Journal du TransRockies: Préliminaires

Voici l’équipe Vélomag de retour d’une semaine passionnante dans l’ouest canadien. Je vous livre notre journal de bord au jour le jour…

Vendredi 8 août 2003     Fernie, B.C.

Stress dans l’avion
Avec mon équipier et meilleur ami Michel LeBlanc, nous allons entreprendre la plus dure course de vélo de notre vie. De quoi qu’on a jamais fait avant, une course de plus de 600 km, sur sept jours, en plein coeur des rocheuses canadiennes. Ça fait beaucoup de préparation et quelques papillons dans l’estomac.

Ça me rappelle il y a dix ans quand j’ai débuté ma « carrière » de cycliste. Depuis, une certaine routine s’est installée. Préparer et faire une course sont encore passionnants, mais ne représentent plus vraiment un stress. Là, c’est différent, c’est un peu l’inconnu.

Comment vais-je réagir à l’altitude, avec absolument aucun délai d’acclimatation? Comment vais-je me sentir après plusieurs jours de course, alors que je suis totalement détruit après 2 jours de Trans-Gaspésien ou trois jours de Pierre-Harvey? Le Transrockies équivaut à deux TG plus un RPH bout-à-bout! Jusqu’à quel point mes boutons de fesses vont s’aggraver, moi qui n’ai su les guérir, un mois après leur apparition au RTG? Vais-je avoir de la difficulté à suivre Ti-Mike, qui s’entraîne depuis un mois dans les montagnes en altitude?

Chus pas vraiment angoissé, juste un petit stress, du genre qui rend le sommeil léger et qui vous distrait au point d’oublier des choses importantes. À date, je pense n’avoir rien oublié. Enfin presque, mon lunch étant resté à la maison ce matin à 5h 30. Une chose est sûre, c’est qu’avec Ti-Mike, j’ai le meilleur coéquipier que je pourrais pas avoir. En plus d’être un gars avec je m’entends le mieux du monde, c’est un gars en forme, c’est un gars expérimenté et c’est un gars organisé. Déjà, dans l’étape « préparation », il a pris le lead et monté des listes de matériel à apporter, a arrangé des deals avec des boutiques, nous a trouvé un mécanicien qui va s’occuper de nos bikes tous les jours, etc.

Comme je raconterai notre histoire dans Vélomag, on a évité de payer les frais d’inscription exorbitants (3200$ par équipe). On s’appellera donc Team Vélomag. En fait, si on mettait tous nos commanditaires dans notre nom, ça donnerait Team Vélomag-Kona-Oryx-Lessard-Vie Sportive-Le Pédalier-Cycles Lambert-Nutrition Sports Fitness-Chatel autos-DLX-Oakley-Entrain-Taïga. Dire qu’on a failli s’appeler le Team DFL-TBA. DFL pour moi, depuis que Mike et ses athlètes m’ont gentiment fait remarquer que j’étais bon dernier (Dead Fuckin’ Last) au cumulatif Coupe Canada 2003. TBA pour Mike, parce pendant longtemps, notre équipe était inscrite au Transrockies, mais sans préciser qui serait mon coéquipier(To Be Announced)

À l’«airport » de Calgary
Je suis arrivé à l’aéroport de Calgary et j’ai deux heures d’attente pour le bus qui va me mener à Fernie (3 heures de route). Je suis installé devant les arrivées internationales et j’assiste amusé à l’arrivée des passagers. Que de retrouvailles émouvantes! On se saute dans les bras à grands coups d’accolades, de tapes dans le dos et de « hawayougreatfinehawayou? » grand émotif, je ne puis m’empêcher de verser quelques larmes devant ces effusions de joie, tout comme dans l’avion tout à l’heure durant le film Finding Nemo quand le papa retrouve son garçon. Shit, me v’la en train de mouiller le clavier!

Apparemment, M. Hayes est en retard, car le bonhomme avec une pancarte marquée « Hayes » est planté devant l’arrivée depuis une heure. J’ai envie de m’avancer en lui disant que chus M. Hayes et qu’on file direct à Fernie.

Plusieurs cyclistes arrivent deux par deux, avec leurs boites à vélo. C’est sûr qu’ils vont à Fernie itou. Seront-ils dangereux? Ceux-ci, probablement pas, ils n’ont pas les jambes rasées… Ceux-là, par contre, parlent allemand et ont toute une équipe habillée Addidas qui les entoure… à surveiller!

Voici maintenant trois sourds et muets, qui arrivent et sont accueillis par un sourd-muet et sa fille. Laissez-moi traduire à mesure leur langage des signes :
« Hey!! Salut vieux tapis!!!! Comment s’est passé…ton vol?…
Excellent… super… no1…
Je te présente ma fille Onkdrya…
Enchanté… voici Barfkst ,Spritchn et Gruizjkt …
Enchanté…
Hey, t’a perdu des cheveux… depuis la dernière fois… qu’on s’est vus…
Toi même, t’es tu regardé… stie?
Ah Ah Ah!
Pis… comment va ta femme?
Je t’ai pas dit qu’on était divorcés…
Ah s’cuse…
Ouin, le char est par là, suivez-nous… »

Bon! M. Hayes vient d’arriver et le shuttle itou.

