25 janvier 2007: L'entraînement croisé et le vélo de montagne N.B. : cet article ne se veut pas une revue de littérature complète sur le sujet, mais bien une source de références pour alimenter une discussion amicale. Amusez-vous! Sur le forum de discussion, une personne demandait qu'est-ce qui est le plus spécifique au vélo de montagne entre le ski de fond de patin, le ski de fond classique et la raquette? La réponse n'est pas si simple, pas plus que les bénéfices du cross-training. Primo, rien n'est plus spécifique au vélo que le vélo, et j'irais jusqu'à dire le même vélo. Ensuite, pour dire qu'un sport se compare à un autre, il faut analyser au moins 3 points importants: les muscles impliqués, l'angle de travail de ces muscles et la vitesse de contraction de ceux-ci. À cela j'ajouterais aussi la direction de la contraction : concentrique, excentrique ou encore isométrique. C'est une lourde tâche mais tentons le coup. Analysons d'abord le type d'effort en vélo de montagne (VM). Il s'agit d'un sport très exigeant dans lequel les meilleurs doivent avoir un excellent VO2max et un seuil lactique élevé1. En effet, plus de 80% du temps d'une course de VM se déroule au-dessus de ce seuil1. La filière d'énergie anaérobique est donc en forte demande. En moyenne, lors d'une course, la fréquence cardiaque se situe autour de 85 à 90% du V02max, ce qui est similaire aux courses de ski de fond. Une étude effectuée chez des coureurs élites démontre que la puissance développée et la quantité d'oxygène absorbée au seuil lactique sont corrélées avec la performance plutôt que la puissance maximale et le V02max3,4. Ceci revient à dire que ce sont ces premiers facteurs qui sont le plus déterminants de la performance en VM. Les cyclistes de montagne présentent d'ailleurs un VO2max et un seuil lactique plus élevé en moyenne que celui des cyclistes de route, ils produisent plus de puissance et sont plus légers et plus maigres2. Ces variables doivent donc être stimulés par l'entraînement croisé pour qu'il soit considéré efficace. Mais au-delà de tout cela, c'est le ratio puissance/poids qui fait la plus grande différence, le champion de 1997-2000 pesant à peine 60 Kg.3,4 Le geste du pédalage est loin d'être facile à analyser. Certaines études, parfois un peu contradictoires selon les groupes utilisés, nous offrent des informations importantes sur ce point. Au niveau de la cadence, la vitesse optimale pour obtenir le meilleur ratio entre l'effort et la vitesse du vélo varie en fonction de la puissance développée. Plus la puissance est élevée, plus la cadence doit l'être également6. Aux environs de 300 Watts, ceci représente une cadence de 86 rpm6. Toutefois, la majorité des cyclistes choisiront de pédaler à 90-100 rpm afin de minimiser la fatigue neuromusculaire3,5. Fait intéressant dans cette étude, un cycliste avait un V02max de 86 mL/Kg/min. C'est vraiment énorme! Lance Armstrong, à son maximum, avait environ 82. Lors d'un cycle de pédalage, les muscles sont recrutés de la façon suivante : à 0 degré, pédale en haut, le muscle droit fémoral se contracte pour faire passer le pied vers l'avant. Ensuite vers 20 degrés, le quadriceps médial (vastus medialis) prend le relais, suivi du grand fessier. Le transfert à la pédale se fait alors par le soléaire (soleus). À 90 degrés, le gastrocnémius fait ce travail pour transférer la force de la contraction des ischio-jambiers. À noter que plus la cadence est élevée, plus ce muscle se contracte fortement et de façon isométrique8. Dans la phase F (fig. 1), le muscle tibial antérieur relève le pied pour ensuite permettre une contraction rapide du triceps sural( gastroc. et soléaire). Le tibial antérieur reprend le travail pour remonter la pédale aux environ de 270º avec la participation du droit fémoral7. À noter qu'il n'y a pas de phase excentrique en vélo, seulement des contractions concentriques11. La contraction excentrique exige beaucoup moins d'énergie que la concentrique11. Voilà, je ne traite que de ces muscles pour alléger le texte et parce que les recherches sont plutôt rares! Le ski de patin: contrairement à la faveur populaire, je le trouve peu spécifique car le mouvement ne s'apparente pas à celui du vélo en termes de muscles, de direction et d'angle. La poussée s'effectue sur le côté et implique la contraction concentrique des muscles piriformes et moyens fessier, muscles plutôt isométriques et stabilisateurs en vélo. La flexion du genou est aussi beaucoup plus faible qu'en vélo où on atteint près de 90 degrés. De plus, le quadriceps connaît une phase excentrique et concentrique. Pour les mollets, la contraction survient le genou en extension presque complète alors qu'en vélo la contraction est quasi-isométrique pour la majorité du mouvement avec chez certains une contraction concentrique juste avant la phase de remontée de la cuisse. Les gastrocnémius agissent alors comme fléchisseurs bi-articulaires, de la cheville et du genou. C'est