Testé pour vous: le Surly Pugsley

Un bike géant pour un biker géant: Merci à Gabriel Mailhot qui a pris le temps de nous donner ses impressions sur son beau Pugsley.


Bonjour Gilles,

Alors voilà, je possède le Pugsley depuis Novembre 2006. J’ai un ami qui est mécano chez Demers (ce cher Christian) et je lui avais demandé son avis pour un vélo d’hiver. Au début, il m’a sagement conseillé un vélo usagé pour moins de $30 que je pouvais jeter à la poubelle après la saison froide ; c’est que le calcium, la condensation et l’hiver en général est très dur pour un vélo. Cependant, je cherchais à avoir du plaisir l’hiver, donc cette option ne me satisfaisait pas. Christian m’a alors suggéré le 1×1 de Surly (j’avais déjà acheté un Surly, le Long Haul Trucker) en avançant que le fait qu’il soit «single speed», ce vélo n’allait pas avoir de problèmes de dérailleur. C’est alors qu’en naviguant sur le site de Surly je suis tombé sur le Pugsley. L’idée de pouvoir rouler hors piste l’hiver avec un vélo m’a séduit tout de suite. Lorsque je suis allé parler du Pugsley à Christian, il a tout de suite sourit, comme si juste à l’idée de vouloir acheter ce vélo j’étais hors norme. Christian m’a alors commandé un Pugsley et l’a monté en 16 vitesses avec un kit de dérailleur en plastique SRAM (pour ne pas qu’il rouille). Le tout pour la modique somme de 3200.00$, taxes comprises.

Ce joujou pesait alors 36lbs. Ses caractéristiques sont la largeur du cadre qui permet de mettre des pneus Endomorph 3.7 avec le rim Large Marge, un pédalier large permettant à la chaîne de ne pas frotter sur le pneu arrière et finalement, les roues Endomorph elles-mêmes. Ce sont les Endomorphs qui permettent au Pugsley de bien se débrouiller sur le terrain. En ajustant le PSI entre 6 et 20, le Pugsley se dote d’une suspension pneumatique caractéristique. Par exemple, lorsque le pneu est à 20 PSI, la surface de contact avec le sol est moins grande (dû au fait que le pneu est arrondi) et par conséquent, il y a moins de résistance, moins de suspension et moins de traction. À 20 PSI, le Pugsley est un vélo relativement rapide.

En contrepartie, moins le pneu est gonflé, plus il s’aplatit. Les caractéristiques changent alors considérablement et donnent au Pugsley une excellente traction et une suspension unique. Un point négatif qui n’est pas négligeable est qu’à un faible PSI, la surface de contact du pneu augmente, ce qui augmente la résistance lors du pédalage… ce qui en fait un vélo lent. Très lent.

Le Pugsley n’est définitivement pas un vélo pour les débutant. Après l’hiver 2006-2007, je peux le catégoriser comme un «fitness bike». La résistance du pneu à faible PSI en plus de la résistance de la neige rend le pédalage pénible; c’est comme si je montais une pente tout au long du trajet. Pour bien te mettre en contexte, j’habite St-Romuald, sur la rive Sud de Québec. Je vais travailler en basse ville à vélo à tous les jours ouvrables. Je passe donc sur la piste cyclable jusqu’au traversier et je termine ma course sur la rive nord jusqu’au Mail Centre Ville à St-Roch. C’est un parcours d’à peu près 20 Km à l’aller, pour un total de 40 kilo par jour (10400 kilo par année juste pour aller au travail). L’hiver, la piste cyclable de St-Romuald au traversier n’est pas entretenue, donc c’est le banc de neige.

L’hiver 2006 a commencé par des périodes de verglas.

Ha, au fait, une particularité du Pugsley + Endomorph est qu’avec ce kit, on se sent vraiment invincible. Et ben ce fût ma première leçon d’humilité car le verglas a été l’occasion pour moi de pratiquer la chute libre au sol. Sur le verglas, j’ai appris qu’il faut garder son pneu dur (30 PSI). Car plus le pneu est mou, plus l’effet de flottaison est grand; le Pugsley (à 12 PSI et -) tangue de droite à gauche comme si il avait une crevaison. Cette «gigue» fonctionne bien sur la neige, mais sur le verglas c’est tout le contraire car l’effet est amplifié et le pneu arrière aura tôt fait de glisser complètement sur le côté et de projeter le cycliste directement au sol.

