Maurice Beauséjour dans l’enfer de la Ruta de los conquistadores

Vous avez dû entendre parler de cette fameuse course au Costa-Rica, la Ruta de los conquistadores, baptisée (elle aussi!) la plus dure course de vélo de montagne au monde. Le genre de qualificatif qui fascine et obsède certains, jusqu’à ce qu’ils aient pu vérifier en personne. Maurice Beauséjour est un de ceux-là. Athlète de longue endurance plus spécialisé en course à pied qu’en vélo de montagne, il s’est pointé la-bas l’automne dernier en compagnie de 4 autres concurrents québécois.

Gilles: Notre communauté n’ayant pas encore beaucoup entendu parler de Maurice Beauséjour, dis-nous donc qui tu es.

Maurice: Je suis quincaillier Rona depuis plus de 30 ans : co-propriétaire à St-Michel des Saints et directeur de magasin à Joliette. Une de mes satisfactions est de pouvoir relativement performer en sport malgré un travail qui demande plusieurs heures par semaine.
Mon background n’est pas celui d’un cycliste; j’ai toujours été assez actif mais je me suis mis à la course à pied sérieusement quand j’ai été dans la vingtaine. J’aime les longues distances donc j’ai commencé par des marathons puis, voulant en faire plus, des 100km de course à pied. Pendant ce temps, j’ai entendu parler de triathlon, mon premier triathlon fut un Ironman. Toujours préférant les longues distances, mon troisième triathlon à vie fut un Triple-Ironman ce qui représente 11.4km de natation 540km de vélo et pour terminer, trois marathons soit 126.6km de course à pied. J’ai participé trois fois à cet événement nommé Le Défi Mondial de L’endurance.
Dans l’intervalle, j’ai fait d’autres courses à pied de 100km mais j’ai commencé a être tenté par les courses aventure, bien sûr, celles de plusieurs jours. J’ai participé à Eco-challenge en Argentine, Raid the North Extreme à Terre Neuve et bien d’autres. Dans ces courses, il y avait du vélo de montagne.
Dernièrement deux participations au Marathon des Sables dans le désert du Maroc, une course à pied de 250km en autosuffisance en étapes.
Puis en novembre une participation à La Ruta de los Conquistadores, une vraie course de vélo de montagne…

Gilles: WOW! Méchante feuille de route! Toi qui n’a pas d’expérience en course de vélo de montagne exclusivement, pourquoi avoir décidé de faire la Ruta?

Maurice: J’ai choisi la Ruta parce qu’elle a la réputation d’être la plus dure au monde et que ces chose là m’attirent beaucoup. Je ne pouvais pas vraiment y mettre mes capacités techniques mais je savais que cette course faisait beaucoup appel à l’endurance et là je pouvais me démarquer.

Gilles: Quelles sont les distances et dénivelés?

Maurice: La course couvre environ 500 km sur trois jours. Le départ est sur la côte du Pacifique, nous traversons le continent en passant par le volcan Irazu qui culmine à 3,300 m et terminons sur la côte Atlantique. Le total ascension est de près de 7,000 m.

Gilles: Quels sont les meilleurs temps et les plusse pires temps de course, et les tiens?

Maurice: Malheureusement, je ne réussis pas à avoir les résultats sur le site. Ce que j’ai pu savoir, c’est que je serais en 194 ième position au total et en septième dans les 50 ans et plus. Mes temps sont: 11h39 le premier jour, 8h57 le deuxième et 8h44 le troisième. Les premiers font environ 4 heures de mieux chaque jour. En plus, il y a environ 200 concurrents qui ne font pas les temps limites permis.

Gilles: Vous étiez un groupe de québécois, encadrés comment? Quelle était la formule?

Maurice: Nous étions 5 québécois:Serge Dessurault, René Constantineau, Bruno Lavergne, Pierre Roy et moi-même. Nous avions fait les démarches avec Pierre-Mathieu Roy de Level 9 productions qui a fait les inscriptions à la course, les achats de billets d’avion, les réservations hôtelières avant et après la course ainsi que les réservations de navettes pour le transport.

