Voici la troisième et dernière partie du Mireille report, encore plus savoureuse que les deux premières. Les C de G auront révélé une autre excellente auteure en puissance.
Eh oui, elle l’a terminée cette course, nous rendant tous fiers et se propulsant instantanément au panthéon des légendes locales du vélo de montagne. En plus d’avoir la dureté du mental nécessaire, elle sut bien se préparer et bien gérer chaque situation.
BRAVO MIREILLE!!!
La plus longue journée en distance nous attend, 128 km avec 2 bonnes montées pour ensuite redescendre vers la côte des Caraïbes. Le départ est donné dans un petit village nommé Catie qui est situé à environ 1h30 de l’endroit où j’ai dormi. Le Volcan Turrialba Lodge a organisé un déjeuner spécialement pour les coureurs. À 4h30 am, nous avons droit aux Corn Flakes sans lait (puisque le lait chaud est exclusivement réservé au café) avec un jus de mangue… Je panique un peu à l’idée de commencer ma journée avec cette seule nourriture dans l’estomac! Heureusement, ma soeur se joint bientôt à moi et, se débrouillant en espagnol, va au comptoir me chercher une assiette d’oeufs brouillés et une portion de pinto (plat de riz aux petites fèves noires)… 5h15 am… Tout le monde dans le bus et on redescend le chemin hallucinant fait la veille. En plein soleil, la vue est à couper le souffle. On arrive au site de départ où, comme à l’habitude, c’est la cohue entre les coureurs, les autobus, les 4×4 d’accompagnateurs sur une route tout juste assez large pour 2 véhicules. Une fois de plus, je repère rapidement mon vélo et je termine d’enfiler mon équipement. Ce matin, le soleil est très présent, il est à peine 7h et il doit déjà faire 30°. Le départ est donné à 7h30, on nous explique avant qu’étant donné qu’un train a déraillé dans les derniers jours et qu’il a emporté un pont que nous devions emprunter, notre itinéraire a été quelque peu modifié. Malheur! 20 km de chemin de fer viennent d’être remplacés par de la route asphaltée…..;)
Go, c’est parti et ça commence à monter immédiatement. Je me sens bien et je reussis lentement à augmenter mon tempo en constatant que mes jambes répondent mieux que la veille. Cette première section est sur l’asphalte, ensuite on se met à descendre dans un chemin étroit et rapide, avant d’arriver dans un chemin très large et très bouetteux, cette même bouette orange de la premiere journée. Une fois de plus, je laisse filer mon Scalpel surfeur dans la boue pour 1 km avant d’arriver à un pont suspendu pour lequel on nous a bien averti de marcher, puisque si on tombe et considérant les rapides R5 en dessous, on meurt! Nécessairement, tout le monde pédale…
De l’autre coté du pont, des habitants sortent leurs boyaux d’arrosage pour nous aider à nettoyer nos vélos un peu. Je tente de continuer mais je réalise bien rapidement que je n’irai pas très loin avec un vélo qui pèse 40 livres et qui n’a plus qu’une vitesse de valide! J’emprunte donc une ruelle ou j’ai aperçu à 100 metres un boyau pas trop achalandé… un p’tit coup d’eau sur les dérailleurs avant et arrière et c’est reparti!
Un km plus loin, je vois mon equipe technique qui m’attend avec tout le kit de survie, mais tout ce que je veux, c’est de la crème solaire sur les bras qui me chauffent déjà sans bon sens… Une bonne shot de crème solaire appliquée en roulant, et mélangée avec du sable, ça soulage…
On est au 20e kilomètre, et à partir de maintenant et pour les 30 prochains kilo ça monte, pis ça monte encore sur des sentiers rocailleux qui demandent un peu de pilotage et de choisir stratégiquement notre ligne. Il fait tellement chaud dans cette montée! Une chance, il y a pleins d’enfants qui courent le long du parcours en nous offrant des bouteilles d’eau pour nous asperger et nous rafraîchir. Devant moi, j’aperçois une coureuse que j’ai surnommé Mme Nissan, puisqu’elle porte depuis 3 jrs un kit rouge avec le commanditaire NISSAN dessus.
