Marathon canadien de ski de fond 2007, le Mike report

Michel LeBlanc nous avait promis un compte-rendu de son trip sado-maso annuel à ski. Comme il quittait pour une secousse, (championnats panaméricains de VM en Argentine) il a fait ça à la dernière minute, à l’aéroport, et ce #@!*-là, il m’a envoyé un texte pas d’accents!!!! J’ai donc dû replacer tous les &#! d’accents… maudit LeBlanc à marde… Je me fais toujours organiser avec ses patentes d’organisation de dernière minute. Pis en plus, y m’a emprunté mes raquettes pour le pentathlon, pis y les a laissées chez Lessard, faut j’aille les chercher, taboire de #*%#!!

Hum, voici donc le rapport de Ti-Mike :


Appellations pour mieux comprendre

Coureur des bois bronze = 160 km, 10 étapes
Coureur des bois argent = 160 km, 10 étapes, charge de 5 kg
Coureur des bois or = 160 km, 10 étapes, autonomie complète et coucher à la belle étoile
Barre d’or = après la 1ère médaille d’or réussie, chaque édition supplémentaire se nomme « barre d’or »

Le week-end du 10-11 février dernier, j’ai participé avec ma blonde Isabelle et un groupe d’amis à la 41ème du Marathon canadien de ski de fond, d’une distance originale de 160 km reliant Buckingham à Lachute. Mais cette année avec le peu de précipitation, les organisateurs n’ont pas eu le choix que d’y aller d’un parcours alternatif. Nous étions tous attristés à l’idée de voir annuler pour la 1ère fois, je crois, le marathon. Tout s’est déroulé au nord de Montebello. En gros, on a fait le trajet du samedi dans un sens pour faire l’inverse le dimanche. Des 10 étapes, il n’en restaient que 8 pour une distance de 140 kilomètres. Plus de 2100 skieurs ont fait une ou plusieurs étapes et près de 200 coureurs des bois or étaient du départ.

J’en étais à ma 15ème participation consécutive, dont 13 comme coureur des bois or (soit 12ème barre d’or). Nous étions un groupe de 16 personnes, du groupe des barre d’or : Paul Junique (24ème), Jean-Louis Derago (22ème), Gérard Cyr (15ème), mon père Hervé (13ème), Pierre Harvey (2ème). Du groupe, qui en étaient à leur première médaille d’or : ma blonde Isabelle Jean, François Amyot, François-Guy Thivierge, Réal Robichaud et Alain Guay. Les autres sont : Paul Bujold (médaille d’argent), Carole Drouin (médaille de bronze) et une petite nouvelle, Edwidge Vrain qui s’essayait pour sa 1ère médaille de bronze. À notre groupe, se joignait un autre groupe d’amis de Drummondville, tous des barres d’or composé de Denis Roy (9ème), Jules Béland (6ème), André Lamarche(1ère) Alain Croteau (1ère).

Comme la 40ème édition l’an dernier avait été spéciale pour moi (ski en bois, bottes de cuir, bâtons de bambou et habillement d’époque), j’ai décidé de revenir à la normal et d’enfiler à nouveau mon » kit high tech « , composé de carbone et de lycra.

La nouveauté cette année, c’est que ma blonde tentait la totale en courant médaille d’or. Depuis le temps qu’elle m’entend conter année après année les mêmes histoires avec mes amis de l’atmosphère qui règne au camp, eh bien, elle va le vivre. Bien évidemment, comme la plupart de ceux qui tentent l’or pour la 1ère fois, elle ne veut pas avoir froid et elle ne veut surtout pas traîner un sac de 30 livres. Je lui ai dit que je m’occuperais de cet aspect. Quelques coups de téléphone auprès de mes contacts, une commande spéciale sur le web, 2-3 visites dans les magasins spécialisés et le tour était joué. Elle partira avec un sac à dos de 17 livres et un sac de couchage -25C en duvet à moins de 4 livres. Ce n’est pas juste, elle n’a pas appris » à la dure « . Elle bénéficie sans trop peiner de toute l’expérience acquise au fil des ans. Mais vous savez quoi, je tenais autant qu’elle à ce qu’elle réussisse. De plus, elle ne voulait pas que je traîne un seul des articles que j’avais identifiés sur la liste. Go Isa GO !


souper du vendredi soir

Samedi 10 février (70 kilomètres)