Gilles: Est-ce essentiel la-bas d’être encadrés de la sorte?

Maurice: Bien sûr, il est possible de tout faire soi-même mais combien agréable de se défaire de certains soucis pour le même prix…  En plus, ça fait quelqu’un sur place pour nous encourager.

Gilles: J’ai entendu dire que les « locals » étaient « très bien encadrés », au point où ça dépasse les limites de règlements. As-tu eu connaissance de ça?

Maurice: Je n’ai pas vu de manquements graves au règlement. Si vous faites allusion aux voitures qui suivent les cyclistes, il n’y a pas que les costaricains qui ont ce support. J’avoue que ça doit grandement aider d’avoir quelqu’un qui transporte nourriture, liquides et pièces de réparation. Par contre, ça ne faisait que renforcer ma fierté de réussir sans aide.

Gilles: Sauf erreur, Tinker Juarez était sur place avec l’intention de gagner et il a mangé ses bas. Tu le connais de réputation? Tu l’as côtoyé la-bas? Coté social, tout le monde mange et couche ensemble?

Maurice: Je connaissais la réputation de Tinker Juarez mais ne sais pas si il y était. Coté social, il n’y a que le petit déjeuner du départ et les repas servis à la fin de chaque jour qui sont ensemble. Les couchers sont en hôtel, ce qui divise un peu mais il faut bien se reposer car les journées sont longues. Il est quand même très facile de socialiser.

Gilles: Raconte-nous l’horaire d’une journée type.

Maurice: Le matin du départ, lever à 3h00 am, le petit déjeuner est servi tôt. Puis les dernières vérifications, le départ se donne à 5h00 am. Il fait encore noir. Les deux autres jours, le départ se donne à 7h00 am. Pour moi et une grosse partie des concurrents, la journée de course se termine peu avant l’obscurité. Il y a alors un repas chaud qui est servi: poulet et riz avec légumes et fèves noires. Ensuite, il faut se dépêcher à faire l’entretien du vélo avant qu’il fasse trop noir (ça ne réussit pas, il faut toujours finir à la noirceur). Puis la navette nous conduit à l’hôtel où nous prenons une douche. Et ensuite, infaillible, il faut que je retourne manger autre chose. C’est un bon moment pour échanger avec les autres et se détendre un peu. Coucher tôt car le lendemain ça recommence.

Gilles: Raconte-nous comment s’est passé pour toi chacun de ces 3 jours.

