Saison 2004, Le JP Provost report

Jean-Philippe Provost nous faire rire à chaque fois qu’il nous raconte ses aventures. Il a accepté de nous raconter les hauts et les bas de la saison d’un coureur élite, qui doit composer avec la mauvaise température, une job à temps plein, la malchance, une blonde triathlète, etc. Vous y apprendrez sûrement de petits trucs pour adapter votre entraînement ainsi que tous les cours pré-requis pour vous inscrire aux prochains mardis de Lachine. J’ai ajouté les titres et corrigé quelques centaines de fautes pour faciliter la lecture. Merci JP.


Qui est JP?

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je me nomme Jean-Philippe Provost et je suis un athlète de vélo de montagne qui est appuyé par la compagnie ORYX depuis quelques années. En fait, si vous faites du vélo de montagne, vous m’avez probablement déjà vu. Je roule ma bosse en vélo de montagne depuis 11 ans et j’entame ma neuvième saison en tant qu’athlète participant aux projets de l’équipe du Québec.

S’entraîner avec une job à temps plein

Depuis 2 ans, j’ai dû trouver de nouvelles manières de m’entraîner puisque je suis désormais sur le marché du travail. Eh oui, moins de sommeil, moins d’heures d’entraînement et finies les sorties de cinq heures. Je me levais à 5h30 pour le premier entraînement de la journée, puis en finissant de travailler je sautais sur ma bécane pour un autre 2h00 à 2h30. Par contre, je me suis vite rendu compte que je ne pouvais pas tenir la cadence. C’est pourquoi j’ai décidé de changer ma routine d’entraînement pour qu’elle soit moins prenante et plus efficace.

Comme vous le savez, nous avons eu jusqu’à maintenant un été décevant et très humide. Ceci m’a forcé de constater que j’étais plus souvent à côté de mon vélo que dessus et qu’en plus j’avais besoin de développer ma vitesse! J’ai donc décidé de commencer à courir régulièrement avec ma copine qui est une triathlète accomplie, dans le but d’améliorer mes performances à côté de mon vélo. Les résultats étaient plutôt discrets jusqu’au championnat canadien du Mont Ste-Anne. Pour ceux qui n’y étaient pas, c’était un festival de bouette et ce, bien malgré les efforts des organisateurs. J’ai réussi un tour de force en finissant deuxième Québécois derrière Guido Visser (l’homme qui court plus vite que son ombre) et en onzième position du général. J’ai compris qu’adapter ma routine d’entraînement à mon nouveau rythme de vie m’était favorable.

Hardwood Hills et la malchance

La coupe Canada de Hardwood Hills était un de mes gros objectifs, donc je m’y suis présenté au meilleur de ma forme. Les conditions étaient parfaites, avec l’équipe du Québec nous sommes arrivés trois jours à l’avance pour étudier le parcours. Par contre, il y a une chose qu’il ne faut pas négliger quand on mise beaucoup sur une compétition, la malchance ! Celle qui s’acharne sur vous. Cette année, elle est tombée sur moi. Certains se rappelleront que ces deux dernières années elle avait littéralement possédé Bruno Lafontaine qui a vu, en autres, les pièces de son vélo se désintégrer sous lui !

Le parcours de Hardwood Hills, c’est un parcours qui me réussit bien puisqu’il est très roulant avec des montées en puissance. On peut le comparer à un super critérium de route, parce qu’on fait 4 boucles de 12 kilomètres.

Vendredi, tout va bien, la température est parfaite, je me sens bien et je décide de faire un tour rapide ! Le parcours me fait savoir qu’il est dur pour ma mécanique. Les vibrations du parcours font ballotter ma chaîne de gauche à droite de manière à coincer mon dérailleur sans même changer de vitesse. Il a littéralement explosé ! La malchance m’a trouvé et elle a bien en tête de m’en faire baver.

Samedi, je suis à la recherche d’un dérailleur pour la course du dimanche. Je finis par en acheter un au bike shop. Plus tard dans la journée, c’est au tour de mes freins de me faire des pépins. Me fiant au gars du bike shop, je lui confie ma bête en lui disant d’y faire bien attention. Et là, encore une fois la malchance travaille dans mon dos !