Dans le bus
Dans notre minibus, je fais la connaissance d’un sympathique couple d’Atlanta, Marvin et Karen Masson (qui finiront deuxièmes chez les mixtes). Il y a aussi deux allemands, qui sont ici parce que pour une raison que j’ai pas compris, ils étaient inscrits au Trans-Alp et n’ont pu y aller, alors ils ont décidé de venir ici. Ils n’ont pas l’air d’avoir trop trop de problèmes d’argent, car en plus des derniers gadgets sur leurs Cannondale Scalpels, ils ont même un pédalier SRM, qui indique le wattage développé. (un des deux finira la course seul, car l’autre va se casser la clavicule la première journée, après 2 heures de course. C’est ce qui arrive quand on se bat avec un sachet de powergel en descendant à 60 km/h) Il y a aussi un gars et une fille d’Ontario qui sourient pas beaucoup (on les verra pas sourire beaucoup durant toute la semaine)

Le bus passe par Crowsnest Pass, ville à moitié évacuée, où les feux font encore rage. Ça sent la boucane. Les forêts sont calcinées jusqu’au bord de la route. Des hélicoptères font la navette pour éteindre les feux, traînant de dérisoirement minuscules chaudières d’eau au bout d’un câble. C’est ici qu’aurait dû finir la première étape du TransRockies. On est chanceux d’avoir encore une course, grâce aux chagements de dernière minute, mais on reste à la merci de la menace de nouveaux feux. Et aucune pluie prévue à court terme.

Je pense à mes chums du Défi Trans-Canada, qui doivent passer à Québec à cette heure-ci. Désolé de ne pas pouvoir rouler un bout avec eux.

À l’hotel
Sur l’heure du souper, j’arrive à l’hôtel à Fernie, le chic Park Place Lodge. Ti-Mike est en train de me préparer à souper!!!! C’est un amour. Si j’étais gai, ce serait lui l’élu de mon coeur. Je fais la connaissance de Greg Reains et Matt Patterson de l’équipe Gears, avec qui nous partageons la suite exécutive. J’apprendrai bientôt à les surnommer « motherfucker » et « assole », et mon anglais se verra amélioré de quelques autres expressions idiomatiques anglaises fort utiles lors de conversations mondaines.

Mike Dennis habite aussi avec nous. Coureur de l’équipe Gears itou, Mike a participé aux dernières Coupes Canada et faisait équipe l’an dernier avec Greg pour la première édition du TransRockies. Matt le remplace cette année et comme Mike est un mécanicien hors-pair, nous l’avons engagé pour qu’il s’occupe des vélos de nos deux équipes. On va donc bénéficier du traitement professionnel : à la fin de chaque étape, on donne notre vélo à MikyD (son nouveau nom, pour ne pas confondre avec Mike LeBlanc) et on le retrouve le lendemain matin, réparé et lavé, propre et en ordre comme il ne l’a jamais été.

Samedi 9 août       Fernie

Levés à 8 heures, nous allons faire une belle ride de deux heures dans les singletracks tout près de la ville. Les trails sont superbes. Je suis rouillé en descente, mais ça devrait se replacer rapidement. On dirait que j’ai de bonnes jambes. L’effet de l’altitude ne se fait pas encore sentir.
Fernie est une ville magnifique, paradis de la poudreuse en hiver et du vélo de montagne en été. Une belle petite ville authentique pas encore transformée par les développements touristiques et immobiliers.

Après dîner, nous passons par l’inscription, où nous ramassons nos dossards, plaques, T-Shirts et autres cossins publicitaires. C’est dépaysant d’être dans l’ouest canadien et de se faire servir par des allemands. Il faut rappeler que les organisateurs sont UpsolutMv, une société allemande qui a mis sur pied la fameuse course TransAlp, épreuve mère de la TransRockies.

On nous fournit chacun un gros sac Addidas, genre poche de hockey, identifié à notre numéro d’équipe. C’est le seul bagage qui sera transporté d’étape en étape par l’organisation et il faut tout faire rentrer notre stock la-dedans. Tâche ardue impliquant des choix déchirants. Mes escarpins et mon smoking prendront donc la route de Canmore direct.

Les derniers préparatifs vont bon train. Il nous manque juste un stand à vélo pour MikyD, que l’on trouve chez Fernie Sports. Ils nous le prêtent sans poser de questions, sûrs qu’on trouvera un moyen de le retourner à Fernie après la course. Les shops de vélo ici sont aux petits soins pour les coureurs, c’est vraiment cool.

Ce soir, souper et cérémonies d’ouverture en ville. On fait la connaissance de Nels, sympathique rep Rocky Mountain et Oryx, qui nous sera d’un précieux secours pendant ces 7 jours. MikyD notre mécano voyagera avec lui.

Ward Cameron est le responsable du parcours et il nous explique les changements qu’ils ont dû faire à cause des feux. Nous apprenons à le connaître et nous apprendrons à le haïr quand nous verrons les cruelles surprises qu’il nous a réservées dans ce parcours.

Ça commence demain à midi.