Maurice: La première journée nous amène de Jaco sur la côte du Pacifique à San Jose la capitale qui est à 1,200 m, distance d’environ 140 km. Vers 4h45, nous, les  5 québécois, nous dirigeons vers la ligne de départ. Je révise une dernière foi si j’ai tout ce qu’il faut. Oui je suis prêt, j’ai hâte d’être enfin libéré avant que les envies d’uriner de nervosité ne commencent.
      Avec un peu de retard, le départ est donné. Je trouve ça un peu serré, moi qui connaissais les triathlons sans « drafting ». Je me suis placé assez à l’arrière, me disant qu’il y aurait probablement assez long de route pour que je retrouve les groupe de concurrents qui roulent environ à ma vitesse.
        Ce ne fut pas le cas, après à peine 2 km commence une route de gravier et peu de temps après c’est plus étroit et les dépassements sont beaucoup plus difficiles. Déjà nous avons commencé à monter dans un sentier de gros gravier. Après 1h00 le soleil est bien levé et plus bas je vois la brume couvrir le sol. Je peux aussi voir la topographie: toutes ces montagnes aux arêtes pointues.
        Je fais un bout de chemin avec un « local » dans une portion qui est un peu plus large je le complimente sur la beauté de son pays, question de se faire des amis, puis je lui dis que c’est aussi très montagneux. Il me dit « attends » et quelques minutes plus tard à la fin d’un détour serré, avec un grand sourire, il me dit « regarde »…
         Il me dit qu’il a moins de mérite car il a la chance de venir ici toutes les fin de semaine. Une façon très gentille de m’encourager. Ça devient plus serré et il passe devant. Il y en a déjà qui marchent, parfois il n’est pas facile de passer à coté. Je regrette un peu de ne pas être parti un peu plus à l’avant.
         Après un certain temps, comme les autres, je pousse mon vélo par moments. Maintenant c’est plus de la terre que du gravier. Une terre orangée, et par endroits, quand j’ai le temps de regarder au loin, je peux voir au loin des lignes de sentier orange découpées sur le vert de cette jungle. Par moments, j’entends le chant d’oiseaux et peut-être même les cris des singes.
          La terre s’est rapidement changée en boue, une boue orange brûlé collante comme de la pâte à pain. À un moment, Pierre me double, je ne veux pas me laisser tirer car je veux attendre plus vers la fin pour pousser car ça devrait être moins technique près des villes et je pense pouvoir gagner plus de temps de cette façon.
          Arrive le premier PC, quelle organisation! Machine à pression pour laver les vélos, breuvages, fruits tropicaux. On m’offre de tenir mon vélo. Le temps que je bois, un gars fait le plein de mes bouteilles, un autre lubrifie mon dérailleur et ma chaîne et pendant ce temps une dame prend mes Oakley, les passe à l’eau et, n’ayant rien pour les essuyer, elle prend son chandail. Le tour est joué.
          Je me dépêche car je sais bien que ces postes sont de belles places soit pour perdre du temps ou gagner quelques positions. Je préfère la seconde option.  
          Pas d’amélioration sur le terrain, de plus en plus de boue, dans les montées tout le monde pousse le vélo. Les montées et les descentes se succèdent. Parlons-en des descentes, c’est comme sur du verglas dans cette boue. Heureusement, au pied de chacune d’elles, il y a un ruisseau ou une rivière à traverser et c’est un bon endroit pour tenter de décoller cette boue qui réussit à bloquer les roues quand je pousse le vélo. Après, il faut lubrifier car le dérailleur ne fonctionne plus bien.  
           À un PC, je vois René, il me dit qu’il a fait une chute et qu’il a probablement une fracture à une côte. Il m’encourage pendant que je bois et mange une Nature Valley. Je repars, je ne veux pas perdre de temps.
           À un autre PC, je vois Serge, il a brisé son vélo, on est en train de tenter de lui réparer. Pendant qu’il me raconte,  je mange, quelle merveille, de petites patates chaudes un peu salées. Je me rends alors compte que je n’ai pas assez mangé. Déception, il ne reste plus d’eau pour les bouteilles. Serge est reparti, son vélo ne fonctionne qu’à une vitesse.
         Quelques minutes après être reparti je le vois revenir direction contraire, sa chaîne dans les mains, elle est brisée. Il retourne pour se faire réparer.
          Enfin, le terrain durcit, c’est une route de gravier. Mais quelle chaleur! Par endroits, il y en a qui sont arrêtés à l’ombre pour se rafraîchir. Il y a même un colombien qui me dit qu’il fait trop chaud. Alors je me dis que ma participation au Marathon des Sables dans le désert ce printemps me rend service.
           Je pourrais rouler mais mon pneu avant s’est un peu dégonflé. Pensant sauver du temps, j’arrête et ne fais que regonfler. Il perd toujours très lentement. Je me dis qu’il faut qu’il tienne jusqu’au prochain PC. Quand j’y arrive, René est là et il m’aide comme il peut (c’est permis) à changer le tube. Je mange encore un peu et repart.
           De l’asphalte! Quoi de mieux, je me sens très fort malgré que ça monte beaucoup je commence à dépasser d’autres coureurs. Puis je vois Pierre il est arrêté il me dit qu’il vient de terminer de réparer sa chaîne brisée. Il me dit qu’il est OK.
           Je continue mes dépassements. Dans ma tête, je me fais croire que je suis le King. Ça monte tellement qu’il y en a qui poussent leur vélo même sur l’asphalte. Puis j’ai mal aux genoux et aux cuisses, je me dis, comme toujours, que c’est normal et qu’il ne me reste qu’environ trois heures à souffrir.
           À l’arrivée je suis content mais ce que je veux le plus c’est un Coke ou Pepsi. J’ai besoin de me retaper. Je commence à penser au lendemain. Je mange avec Bruno. Oh que j’ai faim! Je voudrais me laver mais je n’ai pas le temps. Il faut changer les pneus et les freins pour demain et la navette va bientôt nous ramener à l’hôtel.
           Nous retournons prendre un autre repas ensemble, chacun raconte un peu son histoire de la journée. Je suis fatigué et pense à me coucher le plus tôt possible. Cette journée était réputée être la plus dure de la course.

