La saga du vélo volé, part 3

L’affaire du Kona Volé (voir chronique du 7 et 8 avril dernier) retrouvé dans un pawnshop de Québec avance. On a encore beaucoup de travail à faire pour élucider les méandres de l’univers des objets volés et c’est difficile de faire une histoire courte avec tout ça, mais on va essayer. Voici donc la suite de l’histoire, mettant en vedette…

Le 30 octobre dernier, Fernand (nom fictif, a-t-on idée de s’appeler Fernand, non mais quand même) se fait voler son vélo chez lui à Limoilou. Barré sur sa galerie avec un cadenas avec celui de sa coloc, ils se sont envolés. Il porte plainte à la police mais n’a pas noté le numéro de série du vélo. Tut tut tut…il aurait dû acheter son Kona chez Le Pédalier, qui note et garde en mémoire les nos de série de tous les bikes vendus.

Le 31 octobre, le voleur l’amène tout près de là, chez SOS Comptant, rue St-Joseph, où on prend toutes les dispositions prévues par la loi: on note le nom et l’adresse du vendeur, on lui demande une carte avec photo, on prend sa photo, on note le prix payé et on le fait signer. On garde ça en archive au cas où la police ferait enquête.

Note: Prix payé pour le vélo, selon SOS Comptant: «on évalue le vélo et on paie le quart de sa valeur». Prix payé pour le vélo tel que noté sur le formulaire: 250$. Prix payé pour le vélo, selon une source policière anonyme hors du dossier: «au mieux, on donne au voleur 40$, il n’a aucune idée de la valeur du bike, ce qui compte pour lui c’est de pouvoir faire une ligne de coke au plus vite».

Donc notre voleur, bien identifié, repart guilleret et primesautier avec son cash. Une semaine plus tard, en fait toutes les semaines, SOS Comptant envoie une liste informatique du moindre objet qu’il a acheté au service de police, stipulant la nature de l’objet, marque, modèle, couleur et no de série. Le pawnshop garde le bike en quarantaine pendant 30 jours, le temps que la police fasse la vérification dans ses listes de plaintes pour objets volés, en comparant les numéros de série. Si il n’a pas de signe de la police, il est libre de le vendre et aucun recours ne peut être intenté par la suite.

30 jours passent et woups, le Kona Kula de Fernand n’allume aucune lumière dans l’ordinateur de la Police, car il n’y a pas de numéro de série d’inscrit sur sa feuille de plainte.

Après sa quarantaine qui est en fait une trentaine, le vélo est mis en vente dans la pawnshop. En fait, pas tout de suite, car selon Sébastien (nom fictif) le propriétaire, on attend le retour du printemps pour sortir les vélos. Ce qui est logique.

Entretemps, Fernand a fait une réclamation à ses assurances. Il a payé le vélo 2500 $ mais une petite clause dans son contrat stipule que la valeur assurée du bike se limite à 1000$. Il reçoit donc un chèque de 1000$. Il perd donc 1500$ et il est en ta et va se défouler en s’achetant un The King (bon choix, Fernand, en passant).

Le 25 mars suivant, Jacques (nom fictif toujours, pour protéger les innocents), qui travaille non loin de là et cherche (toujours activement, avis aux intéressés) un vélo de petit format pour son fils, passe devant la pawnshop et aperçoit le Kona Kula. Fasciné par la beauté classique de l’objet, il s’informe de sa valeur. Après vérification et ayant eu la parole du vendeur qu’il pourrait se faire rembourser s’il retrouverait le proprio, il décide d’acheter, négociant le 750$ demandé pour un 650$ taxes incluses. Heureux du deal, il remet fièrement à son fils ce beau vélo. (bon choix Jacques, en passant)

Le 6 avril, le remords l’assaille et il passe de longues nuits sans dormir et son ménage est en péril. Non, c’est pas ça, on reprend. Conscient aussi bien que moi que le vélo a de fortes chances d’avoir été volé, on décide (pas Fernand, on ne le connaît pas encore) de trouver le proprio via le site Web VMQCA.QC.CA, rendez-vous quotidien des amateurs de vélo du monde francophone.

