TransRockies report, jour 2

Transrockies, jour 2. Invermere à Nipika (60 km, 1485m de dénivelé)

Il fait frette en titi quand on sort de la tente à 5h30 le matin. Il faut prendre un bus pour descendre en ville déjeuner. De la marde, on y va en vélo. Parlant de marde, la bouffe hier soir et ce matin était loin d’être à la hauteur en qualité comme en quantité, sans compter les temps d’attente ridicules. Va falloir que l’organisation corrige la situation.

Le départ se fait à 8h pile, avec du AC/DC dans les hauts-parleurs. Les premières minutes dans le peloton sont toujours très stressantes. Le box de départ à l’avant regroupe les équipes de tête dans toutes les catégories et ça lutte pour rester positionné. À toutes les dix secondes, je vérifie si notre équipe est complète. – Zab? – OK!!

En virant à un coin de rue, ça bouchonne. Ça se touche devant moi et il y a quasi chute. Isabelle se faufile à l’intérieur et se positionne drette derrière les Deadgoats, leaders de notre catégorie. Excellent move, sauf que je l’ai pas vue aller. Je suis convaincu qu’elle est derrière et qu’elle a été ralentie par l’accrochage. J’appelle son nom une première fois, puis je répète sans arrêt… Aucune réponse! Je remonte un peu dans la mer de cyclistes, aucun signe d’elle. Je me laisse descendre dans le courant, du côté gauche, tout en scannant attentivement la foule et en criant comme un déchaîné. Je capote.

Rocky qui crie « ADRIENNE! », c’est de la petite bière à côté de mon désespoir. Le peloton sort maintenant de la ville et débute une montée de plusieurs kilomètres, avec la vue sur le beau lac qui borde Invermere. De plus en plus convaincu qu’Isabelle est dans le trouble à l’arrière, je recule jusqu’aux derniers compétiteurs, qui sont sur un tout autre beat. Je leur demande si ils ont vu ma partenaire arrêtée à quelque part… Non, ils n’ont vu personne… Fuck, ousqu’a l’est ???? Je suis découragé. Quelle erreur de débutants nous venons de commettre. Après notre réparation désastreuse de la veille, nous sommes en train de nous sortir nous-même de la course! Au même moment, Isabelle émerge à l’arrière du peloton. OUF! Quel soulagement! Elle aussi a reculé, à mesure que les autres québécois lui ont dit que je la cherchais derrière. Après 2 secondes de « ousque t’étais, crisse », on se dit « oublions ça et faisons de notre mieux pour sauver la situation ».

La situation est qu’on débute une montée de 5 km d’asphalte, suivie d’un autre 20 km de montée de gravelle, devenant de plus en plus étroit, abrupt et technique. Après ça, 10 km de singletrack où il sera impossible de dépasser. Faut donc se positionner avec un groupe qui nous retardera pas un coup rendu là. Je sors la corde, Isabelle s’accroche et c’est parti pour un Contre-la-montre de plus d’une heure, où nous dépassons des centaines et des centaines de concurrents. Parlant de corde, notre hétérope en est à sa version 2.0: l’élastique est une « succion », tube de caoutchouc très extensible utilisé en milieu hospitalier. Un mousqueton le raccorde à la petite gance au bas de mon Hydrapak où l’on accroche un réflecteur. Surprenant comment les coutures sont solides. L’autre mousqueton s’attache à un crochet de tente fixé à la potence du vélo d’Isabelle. À chaque montée, je lui tends le mousqueton, le bras droit tendu vers l’arrière. À l’approche de chaque descente ou obstacles, elle se « débranche » et me tend le mousqueton, que je clippe à la tyrolienne de mon Hydrapak.

Mes jambes sont encore assez fraiches, la petite ride de la veille les a pas trop maganées. J’arrive à garder le rythme cardiaque à 170, mon pace de raid normal (faut dire que pour pouvoir toffer 6 jours, on avait ciblé 160)

Tout en haut de la montée, quand ça devient du push-a-bike dans un boisé touffu, on est revenus jusqu’à des visages connus, Paul Newitt, de Pedal Magazine, est là, et Mireille et Michel sont deux équipes plus loin.

Après la montée, Isabelle se retrouve entre Paul et son coéquipier dans une section de singletrack de vache qui serpente dans l’herbe haute d’une prairie alpine. Les montagnes derrière sont magnifiques, mais on a pas le temps de regarder, le sentier déroule ben trop vite et il y a plein d’obstacles cachés. Zab chauffe comme une championne.

Plus loin, on commence à descendre Bear Creek, par un sentier de marche vraiment magané, très technique, avec des sections de portage et de traverse de ruisseau. On pogne une fille qui veut pas pantoute nous laisser passer et ça nous retarde considérablement. Michel et Mireille l’ont dépassée plus agressivement et comme Mireille est une as de le descente, on ne les rattrapera pas aujourd’hui encore.

On finit par finir de sortir du bush et après un boutte roulant, les derniers kilomètres se font le long de la superbe rivière Kootenay, à la limite du Parc national du même nom, puis dans les sentiers de ski de fond de Nipika Resort, notre destination. Nous sommes seuls et c’est difficile de se motiver à aller vite dans le singletrack et double track. Nous sommes convaincus que nous accusons un bon retard par rapport au Team Dead Goat, alors nous tentons de sauver les meubles, sans trop brûler de cartouches. J’ai peu de place à manoeuvrer pour pousser ou tirer Isabelle, elle doit donc mettre les bouchées double.

Nous franchissons la ligne avec un temps de 4h 7 min. Nous nous dirigeons vers le lave-vélo, après avoir ramassé 2-3 pêches et quelques tranches de melon et d’oranges. Une fois les bikes lavés, qui c’est qu’on voit pas? Les Dead Goats, et ils n’ont pas l’air du couple qui est arrivé il y a longtemps et qui a eu le temps de manger et prendre sa douche. Dans la douche, justement, Isabelle apprendra de Trish, la fille de l’équipe, que nous les avons dépassés au dernier ravito et qu’ils sont rentrés 3 min 15 après nous. Attaboy, leur avance est maintenant de 12 minutes, et nous savons qu’ils vont vite mais s’arrêtent à tous les ravitos.

Les autres québécois ont bien fait: Les Zoot allures ont encore gagné, par 15 minutes. Les Devinci ont fait 19ièmes, ce qui est vraiment excellent. Les Lessard/Lambert encore mieux: 7ièmes, en 4h01.

Nipika est superbe. De majestueuses montagnes partout autour, 2-3 petits chalets rustiques de ski de fond, un étang pour se baigner, le camion des douches pour une douche chaude presque sans attente, la grande tente pour le souper (excellent ce soir) et la remise des médailles et jerseys de leaders, suivie de la présentation des photos et video de la journée.