Habituellement, elle est un peu plus forte que moi, mais aujourd’hui ça fait quelques fois que je la dépasse et je crois que d’essayer de la suivre pourrait être un objectif très convenable, considérant qu’elle est arrivée dans les 5 premières, les 2 premiers jours. J’ai aussi retrouvé le Costa Ricain du premier jour, Roberto, qui me demandait maintenant où était mon boyfriend… et trouvait que c’était une bonne idée de laisser mon boyfriend au Québec… Heureusement je n’ai pas faite de crevaison, mais lui oui… Ça m’a permis de filer en douce apres lui avoir fourni une chambre à air de secours… Quand un gars te dis que tu grimpes bien…yé temps que tu files…
Après un effort considérable, sous une chaleur que je n’avais jamais connue, j’ai fini par rejoindre le PC #2 à 50km, avec environ 5500 pieds de dénivelé positif pédalés. À partir du PC2 et jusqu’au PC3 la pente nous était favorable et nous roulions sur l’asphate pour un 45km.
À ce moment là, j’ai pensé aux conseils qu’on m’avait donné, notamment que sur le plat, je ne devais pas rester toute seule…Au même moment, Mme Nissan, accompagnée d’un autre coureur, m’a faite signe d’embarquer dans leur roue… et c’était parti pour une vitesse de croisière variant entre 30 et 45km/h. Moi je surveillais constamment mes pulsations pour ne pas grimper au dessus de 165 bpm quand je prenais mes relais, sous peine de voir mes cuisses exploser et de me faire larguer comme une vieille guenille. J’ai miraculeusement réussi à tenir jusqu’au PC3. Ensuite je suis repartie seule dans un bidonville, (mes compagnons de route n’ayant pas arrêté) avec des plantations de bananiers tout autour.
Parfois, je trouvais ça un peu inquiétant d’être seule mais je m’efforcais de sourire pour avoir l’air la plus sympatique possible. À un moment donné, j’ai vu une gang de jeunes qui avaient tous des bouteilles d’eau et qui semblaient avoir du fun en me regardant m’approcher. J’ai donc encore une fois, pour avoir l’air sympatique, souri et fait signe que je voulais de l’eau pour me rafraîchir… C’est là que 2 adolescents trop motivés m’ont lancé une chaudièrée d’eau en plein visage! J’ai failli en tomber en bas de mon vélo et mon casque a fait 90 degrés. POUAH!!! en plus, cette eau puait l’enfer… Après, me voila partie pour une petite balade de 10 km sur une voie ferrée… Ça finit de vous arranger un mal de dos, çà. Comme je ne voulais pas éterniser cette section, j’ai donné un effort supplémentaire et j’ai fini par rattraper à nouveau madame Nissan.
Sortie de la voie ferrée, j’ai enfin apercu la mer des Caraïbes entre les palmiers. Je savais qu’il me restait 13 km de bouette et de trous d’eau chaude à faire, mais dans ma tête, le party était déja commencé, et je savais maintenant que j’allais le finir ce raid!!
J’ai réussi à terminer 5 minutes avant Mme Nissan. (nous avons essayé de dialoguer, mais elle ne parlait qu’espagnol et italien et moi, que français et anglais…). On s’est fait un thumbs up, c’est universel.
La journée terminée, j’ai assisté à la remise des médailles pour les meilleurs hommes et meilleures femmes. Chez les femmes, la meilleure au cumulatif est l’Américaine Louise Kobin avec un temps de 20h00m58s (quelque chose comme)… Pour ma part, j’ai terminé en 23h55m… Encore des croûtes à manger, mais sûrement aussi heureuse qu’elle de l’avoir terminé! J’ai donc terminé au 8e rang sur un total de 15 femmes ayant fini et au 150e rang overall sur 261 participants ayant terminé la Ruta…
Encore un immense merci à tous ceux qui m’ont encouragé, supporté et conseillé dans mon aventure. Si le goût vous prend de vivre quelque chose d’aussi extraordinairement exigeant, exotique et satisfaisant, faites-vous plaisir et vivez cette aventure! En ce qui me concerne, ce Raid ne sera assurément pas le dernier!
PS: Les incroyables vus durant la course:
Un américain en single speed. De plus, il a fait des temps très respectables, quels jarrets! C’est qu’il y a des côtes à la Ruta!!
Un couple du Costa Rica en tandem. Le hike a bike et les descentes représentaient un défi!
Jésus: c’est tout un personnage! Il en était à sa 8e participation à la Ruta. Longue barbe et longs cheveux… Il roulait torse nu, évidemment sans Hydrapak, en short de jeans d’où il sortait un gros trousseau de clés, en sandales et sur un vélo qui a du connaitre ses meilleurs années a l’époque ou Boy George remplissait le forum…