Nostalgie : Lettre ouverte à BMW

Note : Cette magnifique chronique était destinée au blogue de Vélirium.com, mais fut refusée parce que les filles de Gestev veulent continuer de rouler en BMW à bon prix. Il serait dommage que tant de prudence et de coquetterie prive le public de son droit le plus légitime à l’information, aussi futile et insignifiante soit-elle, alors partageons-le ici, illico, subito-presto et eso beso.


M. Bertrand Roberge, directeur des ventes,
BMW Ville de Québec

Cher Monsieur,
La présente est pour vous informer d’un problème avec une publicité qui paraît dans le journal Le Soleil depuis quelques semaines et qui me fait avaler mes céréales de travers chaque matin. Je vous joins une image :

C’est bien que votre agence de publicité ait ciblé le vélo de montagne comme activité hard-core #1 pour un potentiel acheteur de BMW. C’est juste qu’il y a un petit problème avec le vélo sur la photo choisie. Il ne convient tout simplement pas au genre de voiture que vous vendez. Je ne sais pas où votre agence a pu pêcher cette image, mais elle fait TELLEment années ’90. Je vous suggère donc de modifier le texte comme suit :

J’aurais pu rajouter à la liste les roues de 26 po, mais je me suis gardé une tite gêne.

Le client potentiel pour acheter votre voiture de luxe aura de la difficulté à s’identifier à ce cycliste déconnecté et son vélo d’une autre époque. C’est comme si Specialized annonçait leur Epic 29 po à 10 000$ en le montrant monté sur le top d’une Pontiac Aztek. Même pas, les Aztek, c’était dans les années 2000. Sur le top d’un Lada Samara 1993, mettons.

Le message que la pub envoie, c’est que, une fois que le gars a tout mis son argent pour s’acheter la BM, il lui reste plus une cenne pour changer son vieux vélo des années ’90.

Y’a tellement l’air bizarre, le gars, qu’on se demande quelle aventure a pu lui arriver avec son vieux bicycle. Pis c’est quoi qu’il a entre les dents, voulez-vous ben me dire?

Je propose une version hypothétique de ce qui aurait pu arriver à ce gars, qui colle à merveille au slogan que vous avez récemment changé en dessous de la photo, qui dit que la BM c’est pour ceux qui ne savent pas s’arrêter.

«Chus parti par le chemin Chean Larôje, enchuite, chai pris les Faux-Plats et la Bâche Amajaune, mais là, y’avait une deshchente ben à pic. Faque ch’ai braké de toutes mes forches. Ch’ai beau avoir des patins de freins Scott / Mathauser jaune orange… batinche, des freins cantilever, cha brake pas pantoute.

Faque ch’ai pris une méchante débarque, drette dans le canal. Chai pété mon beau cashque Giro à deux trous chur une roche. Ch’me chuis relevé chain et chauf, mais mon dérailleur Deore était exchplojé pis j’avais un flat sur mon vieux pneu tcheap. Ch’ai echayé de réparer pis je me chuis tout chali les mains, tchecke cha. Chai marché et marché pendant CHINQ JOURS pour revenir à mon char… Tellement long qu’y m’a pouché une grôche barbe.

Ch’avais faim en titi, faque ch’ai mangé des chuchubes Honey Chtinger. Là, chai mon dernier chuchube entre les dents et che le chuche très lentement. Enfin, ch’ai fini par arriver au parking. Quelle aventchure les jamis. Comme dirait Claude Meunier, » ch’penche que che vas aller me faire chécher dans mon char.»

Le bon côté de cette pub, en plus de nous dérider, c’est qu’elle nous rappelle la belle époque des années ’90. L’époque des premières Coupes du monde au Mont-Chainte-Anne. Pardon, Sainte-Anne. Juli Furtado qui grimpait sur son trop hot GT Xizang en titane… Alison Sydor qui faisait sa première Coupe du monde de vélo de montagne après des succès sur la route, Ned Overend sur son Stumpjumper avec son grain de beauté poilu sur la joue gros comme l’Alaska… Gerhard Zadrobilek dans son ti-kit euro-fluo qui se répandait de tout son long dans la bouette de la descente des écureuils… John Tomac qui déboulait le mont dans un grand fracas avec sa roue pleine Tioga sur son Raleigh rigide. Un homme, deux disciplines (descente et XC), un seul bike… C’était le bon temps.

Assez de nostalgie, je termine ma missive, M. Roberge, en vous invitant à venir faire un tour au Vélirium 2012, au Mont-Sainte-Anne, du 21 juin au 8 juillet, ne serait-ce que pour constater comment les vélos ont pu évoluer en deux décennies.