Dimanche, le jour de la course, en catastrophe je me rends compte que le gars du bike shop et dame malchance ont arraché les filets de mes étriers de freins arrière, qui se promènent allègrement. Que faire ? Mon pote Ian Carbonneau me propose de coller le tout. Une heure avant la course, sans autre alternative c’est ce que je fais. Je prends le départ et j’ai de bonnes jambes, très bonnes jambes. Comme à l’habitude, mon pote Ben Simard est seul devant le peloton.

Pour ma part je suis confortablement installé en huitième position. Je commence à pousser la machine puis là… CRAQUE…
BADABANG, la malchance me tape dans le dos encore ou plutôt me frappe dans les reins. Ma chaîne brise, je répare en vitesse puis je me relance. Je fais 5 mètres pis CRAQUE… BADABANG, cette fois c’est un direct du droit que dame malchance m’envoie. Je tombe au plancher, désemparé et sonné, j’entends l’arbitre faire le décompte. Eh oui, je re-brise ma chaîne! Désespéré, je répare le tout. Je me relève en entendant le décompte 7,8,9 et c’était juste. Me revoilà en selle. Tous les Seniors et Juniors sont passés. Quelques minutes plus tard je chute et brise ma tige de selle à suspension, je fais une réparation de fortune avec une roche en guise de marteau. Décidément, elle ne me lâchera pas cette satanée malchance. C’est la troisième fois que je tombe au tapis en un tour, normalement on perd le combat à ce moment-ci. C’est peut-être parce qu’il n’y avait plus personne pour me voir chuter au tapis que je m’en suis tiré. J’en ai profité et je me suis relevé comme si rien ne s’était passé. Je me disais ; j’arrête ou pas ? La réponse fût évidente, ça fait trop longtemps que je fais des projets avec l’équipe du Québec puis que j’entends le même discours de la part de Michel Leblanc. » Vous êtes privilégiés d’être ici (c’est vrai) puis je dois vous dire que je trouve inacceptable qu’un membre de l’équipe du Québec ne termine pas sa course s’il peut réparer et poursuivre, ce n’est jamais terminé avant la fin. » Merci Michel ! Bilan des pépins mécaniques après un tour: environ 11 minutes de déficit. Je me suis dit: « prenons-le comme un entraînement ». C’est à ce moment que la malchance m’a un peu lâché, mon deuxième tour fût le plus rapide en 31 minutes 40 secondes, j’ai rattrapé plusieurs Seniors. J’ai rejoint Gabriel Jarry Bolduc (junior) et je l’ai poussé à fond pour l’amener sur la troisième marche du podium Junior, on a fait un bon travail ensemble. Dans le troisième tour, j’ai rattrapé le reste des gars de l’équipe du Québec. Je terminerai donc 26ème et 4ème Senior Élite Québécois. Une performance dans l’ombre qui me rappelle que si le parcours ne veut pas et que la malchance me guette, j’ai beau dompter la bête mais il n’y a rien à faire.

Pendant ce temps, Benoit Simard a été invité à participer à un test antidopage (pipi). Demandez lui si c’est long pisser après 2h30 de course à 28 degrés Celsius!

Vous croyez que c’est tout pour la malchance ? Bien non, le lundi suivant je me suis fait frapper par un Jeep en allant travailler à vélo. Toujours cette satanée malchance.

L’école du mardi soir

Suite à ce résultat d’Hardwood Hills, je me suis dit que je devais travailler encore plus fort ou du moins mieux. Je vous ai aussi dit plus tôt que je devais travailler ma vitesse. Comment faire après une journée de travail quand on est brûlé ? On trouve des potes d’entraînement pour nous aider à se faire mal comme voulu. C’est pas évident. Hein, y me semble qu’il y a des cyclistes qui font des tours rapides dans les rues de Lachine. Whouin, ils appellent ça les Mardis Cyclistes de Lachine, environ 80 gars qui font des tours d’un quadrilatère avec des drôles de vélos avec de petits pneus, bonne idée, j’y vais.

