque tout ce que je faisais avant. J’ai l’intention de recommencer le vélo de montagne à l’été prochain et le patinage de vitesse longue piste à l’automne prochain.
Gilles:Longue piste, parce que c’est moins dangereux?
Philippe:Effectivement, cette division du patinage de vitesse est moins dangereuse étant donné que chaque patineur patine dans son propre couloir. Le risque est moins grand pour se blesser étant donné que le temps de glisse vers les matelas est plus long et l’on ralentit plus avant d’atterrir dans ceux-ci.
Gilles:Comment tu prends ça? Comment le monde autour de toi prend ça?
Philippe:Pour ce qui est de ma part, je dois dire que je me suis habitué à mon petit manque d’habileté, mais cela ne m’empêche pas de faire ce que je veux. Je suis conscient que je ne peux pas faire tout ce que je faisais avant. Les gens autour de moi sont comme avant avec moi et ne se découragent pas quant à ma réhabilitation. Ils sont très fiers de moi et de ma réhabilitation rapide.
Gilles:Tiens, pourquoi ne pas demander directement aux parents de Philippe comment ils vivent ça. Son papa Luc nous livre leurs impressions :
Luc Beaudet:Ce genre d’accident nous a fait réaliser comment la vie et la santé sont fragiles. Les premiers moments après l’accident sont très déstabilisants pour des parents mais comme on est peu informé par les médecins de la gravité de la situation, on pense que tout cela n’est que temporaire. Par contre, après le transfert du CHUL à l’Enfant-Jésus, on commence à comprendre les dégâts causés par cet accident (fracture cervicale, compression de la moelle épinière). S’ensuit l’opération visant à fixer deux vertèbres cervicales ensemble et le passage aux soins intensifs avec tous les scénarios d’horreur que cela comporte (va-t-il remarcher, comment le débrouillera-t-il, que fera-t-il plus tard, etc…). Je dirais que les deux semaines passées à l’hôpital ont été plutôt difficiles et cela combiné à la vie familiale (on a trois enfants) qui continuait. Il y avait tout de même des signes encourageants. Même à l’hôpital, Philippe prenait toujours moins de temps que prévu pour chacune des étapes (moins de temps pour la masque à oxygène, pour son passage à l’unité de traumatologie, etc..).
Papa Luc qui surveille son fils en action dans une course régionale.On a commencé à voir la lumière au bout du tunnel dès son arrivée à François-Charron. La progression a été fulgurante à partir de ce moment. Il y avait des changements à chaque jour sur la récupération. De plus, la dynamique de groupe (résidents) favorise la réhabilitation. Nous avons que des bons mots pour le personnel du centre (ils sont attentionnés, à l’écoute et très gentils). Ils ont un mode de fonctionnement où doivent être établis des objectifs sur six semaines. Philippe réussissait toujours à les rencontrer dans la première ou la deuxième semaine. On le connaissait déterminé pour le dépassement physique, mais il nous a quand même impressionnés. Tous ces éléments ont permis de retrouver une vie familiale comme avant, encore plus lorsqu’il est revenu à la maison. Philippe a récupéré jusqu’ici une grande partie de ses capacités (il fait de la raquette – tu l’as manqué avec la gang à DSA, quelques semaines après toi), c’est la motricité fine qui comporte encore de petites lacunes mais la progression continue. Avec du recul, on a quand même réussi à passer au travers cette épreuve tant bien que mal, la famille et les amis ont aidé grandement. Je dirais également que le héros de cette histoire est Philippe pour sa détermination, sa persévérance et son moral sans faille.
Gilles:Comme parents, nous voulons que nos jeunes tripent à faire du sport, mais le sang nous glace dans les veines quand on les voit exposés au danger. Plus mes enfants grandissent, plus je comprends ma petite maman, dans le temps, qui craignait que je me casse le coup (!) quand j’ai commencé le vélo de montagne. Est-ce que cet accident a changé votre façon de voir la pratique des sports dangereux?
Luc:La dessus, notre opinion est partagée. D’un coté, tous les sports de compétition comportent des risques et d’un autre coté, le patinage de vitesse courte est peut-être un peu plus dangereux que la moyenne. Par contre, cette activité est très bien encadrée par des règles de sécurité et des entraîneurs formés. Doit-on arrêter de pratiquer ces sports sous prétexte qu’il y a risque de blessures? Je ne pense pas. Notre dernière pratique encore le courte piste mais il n’est pas question que Philippe recommence cette discipline, probablement le longue piste. Il devrait refaire également du vélo de montagne l’été prochain. Il a des projets pour devenir entraîneur (vélo de montagne et courte piste) dès cette année.
Gilles:Merci à vous deux et nous avons bien hâte de revoir Philippe en selle.


Père et fils aux 24h de Dugaluc 2008.