Gilles: Attends un ti-peu, on va aller se chercher un ti-café avant que tu nous raconte la suite.

Maurice: Veux-tu dire que je donne trop de détails?

Gilles: Nonon, c’est ben correct.

Maurice: Deuxième journée, les sentences sont tombées pendant la nuit: Serge ne peut faire réparer son vélo, il n’y a pas ce qu’il faut sur place;  pour René, c’est impossible avec sa blessure; tant qu’à Bruno, ses genoux trop enflés ne lui permettent pas de continuer.
           Pour cette deuxième journée nous partons de San Jose à 1,500 m, faisons une ascension continue jusque près du volcan Irazu qui est à 3,300 m et redescendons a Turrialba à 800 m. On nous parle de descente très technique dans la roche, ce qui m’a un peu empêché de dormir. La veille, à l’obscurité, j’ai eu du mal avec mes freins. Alors je demande à Bruno de m’aider; étant propriétaire de la boutique de vélo Le Grand Cycle sur la rue Cherrier, qui de plus indiqué? Il m’aide avec empressement, ce qui me soulage beaucoup.
           Au départ, ma lèvre inférieure tremble un peu et j’ai la gorge serrée car je trouve ça dur de laisser les chums sur le bord de la route. Je sais que c’est très difficile pour eux de ne pas prendre le départ et c’est ma façon de partager. Puis je dois refaire le focus sur ma course c’est ce qui compte pour l’instant.
           La première partie est dans la ville, la circulation est de plus en plus dense. Il faut circuler entre les voitures ça sent le mazout, j’ai une pensée pour ceux qui font du courrier à Montréal. Parfois j’emprunte le trottoir quand les voitures sont au feu rouge. Puis ça se dégage, nous sortons de la  ville. Pierre me double, il semble très fort.
           La route est pavée et Dieu que ça monte. Il y a seulement une descente abrupte, c’est très rapide et tout à coup en bas dans une courbe j’aperçois plusieurs cyclistes, il y en a qui sont tombés, je touche aux freins, les roues glissent. je tente difficilement de ralentir, j’évite les cyclistes mais dans la courbe il y a un véhicule qui monte et emprunte ma trajectoire. Je tente de l’éviter mais je roule encore trop vite je me projette sur le coté, je tombe et l’évite de justesse. Je ressent alors une chaleur dans le dos, je sais que ce n’est pas bon…  Je remonte sur le vélo et repars tout de suite.
            Nous sommes alors à 2,000 m, il en reste encore 1,000 m avant de descendre. Je ressens mon mal de dos quand je force beaucoup. Pour ne pas trop y penser, je regarde cette route en salamandre; on peut voir les concurrents au dessus et au dessous. J’ai hâte d’arriver au sommet  c’est très dur. Enfin… Un PC et nous empruntons un sentier pour descendre.
            Je teste mes freins, je crains la descente dans les rochers. Puis la pluie commence, c’est beaucoup plus froid. Plusieurs ont revêtu leur imperméable. Je me dis qu’il faut aller plus vite et qu’ainsi ce sera froid moins longtemps.
            Il y a tellement de descente que les bandes de frein usent à vue d’oeil. Parfois je roule plus en bordure pour ralentir un peu. Et de temps en temps je dois arrêter pour resserrer les câbles de freins et reposer les mains qui n’en peuvent plus de toute cette pression.
            Puis un peu d’asphalte, un petit village et nous tournons à gauche sur un beau chemin de gravier. La descente est moins accentuée mais ça roule très bien. Nous roulons dans une plantation de café. Très joli, il faut voir….
           Et l’arrivée, Pierre est déjà là depuis quelques minutes. Il pleut toujours et c’est très froid. Nous mangeons, je demande pour faire laver mon vélo et nous prenons la navette pour l’hôtel.
           La ville n’est pas assez grande pour avoir de grands hôtels pour loger tout le monde. Pierre et moi sommes dans une cabane en montagne. Pas d’eau chaude pour la douche, pas d’eau en bouteille… On nous fait un repas puis nous allons nous coucher.
           Très mauvaise nuit, mon dos me fait terriblement soufrir. Je ne réussis pas à dormir plus de deux heures. Le lendemain matin, je prends le temps de regarder le panorama, c’est magnifique cette vue en montagne près du volcan Turrialba. Ensuite petit déjeuner et la navette nous ramène au départ.