Je vais pouvoir travailler ma vitesse, puis en plus ça va être un entraînement de qualité puisque je devrai me pousser à fond pour ne pas me faire larguer par le peloton. J’y ai rencontré d’autres gars de montagne, entre autre le fidèle guerrier Thierry Laliberté, le toujours rapide Ian Carbonneau et Mathieu FireMan Toulouse.

/// J’ai dit FireMan Toulouse parce que Mathieu nous a bien fait rire en faisant un mauvais changement de vitesse dans une courbe… Je dois spécifier que Mathieu roule en route avec des pédales de vélo de montagne en acier. Eh oui! Il nous a sorti des étincelles d’un orange Général Lee d’un pied de haut dans une courbe et ce, en devant de peloton. Cool, Math, tu représentes! ///

J’ai donc suivi cette série au fil des semaines, j’ai même terminé troisième une fois, j’ai fait plusieurs fois dans les cinq premiers, j’ai aussi enfilé le maillot rouge du meilleur troisième au classement général pour finalement terminer la saison au neuvième rang. Cette série m’a vraiment aidé à améliorer ma vitesse, puis pour ce qui est de la motivation à l’entraînement…. Pour ceux qui n’y ont jamais participé, on ne peut jamais manquer de motivation à cette compétition. Les médias y sont, la foule vous gueule littéralement après et il y a aussi le fameux speech de l’organisateur Tino Rossi suivi de son désormais très célèbre décompte. « Et maintenant c’est l’heure du Spectacle, show time, lets get ready to pedal, ssscinque, et et et quuuatre, eu trrrois, eu deux, uuuun et partez! ». Sérieusement, c’est le plus gros événement qui se tienne en semaine que j’ai jamais vu. C’est aussi le critérium le plus rapide en Amérique du Nord, cette année on a fait les 50 kilomètres en une heure. Puis il ne faut pas oublier qu’il y a 4 coins.

Il y a cependant des pré-requis pour être accepté à la merveilleuse école des Mardis Cyclistes de Lachine. Vous devez avoir des équivalences de cours. Par exemple, pour ne pas mettre les freins dans les courbes, vous devez avoir complété le cours « j’ai terminé mon premier Lachine 101 ou 103 ». Notez que la plupart des cyclistes de montagne bénéficient comme moi d’une exemption de ce cours qui est un équivalent du cours « j’ai déjà manqué de frein dans une course de vélo de montagne sous la pluie ». Par la suite, vous devez vous prémunir du cours « on se touche dans la courbe puis on ne stresse pas… » Ce cours se donne habituellement en début de saison à la course sur route de Bellefeuille.

Il ne faut pas oublier un cours absolument primordial qui s’appelle « j’ai même pas peur de tomber à 50 km/h sur le pavé ». Si vous ne possédez pas ce cours, votre développement sera ralenti et ce ne sera pas long que vous serez dépassé par la classe. Il est à noter que plusieurs cyclistes de montagne demandent une équivalence pour le cours « j’ai même pas peur de tomber à 50 km/h ». Par contre, ce cours ne comprend pas la partie pratique « sur le pavé », qui n’est pas à négliger.