Cette année, c’est le paradis. Imaginez le scénario. On soupe, couche et déjeune dans un magnifique chalet en bois rond d’un terrain de golf de Notre Dame de la Paix à 15 kilomètres au nord de Montebello. Le départ est à moins de 200 mètres de marche du chalet. WOUAWH ! Autre cadeau du ciel, le départ normalement prévu à 5h45 est à 6h30…. YAHOO ! C’est la grasse matinée jusqu’à 4h30 au lieu de 3h45. Méchant bonus. Il fait -20°C. On annonce un ciel partiellement couvert et un maximum de -7°C. Comme c’est un nouveau parcours, on part un peu dans l’inconnu.


préparation en vue du départ du samedi matin à 6h30

Les pistes sont pas si mal et le fartage est facile. Pierre Harvey se pointe sur la ligne et s’aperçoit que ses bâtons ne sont pas les siens, ils sont 10 centimètres trop courts. Il ne reste que 10 minutes. Il y a environ 400-500 personnes sur le plateau de départ et il fait noir. Par où commencer. Il rebrousse chemin vers l’hotel et rencontre François Amyot et s’aperçoit qu’il a les siens. «Frank, mes bâtons !» de dire Pierre. Le pire c’est que François s’en était même pas aperçu. Cré Frank, tu ne changeras jamais. 3-2-1 GO !…. C’est parti pour 70 kilomètres!

Après quelques kilomètres, nous v’la ti pas déjà en train de marcher dans un petit sentier fait à la dernière minute, je me suis dit que la journée risque d’être longue… très longue. Mais ce n’était pas le cas. Les organisateurs nous feront passer en grande partie sur des chemins qui nécessitent peu de neige et plutôt faciles d’entretien. Nous skierons plusieurs kilomètres dans la forêt de la Réserve Kénauk. Superbe ! Dans la 2ème étape, on rebrousse chemin sur environ 4-5 kilomètres. Ça nous permet de rencontrer plusieurs skieurs dont les amis du groupe et de s’encourager. J’ai croisé Isabelle ainsi que mon père qui avait l’air à très bien aller. Pour un petit jeunot de 67 ans, il va vite, très vite.


Hervé à un ravito


Amyot et Thivierge à un ravito

Les kilomètres défilent rapidement. Nous filons à 12-14 kilomètres heures. Dans la 3ème étape, nous surprenons un jeune orignal en plein milieu de la piste. Il gambadera 200 mètres pour ensuite filer dans le bois. Quelques kilomètres plus loin, un autre orignal, une femelle cette fois-ci. Elle filera devant nous sur le long d’une rivière sur plus de 1 kilomètre. Quel beau spectacle. Les choses se gâchent pour moi dans la dernière étape. Je commence à sentir des ampoules sous les 2 arches de pied. J’ai la peau des pieds habituellement indestructible. Aucune ampoule depuis 20 ans que je fais du ski. Depuis janvier, j’ai de nouvelles semelles orthopédiques et des nouveaux bas, plus épais. À l’entraînement jusqu’à 3-4 heures, ça allait, mais plus que ça, je n’avais jamais expérimenté. Plus j’avance, plus ça fait mal. Il reste 18 km. J’anticipe déjà la journée de demain avec la peau au vif. Toute mon attention est sur ses fichues ampoules. Ne reste que 7-8 kilometres. Je ne veux pas arrêter. Je m’entête à suivre les boys. Enfin rendus au campement. Nous y sommes très tôt cette année Pierre, Claude, Michel Blier et moi, soit à 12h30. Enfin !

Le campement

Le campement fait 300 mètres par 15 à 25 mètres. L’organisation fournit le bois et l’eau chaude. On nous donne deux « balles » de foin; une pour le « Lay-Z-Boy » et l’autre comme matelas pour dormir.


Samedi pm vers 15h autour du feu Amyot, Auclair, Isabelle et papa

Je traîne qu’un petit matelas de sol bleu et un sac de couchage. Pas de tente, ni bivouac. À la belle étoile. La raison : le poids ! Chaque livre en moins sur nos épaules fait une énorme différence. Aussitôt arrivés, nous préparons un bon feu, faisons sécher notre linge et commençons à manger. Je m’empresse de préparer notre petit coin pour Isabelle. Je confectionne un beau lit «king size» version paille ensachée à 380 brins au pouce carré. Le luxe quoi.