Gilles : Attends menute, Maurice, je veux juste vérifier de quoi avec le département de la mise en prod…

OK, Maurice, ça va, tu peux nous raconter la troisième journée.

Maurice : Troisième journée:  De Turrialba à Matina sur la côte des caraïbes. Distance de près de 180 km. La première portion est en dents de scie à trois pointes: nous parton de Turrialba qui est à 800 m, montons à Guyabo Arriba situé à 1,600 m, descendons à Guyabo Abajo qui est à 1,200 , regrimpons à Santa Teresita à plus de 1,600 m, redescendons à 1,300 m, retour 1,600 m puis enfin la descente sur la côte Atlantique avec une longue fin au niveau de la mer.
              Je suis un peu stressé avant le départ car je dois absolument changer les freins, impossible de continuer avec les mêmes. En plus, nous devons trouver de l’eau pour le départ car il n’y en avait pas à l’hôtel que nous jugions assez potable. Et toujours ce mal de dos… Pour ce qui est des freins et de l’eau tout s’est bien arrangé.
              Une fois le départ donné, Pierre et moi ne cessons de nous doubler un et l’autre. Sans qu’il y ait de vraie compétition, nous ne voulons pas nous en laisser imposer. Vous savez ce que c’est..
              Les montées et les descentes sont raides mais  le terrain est plus beau. Par contre, avant la traversée d’une grosse rivière (sur un pont celle-ci), il y a un de ces passage de boue. Ça enfonce plus creux que les genoux. Quelques minutes auparavant, je venais de décider de cesser de me plaindre de mon mal de dos car de toute façon ça n’avance à rien et que je dois me rendre à la fin quoi qu’il arrive. Quel bon moment pour le prouver.
              Je porte le vélo à mon épaule et décide de doubler en passant par des portions qui semblent plus difficiles. Ma décision fut bonne car ailleurs ça bouchonnait et ça n’avançait pas. Arrivé au pont il y en avait un bon paquet derrière moi et la voie était libre pour ce petit pont à piétons.    
              Recommencent ensuite les interminables ascensions et les descentes. Après un certain temps, ça commence à être pénible pour tout le monde. Dans une montée où tout le monde zigzaguait, je me dis qu’il ne peut plus en rester beaucoup et qu’il faut en finir, je monte sur les pédales et me mets à foncer. Encore un bon moment, je me sens très fort et veut gagner des positions.
              Malheur,  tout à coup au bas d’un vallon, juste avant la remontée, une autre crevaison. Pendant que je change le tube, Pierre me rejoint, il s’arrête, me dit qu’il va en profiter pour manger pendant ce temps et il me prête sa pompe qui est meilleure que la mienne.
               Nous repartons ensemble. Je lui dis: « nous pourrions finir ensemble, les deux québécois ». Il me répond avec sa voix d’ours: « c’est ça le but ». Pierre et moi avons souvent fait ensemble de courses de plusieurs jours ensemble mais n’avons vraiment pas plus de discours que ça. Pas besoin de parler, on se comprend, on vit la même chose.
              Peu de temps après, de la route pavée, quelques petites montées et le dessert: une interminable descente sur une très belle route. Je m’allonge sur le vélo: l’abdomen sur le siège, les bras étirés, le menton à 5 cm du guidon, je ne fais que penser à coller mes coudes au corps et serrer le genoux. C’est tellement long et rapide et beau qu’à un certain moment j’ai dû arrêter  et demander si c’était la bonne route car le doute s’était installé dans ma tête.
              Après, le parcours fut plat avec une belle portion dans les plantations de bananes mais une interminable portion sur la voie ferrée. Puis dernier PC, la fin est proche. Un sentier longe la mer sur quelques kilomètres. Nous passons le village de Limon. Il y a  de la circulation qui nous embête un peu et retour sur la route goudronnée. Peu de temps après, on nous fait signe de tourner à gauche c’est très serré. Je vérifie si Pierre est là car je me suis un peu emballé en voyant arriver la fin. Il est tout près. Nous passons le fil d’arrivée qui est sur la plage.
              Nous réclamons une bière froide et allons prendre notre repas. Puis nous prenons une douche improvisée à l’extérieur, embarquons dans la navette qui nous ramène à San Jose. Trois heures de route mais je ne réussis pas à dormir. Je n’ai plus de motivations à combattre ce mal de dos… Je ne pense qu’à aller prendre deux Motrin, me reposer et revoir le film de ma course.