Ha oui, j’oubliais ! En milieu de saison, je croyais bien avoir complété tous les pré-requis pour cette classe, mais non. Il me manquait le cours « survivre aux énervés de juniors puis au recrues pendant le Mardi Lachine qui est en même temps que le tour de Beauce ». En effet à cette course il manquait certaines grosses pointures, les bollés, et on y a vu beaucoup de jeunes insouciants qui possédaient des cours plus avancés que nous. Ils maîtrisaient notamment le cours « j’ai vraiment pas peur de tomber à 150 km/ h sur le pavé en traversant un étang infesté de crocodiles ». Ils avaient aussi un cours enrichi qui se nomme « je pousse à fond dangereusement puis je me sacre des autres, moi je ne travaille pas demain ». Comme je vous l’ai dit plus tôt, je ne peux plus faire ce cours. C’est à cette course que j’ai appliqué deux fois le cours « j’ai même pas peur de tomber à 50 km/h sur le pavé ». Après cette course, je me suis rendu compte que je pouvais me faire créditer le cours avancé « j’ai vraiment pas peur de tomber à 150 km/h sur le pavé en traversant un étang infesté de crocodiles ». Il y a aussi un cours qui est désagréable, mais qui est nécessaire. C’est le cours « c’est le team Volkswagen Trek qui décide si ton échappée peut se rendre jusqu’à la fin ». C’est vraiment un cours obligatoire et je l’ai appris à mes dépens. Je croyais être correct quand j’ai appliqué le cours « je suis en échappée puis il y a un gars de Volks avec moi ça fait qu’ils vont nous laisser aller ». Par contre, j’avais oublié que cette gang savait que j’avais réussi le cours « je suis rendu dans le top 5 au classement général ».

Montréal-Québec

Enfin pour terminer ma saison, j’ai décidé de compléter ma première grosse course sur route. La plus longue course sur route au Canada. Personne ne s’entend sur la distance réelle, 270 kilomètres, 240 ou encore 260 ? Moi ça m’a donné 256 kilomètres au compteur. Eh oui, je parle de la classique Louis Garneau Montréal-Québec qui s’est fait à près de 49 kilomètres heures de moyenne. Cette année, c’est Dominique Perras qui a remporté les honneurs suivi de Mathieu FireMan Toulouse. Dans cette course, j’ai beaucoup appris. Entre autres choses, j’ai appris à pisser sur mon vélo dans un peloton, à attraper des musettes au vol, à descende et remonter à la caravane et surtout à ne pas travailler comme un con quand tu es dans un échappée. Je roulais à environ 50-52 kilomètres/heure avec un gars de Jet Fuel Coffe, puis il me dit de garder la cadence jusqu’à Québec ! Whoow le ti-casse, on est deux puis on est même pas à Trois-Rivières, honnêtement, moi j’y allais pour le sprint de Trois-Rivières. On s’est fait rattraper bien avant le sprint, puis j’ai travaillé comme un con pour un gars avec des ambitions un peu plus grandes que les miennes. J’ai bien géré mon effort puis j’ai fini dans le premier peloton de poursuite, à quelques secondes de mon pote Bruno Lafontaine qui a remporté le sprint de notre peloton. J’ai fait 63ème et Bruno a fait 20ème et nous étions 200 coureurs au départ, c’est pas mal. C’est certain que je vais refaire cette course l’an prochain et je pourrai espérer une meilleure performance puisque je saurai à quoi m’attendre.

Au moment d’écrire ce texte je reviens tout juste d’une compétition de course à pied. Mélanie, ma copine et bientôt ma femme, allait faire une compétition de course à pied de 10 kilomètres. Je ne savais pas trop si je devais y participer ou pas. C’est bien difficile pour moi de rester passif derrière l’action et comme j’avais déjà fait un 10 kilomètre en février. Je savais à quoi m’attendre. Le 10 kilomètre ce n’était plus un défi parce que je l’avais déjà accompli, je me suis donc inscrit au 20 kilomètres, un peu moins qu’un demi marathon. Pas très brillant le gars, j’ai eu de la difficulté à marcher pendant les 3 jours suivants. J’ai malgré tout terminé deuxième dans ma catégorie d’âge. Pas mal pour un coup de tête.

Bref, ce furent de belles expériences et de cette manière j’ai pu notamment améliorer ma vitesse et ma puissance ce qui fut certainement un plus pour l’accomplissement de ma onzième place au championnat Canadien. Merci à ma blonde qui m’a aidé à user mes chaussures de course à pieds et ce, même si la température était moche.

Cet automne, je serai probablement à la recherche de nouvelles sensations sur le circuit de Cyclo-Cross du Québec. Comme vous le voyez, je prône donc la polyvalence. Selon moi, c’est ce qui fait que j’aime toujours le vélo après 11 ans de compétitions.

Jean-Philippe Provost