d'ailleurs pourquoi ils sont si à risque de crampes. Les ischio-jambiers quant à eux fonctionnent en ski comme un extenseur de la cuisse et non comme un fléchisseur du genou comme en vélo. Le ski de fond classique, notamment lors de montée, se compare beaucoup à la course à pied en termes d'activation musculaire10. Lors de la course, et donc du ski de fond classique, il y a une grande différence en terme d'activation musculaire par rapport au vélo. Qu'on ne parle que de la phase excentrique juste avant la poussée pour s'en convaincre. Toutefois, plus la pente est élevée à la course, plus les muscles se contractent de façon concentrique comme en vélo11. Ici aussi les angles de travail sont plus restreints en ski de fond classique qu'en vélo, sauf pour les mollets, qui se contractent sur une grande plage lors de la poussée. Pour illustrer la différence avec le vélo, en ski de fond classique la fatigue musculaire de extenseurs du genou (quad) survient à 180 degrés vs 60 degrés en vélo9. La poussée en ski de fond se fait dans le même axe que lors de la poussée de la pédale, ce qui est un net avantage pour ce qui est de la spécificité du mouvement. Du fait que la course en montée abrupte implique plus de contractions concentriques, il est permis de suggérer que la raquette en terrain montagneux s'approche plus de l'effort effectué en vélo. Toutefois, toute montée implique une descente au cours de laquelle la force excentrique nécessaire sera très importante. En montée, les angles de travail de la hanche et du genou se rapprochent de ceux rencontrés en vélo. Il semble également que les adaptations de la course à pied soient plus transférables et générales que celles en vélo. Donc un cycliste est un moins bon coureur et un coureur un meilleur cycliste pour des niveaux comparables! En fait, c'est la course à reculons qui remporte la palme de la spécificité, car elle implique une contraction concentrique et isométrique des quadriceps et non excentrique12! Sérieusement, aucun autre sport ne vous fera progresser en vélo, plus que le vélo lui-même, surtout si vous êtes déjà bien entraînés13,15,16. Au mieux vous pourrez profiter de l'hiver et vous changer les idées15. Je donne tout de même la palme à la raquette en montée! Mais pourquoi donc faire de l'entraînement croisé? Une vertu de l'entraînement croisé est de maintenir les adaptations lors de blessures ou de surentraînement14,15. Nous pourrions penser que la variété dans l'entraînement diminuerait le taux de blessures mais le fait que les triathlètes soient plus fréquemment blessés mine cette théorie13 quoique la comparaison souffre du fait que le triathlon est considéré comme un sport triplement spécifique et que le volume d'entraînement est plus élevé. Personnellement, je croyais que l'entraînement croisé diminuait les chances de surentraînement. Mais selon des études importantes, il n'en est rien. L'humeur, l'activité des globules blancs, les marqueurs de surentraînement et les douleurs musculaires ne s'améliorent pas lorsque des coureurs à pieds s'entraînent sur le vélo13. Le facteur le plus étonnant de ma recherche a été de constater qu'un régime d'entraînement musculaire améliore la performance à vélo de façon significative5,17,18. L'effet est plus probant chez les sujets moins entraînés, mais représente tout de même une amélioration de 30% de la force musculaire, de 7% de la puissance et de 11% de la performance sur un sprint à vélo17,18. Des études récentes ont démenti la croyance voulant que la musculation avec des charges faibles de l'ordre de 30-40% de la charge maximale soit la meilleure façon d'améliorer la performance sur le vélo17. En effet, un programme constitué de séries de 1 à 6 répétitions avec une charge de 60-100% de la charge maximale améliore de façon plus importante la force, la force endurance et la puissance sur le vélo17. De plus, ce type de programme diminue la fréquence cardiaque (le coût cardiaque) pour un effort donné5. Autre avantage, principalement pour les femmes, l'entraînement en résistance améliore la densité osseuse et prévient l'ostéoporose chez les athlètes. Il importe donc de se rappeler que les améliorations périphériques ne s'effectuent que dans les muscles utilisés au cours d'un sport donné. Les athlètes entraînés ont peu de bénéfices à faire de l'entraînement croisé pour améliorer leur performance. En fait, ceux-ci plafonnent au niveau des adaptations centrales à l'entraînement (système cardiovasculaire) et doivent par conséquent concentrer leurs efforts à améliorer les adaptations périphériques, c'est-à-dire au niveau des muscles employés dans leur sport. Toutefois, l'entraînement croisé est utile pour conserver les acquis lors de blessures chez les athlètes et pour améliorer les capacités cardiovasculaires chez les gens non-entraînés. La musculation est une forme d'entraînement croisé à ne pas négliger. RÉFÉRENCES
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