Gilles: Wow! Juste à te lire ça me fait mal, je vais me prendre deux Motrin itou… Excuse-moi…

Scuse. Dis donc, je regarde tes photos et il semble qu’on dirait que j’ai l’impression que tu ne portais pas de Camelbak, pardon, de Hydrapak? Tu me diras pas que t’as fait cette course avec juste 2 petits bidons? Pis que tu mangeais juste des barres tendres?

Maurice: Non je n’avais pas de Camelback, il ne faut pas oublier que je sortais d’une
course dans le désert, je n’avais effectivement que deux bidons que je
remplissais aux PC sauf à celui où il manquait d’eau.
Pour manger, j’avais des Nature Valley, c’est ce que je trouve le plus
rentable rapport poids/calories. Il aurait quand même fallu que je mange un
peu plus.

Gilles: Je suis littéralement renversé. Attends une minute, je vais me redresser, bon, OK. Tes méthodes d’alimentation en course sont dignes de celles d’un belge. Pour ce qui est des freins, des freins à disque eurent été plus indiqués, si je ne m’abuse?

Maurice:  Tu as raison, ils sont pratiquement impératifs, ils auraient fait une grosse différence.

Gilles: D’après Ramon, un mexicain qui a fait cette course, (oui, le Ramon qui s’est endormi dans son pipi au TR ) La Ruta est bien mal organisée et bien mal balisée. Ramon s’est perdu et a erré jusqu’à la noirceur en cherchant son chemin. As-tu eu connaissance de ce genre d’ennuis? Comment cotes-tu l’organisation?

Maurice: Bien sûr, c’est fort possible. Au « briefing » d’avant course, ils nous ont dit qu’enfin cette année le parcours serait bien balisé. Rien de rassurant.
  Par contre, de mon coté, j’ai toujours trouvé les balises qui étaient parfois un peu plus difficiles à voir. Dans ces longues distances c’est une situation fréquente de chercher un peu.
  L’organisation pour sa part est extrêmement discrète. Il est très difficile de voir quelqu’un avant les départs et aux fils d’arrivée. Une chance que les bénévoles sont sur le parcours, ils nous font oublier.