NDLR: Un peu d’anticipation. Avec le réchauffement climatique, voici à quoi ressemblera le campement du marathon dans 50 ans.

Autour du feu, elle sera assise à ma droite et mon père à ma gauche. Je serai un homme comblé. Le temps passe et la gang arrive un par un. Mon père arrive 1 heure après moi, je n’en reviens pas. Plus il vieillit, plus il va vite. Ça doit être son nouveau costume. Isabelle arrive 2 heures après moi, je suis impressionné. Elle semble en pleine forme. Elle va enfin pouvoir vivre son camp or.


Isabelle et moi

Encore une fois, notre groupe est nombreux. Nous avons besoin de 2 emplacements de feu. Pierre Harvey est toujours aussi populaire. Plusieurs le saluent et échangent avec lui. Un journaliste vient faire un entrevue avec lui. Au fur et à mesure que l’après-midi avance, nous mangeons, faisons sécher notre linge, mangeons, buvons et mangeons encore.


en bas : Côme Charlebois (9è barre d’or), Alain Guay (méd d’or), Réal Robichaud (méd d’or), Gérard Cyr (15è), Jean-Louis Dorago(22è) (assis en avant de Gérard),
Pierre Harvey (2ème), Hervé LeBlanc(13è)
en arrière : Daniel Auclair (méd argent), François Amyot (méd d’or), François Guy Thivierge (méd d’or), Isabelle Jean (méd d’or), et moi (12è)

Les skieurs arriveront jusqu’à 17h. D’autre iront déjà se coucher vers 18h. Nous fartons nos skis en les réchauffant au dessus du feu. Deux bons amis du marathon au cours des 15 dernières années, Ian Lehman et Alfred Fortier de Fischer sont venus nous voir. C’est la première fois qu’ils y viennent. Je traite tant bien que mal mes ampoules et fait une «une job de couteau Suisse» à mes orthèses. Je n’ai pas le choix, si je veux terminer demain. On annonce -25°C pour la nuit. Je n’ai que mon sac 3 saisons (-9°C). Comme je couche habillé, je suis confiant de passer une bonne nuit. Mon ami Denis Roy «étrenne» lui aussi son -9°C. Il rêve à son -25°C qui est dans son auto. François Guy Thivierge, le célèbre grimpeur de Québec, se charge de nous entretenir avec son dernier périple à l’Aconcagua, question de nous aider à bien dormir. Son défi était de gravir la montagne avec un vélo de montagne et de le descendre de haut en bas. Il n’a malheureusement pu le faire à cause de certain détails administratifs. Quel bon «entertainer».


Amyot, Thivierge, Auclair et Harvey

La majorité des skieurs vont se coucher vers 19h. Je veille un peu plus tard et vais au lit vers 20h, en même temps qu’Isabelle. Elle n’a jamais couché dehors l’hiver. Méchant défi. Il fait presque pleine lune. Nous sommes tous couchés un à côté de l’autre. Durant la nuit, c’est la symphonie du ronflement. Un des skieur s’étouffe «solide» deux fois. Il a fait peur à plusieurs l’entourant. Comme j’ai mes bouchons, je n’entends rien. J’apprendrai le lendemain que c’était mon père! Plus de peur que de mal. Je sens Isabelle qui tourne et qui tourne. On parle quelque peu et on s’endort à nouveau. Elle survivra !

Dimanche 11 février (70 kilomètres)

Réveil 4h. -26°C. Déjeuner 4h20. On annonce -5°C et ensoleillé. Départ à 6h00 cette année car la journée est plus courte. Se sortir du sac de couchage et commencer à s’organiser représente un des moments le plus difficile du marathon. On fonctionne au ralenti. Ça serait si cool de rester « vacher » un peu dans le sac de couchage. Isabelle n’a pas dormi beaucoup mais n’a pas eu froid. Elle est hésitante de sortir du sac. Tous nous nous rapprochons du feu question de se réchauffer. Nous mangeons sans trop avoir faim. Toutes ces calories ingérées seront fort utiles plus tard. Vient alors le temps du petit dépôt qui nous allège sensiblement. En me rendant à la toilette, je glisse, perd pied et atterris sur un coude sans aucune façon d’amortir la chute. La lampe frontale d’un bord, le papier de l’autre. J’entends un «clak» dans ma clavicule. Sur le coup je me suis dit, ca y est, je me suis cassé la clavicule. Je me rends enfin à la toilette, je me tiens l’épaule et verse quelque larmes de douleur. Quelle désolation ! Tranquillement la douleur s’estompe et je crois bien que je serai ok. M’auriez-vous vu revenir autour du feu et dire au boys que je ne peux pas repartir à cause d’une chute en me rendant à la toilette……Le départ se donne avec Francois Guy Thivierge tout juste à coté de moi et Isabelle derrière. Francois est décidé à se donner une «go» aujourd’hui. Et c’est parti. Il fait «frette» en tabouerre. On skie très vite, question de se réchauffer, le problème, c’est que la machine ne tourne pas rond. Ça prend au moins 30 minutes avant de se sentir bien.