La coloc de Fernand, lectrice assidue, (elle aussi volée cette fois-là, souvenez-vous) reconnait le vélo quelques heures plus tard et crie à Fernand qui est dans son bain : FERNAAAAAAND! Non c’est pas ça, je reprend. Fernand est mis au fait de la chose par sa coloc. Il nous contacte et photos à l’appui, prouve hors de tout doute que c’est bien son vélo qu’on a retrouvé. (Hors de tout doute = les mêmes tie-wrap sur le chainstay recouvert d’une trippe, une pompe avec jauge intégrée, un porte-bidon assez rare et 2 marques de peinture arrachée sur le cadre)

Samedi le 8 avril, Jacques entre en contact avec Fernand qui décide d’aller faire un autre rapport de police à la centrale en déposant ses photos et celle que Gilles a utilisé dans sa chronique. Un enquêteur est supposé les appeler dans la semaine. En début de semaine, n’ayant pas de nouvelles, Fernand appelle l’enquêteur qui lui dit d’aller régler avec Jacques le remboursement chez SOS Comptant et de racheter le bike au prix que SOS a payé. Fernand contacte aussi son assureur, qui lui explique qu’étant donné que 1000$ lui a été remis sur une valeur de 2500$, c’est Fernand qui demeure actionnaire principal du bike, donc libre de le racheter si il le veut.

Jeudi 13 avril, Fernand et Jacques se rencontrent pour la première fois et se pointent ensemble avec le vélo au pawnshop. Comme Jacques est de bonne foi, il est prêt à remettre le bien en échange de son argent (ce que le commis du pawnshop ne comprend pas, mais nous n’avons pas tous le même sens moral)

Fernand a amené plein de photos attestant sa propriété. Le commis du pawnshop, habitué à frayer avec les filous, flaire l’affaire ficelée de fil blanc et refuse de rembourser, disant que c’est une mise en scène dans le but d’acheter le vélo à plus bas prix.

Pour se sortir de ce bourbier, Jacques décide de contacter un compétiteur du SOS Comptant pour obtenir de l’aide en expliquant au commis toute l’histoire incluant l’annonce de la chronique. Le commis lui dit que son magasin est la même propriété que SOS et lui recommande de régler son litige avec Sébastien, propriétaire de cinq de ces boutiques aux noms différents (sur un total d’une dizaine à Québec).

Vendredi saint, après un coup de téléphone poli à Sébastien, le gérant rappelle Jacques pour lui dire qu’il peut venir se faire rembourser mais ne parle pas de la possibilité que Fernand reprenne son bike. Jacques en parle à Fernand qui a peur qu’on revende le vélo dans le long congé de Pâques. Il préfère attendre qu’on règle avec l’enquêteur sur place pour que ce soit plus officiel et pour qu’il puisse vraiment récupérer le bike.

18 avril, Fernand remet de la pression en contactant les enquêteurs. Heureusement, un coup de téléphone à un haut gradé bien connu des milieux cyclistes favorise la remise du dossier sur le haut de la pile.

Fernand contacte l’enquêteur de la police et c’est ici que le bât blesse. Genre comme un coup de bât de baseball. L’enquêteur Louis (nom fictif) explique à Fernand que lorsque le propriétaire d’un objet le retrouve dans un pawnshop APRÈS la période de quarantaine, il ne peut le récupérer, même en prouvant qu’il lui a été volé. Si quelqu’un l’a acheté du pawnshop, même chose, le bien lui appartient. C’est ça la game, car tout le monde est censé être de bonne foi dans ce système.

Louis le policier contacte le pawnshop pour dire que le vélo va être enquêté et est officiellement déclaré volé. Il va enquêter en interrogeant le suspect. Louis dit à Fernand qu’il est libre de racheter le bike du pawnshop si Jacques le ramène. Anyway, Fernand est content que l’enquête progresse, et aimerait bien ravoir son bike, pour limiter sa perte.

L’enquêteur qui a avisé SOS Comptant, invite Jacques et Fernand à revenir faire l’échange, prise 2. Cette fois-ci, ça réussit. Jacques remet le vélo, on lui remet son 650$ cash, sans aucun papier. En fin de journée, Fernand passe à son tour, paie le 250$ (soit-disant) payé au voleur et récupère son bon vieux fidèle Kula, qui dort désormais dans sa cave, barré avec son cousin The King au moyen d’une énorme chaîne. SOS Comptant n’a rien perdu et n’a pas à courir après le voleur pour récupérer le 250$ que Fernand a payé pour récupérer SON vélo !

Louis l’enquêteur doit interroger le suspect sous peu et nous tient au courant. Entretemps, nous attendons un retour d’appel du service des relations publiques de la police de la Ville de Québec, pour en savoir plus sur les dessous de ce monde, comprendre exactement comment ça se passe. Et voir si on pourrait pas offrir un partenariat pour la mise sur pied d’un site Web listant les vélos volés afin de répéter l’exercice du Kula volé.