Gilles: Combien t’a coûté cette aventure, toutes dépenses comprises? Tu avais des sponsors?

Maurice: Mes dépenses ont été de $2,425.00. La base était de $2,200.00. Dans les courses que je fais, étant un marchand Rona depuis plus de 30 ans et que les courses que je fais méritent d’être soulignées, le groupement Rona me supporte financièrement. Bien sûr il faut que je sorte de l’argent de ma poche c’est quand même mon loisir. Il ne faut pas oublier que cette année j’ai fait aussi le Marathon des Sables au Maroc.

Gilles: Qu’est-ce qui a été le plus dur pendant cette course? As-tu pensé à abandonner?

Maurice: Le moment qui a vraiment été le plus dur; c’est le deuxième matin quand trois des copains n’ont pu prendre le départ. Je savais ce qu’ils pouvaient ressentir: en 1994 au Défi Mondial de l’Endurance, j’avais fait mes 11.4 km de natation mes 540 km de vélo et il ne me restait que 8km de course à pied sur les 126.6 km mais j’avais une affreuse tendinite à la jambe droite. On me suggéra d’aller au médical mais là, prétextant que j’étais trop blessé, on me retira mon dossard. J’étais trop fatigué pour réaliser ce qui se passait et j’ai laissé faire mais ça été dur longtemps.

Gilles: Tu me fais halluciner avec tes distances de malade. As-tu le goût de refaire la Ruta?

Maurice: Certainement, mais je ne sais pas quand, je veux regarder avant quels autres défis peuvent se présenter.

Gilles: Une autre épreuve porte la réputation de plus dure course de vélo de montagne au monde, c’est le TransRockies Challenge. Ça te fatigue-tu de pas l’avoir faite?

Maurice : Beaucoup de courses se donnent le qualificatif de plus dure au monde, parfois je me dis que les organisateurs connaissent mon point faible et le seul moyen de vérifier si c’est vrai, c’est de faire la course. Si les circonstances s’y prêtent je tenterai cette course aussi mais un objectif qui se rapproche beaucoup pour moi c’est le Décatriathlon du Mexique qui est 10 Ironman: 38 km natation, 1,800 km vélo et 422 km course. Je ne veux pas trop attendre car j’ai peur qu’un jour cette course ne se fasse plus.

Gilles : Non mais ça va pas la tête? 10 Ironman bout-à-bout?????? Je reconnais que La Ruta ou le TR à coté de ça, c’est juste un entraînement!!! Imagines-tu la longueur de la page quand tu vas nous raconter ça? Merci Maurice de ta disponibilité, et bonne chance dans tes folles aventures!

Théo : Bon chan!

La Ruta de los Conquistadores aura lieu les 12, 13 et 14 novembre 2004.
Le site web est le suivant:
www.adventurerace.com/spirit.html

Les photos agrémentant cette entrevue sont de :
Martin Paquette Photographe
7710 St-Dominique, Montréal, QC
H2R 1X1
T: (514) 495-3162
F: (514) 272-9100
Y’a plein d’autres photos en ligne :
www.aventurephoto.com

C’est Martin qui a encadré los tabarnacos de Conquistadores. Consultez son site web pour plus de détails.
Level9productions
Adventure race agency
T(514) 990-4984
www.level9productions.com

Dernière minute: Les résultats sont sortis sur le site et Maurice était correct dans ses temps. Son total est de 29h 20.
Le plus vite a fait ça en 15h 47.
Tinker Juarez a abandonné dès la première journée.
Keith Bontrager a abandonné à la 3e journée.
Louise Kobin, gagnante du TransRockies, a aussi gagné La Ruta, avec un temps de 20h30
Brett Wolfe, l’unijambiste qu’on vous a présenté dans le TR, a terminé 205e, en 29h 57