Claude roule à un train d’enfer à l’avant. Faut croire qu’il a très froid….. La glisse s’améliore est on roule plus vite que la veille. À ce rythme, on arrivera certainement avant 12h. Les kilomètres défilent et la température est superbe. Nous nous croisons à nouveau dans l’étape 2. J’y vois mon père qui semble bien aller. Pas de signe d’Isabelle. J’espère que tout est ok. Dans la 3ème étape, les choses se gâtent à nouveau. Des ampoules, mais cette fois-ci sous les 2 grosses orteils. Je ne peux continuer à suivre le rythme de mes 3 collègues. La douleur est atroce. Chaque fois que j’essaie d’écraser mon ski, la douleur est très vive. Je ne pourrai pas terminer l’épreuve dans cet état. Il reste 25 kilomètres. J’ai peine à me rendre au ravitaillement. Pierre, Michel et Claude m’attendent par solidarité. Je dois absolument me soigner. Je change de bas et m’entoure les 2 orteils de bon vieux «duct tape». Je prend un grand respir, serre les dents et repars avec les boys. La douleur est coupée de moitié, mais toujours présente. On a 16 kilomètres à faire et ça va très vite. Plus les kilos avancent, mieux je me sens.

Une neige fraîche s’abat sur la piste ce qui diminue considérablement la vitesse. Mais qu’à cela ne tienne, nous prenons des relais afin de faciliter la tâche. Nous arriverons au terrain de golf après 70 kilomètres à 11h45, juste à temps pour le diner. Un autre marathon de complété. Nous allons prendre une douche et je me dépêche d’aller accueillir chacun des membres de notre groupe ainsi que tous les randonneurs libre. J’ai les pieds en feu, mais je survivrai. Un à un, ils traverseront le fil d’arrivée avec beaucoup de fierté. Jeune, moins jeune, grand, petit, fatigué, énergisé, etc… Mon père arrive avec suffisamment d’énergie pour faire quelques kilomètres de plus encore.


moi et papa à l’arrivée du dimanche

Au loin, je vois Isabelle. Elle s’amène avec Alain avec un petit sourire en coin.

Je l’accueille à la ligne et la serre dans mes bras. Je suis vraiment fier d’elle. Dire qu’elle a commencé sa route vers l’or il y a 4 ans. Elle avait alors fait 6 étapes en 2 jours, 8 étapes l’annee suivante, par la suite le bronze, l’argent pour enfin faire l’or en 2007.


Isa et moi à l’arrivée

Mes champions du weekend, c’est elle qui réussit à sa première tentative et mon père qui ne semble pas vouloir s’arrêter. Tous de notre groupe ont complété la distance. Le simple fait de prendre départ à ce marathon de 140 kilomètres est déjà un exploit et un signe de courage et de détermination. Bravo à toute notre gang et à tous ceux qui ont fait une, deux ou dix étapes. Vous êtes des champions.

Nous nous réunissons au banquet autour d’une bonne bière en nous racontant notre expérience et parlons déjà de l’édition 2008. C’est un peu ça le marathon et bien plus. C’est avant tout un happening où des gens partageant des valeurs de santé, de plaisir et de détermination se rencontrent pour relever un défi. Merci aux organisateurs, aux bénévoles et aux commanditaires qui nous font «tripper» à chaque année. Longue vie au marathon canadien de ski de fond. On se voit au 42ème l’an prochain.

Michel LeBlanc

P.S.: S’il y en a qui sont intéressés par le marathon, n’hésitez pas à consulter le site du marathon canadien de ski de fond (http://www.csm-mcs.com)