Sur la neige, c’est le contraire. Plus le pneu est mou, plus il y aura de traction et l’effet de flottaison permet au Pugsley de rouler facilement à travers les paquets de neiges durcis. Par exemple, sur la piste cyclable, il y a une «trail» qui est formée par les piétons. Cette trail étroite se durcit rapidement et devient un chemin sinueux très boiteux (chaque trace de pas forme un trou inégal et durci). Avec le pneu avant à 5 PSI, le Pugsley arrive à «flotter» sur cette trail avec une bonne vitesse (relative) de croisière. Attention cependant car la neige qui se trouve de chaque côté de la trail n’est pas aussi compacte; lorsqu’on arrête, le pied s’enfonce, ce qui n’épargne pas les bijoux de famille… *!*

Tu as sûrement remarqué que le Pugsley en hiver est plein de compromis; c’est la pression du pneu qui lui permet de s’ajuster à différentes situations. Le problème majeur est qu’on ne traîne pas forcément une pompe à air pour ajuster la pression à chaque étape du trajet. Donc il faut trouver le meilleur compromis en fonction de ce que l’on pense rencontrer pendant le parcours. Les caractéristiques de la pression du pneu sont:

À 30 PSI:

  • Moins de résistance;
  • Plus rapide;
  • Peu ou pas de suspension;
  • Moins de traction;
  • Moins de «portance» sur la neige;
  • Très stable sur la glace.

À 5 PSI:

  • Beaucoup de résistance, donc pénible à faire avancer;
  • Très lent;
  • Excellente suspension pneumatique pour les petits obstacles;
  • Excellente traction dans la neige;
  • Très portant, peut rouler dans la neige hors piste jusqu’à une hauteur atteignant les pédales;
  • Moins stable, le Pugsley tangue comme s’il y avait une crevaison.

Enfin, lorsque je roule l’été avec le Surly Long Haul Trucker, le trajet me prend 45 minutes. Avec le Pugsley en hiver, c’est 2 heures. J’ai mis 3 heures pendant une tempête pour me rendre au travail (ça fait 6 heures de vélo !), donc faut pas être pressé. À la fin de l’hiver, mes plateaux étaient en très mauvais état: dent cassée, plateau désaxé, etc. J’ai dû les changer et j’en ai profité pour «upgrader» mon dérailleur. La force à laquelle je dois pédaler dans la neige mène la vie dure au pédalier. Faudra prévoir le changer à chaque printemps.

En été, le Pugsley se retrouve dans son élément lorsqu’il est en dehors des pistes. En dehors de mon trajet pour aller au travail, je l’utilise pour faire de «l’adventure bike». J’ai apporté une autre modification au Pugsley cette année; une suspension Shiver SC. La fourche rigide du Pugsley ne me permettait pas de faire de la descente hardtail lors de mes expéditions, j’ai alors cherché une suspension compatible avec les pneus Endomorph (vraiment pas facile).

Justement, je suis en pleine vacance cette semaine et je t’invite donc à me suivre dans les Appalaches (26 juillet 2007) pour une petite expédition.

Commençons par accrocher les vélos sur le rack:

Ici j’ai mon Pugsley modifié avec la suspension Shiver. À côté, tu peux voir le vélo de ma copine, un Giant Trance.

Le pneu Endomorph passe de justesse dans la suspension Shiver. Christian (le mécano de chez Demers) a dû raccourcir le «travel» de la Shiver car le pneu s’accrochait dans la couronne lorsque la suspension approchait du «bottom». Un vrai travail d’artisan! On a aussi changé le ressort et on lui a mis le plus raide sur le marché. En général, la Shiver fonctionne très bien, malgré un petit effet «flex» qui rend la conduite dans les roches un peu moins précise.

Avant le départ, j’ai pesé les deux vélos. Le Pugsley pèse 42lbs versus le Trance qui fait 26lbs. À ce poids, le Pugsley n’est définitivement pas un vélo efficace pour monter les pentes (uphill) ni pour faire de longues distances.


Détail sur le nouveau SRAM X-9.

Pugsley accroché sur le Thule, le tout sur une Civic… Faut faire attention sur la route car le pneu avant du Pugsley peut toucher le sol si la Civic prend une bosse. Faudra vraiment changer de voiture… Que penses-tu du FJ Cruiser ? ;-D

Allons-y! Départ pour les Appalaches. Aujourd’hui nous irons voir les barrages de castors dans le coin de St-Philémon à St-Paul de Montminy.

Deux heures plus tard, nous arrivons à destination.

On remarque tout de suite la différence entre un cadre en aluminium du Trance et le cromoly du Pugsley. Tant qu’à y être, profitons-en pour comparer les deux vélos.

La suspension inversée de la Shiver fonctionne particulièrement bien avec le Pugsley. J’utilise aujourd’hui un PSI de 12 en avant et en arrière, ce qui est un compromis entre une suspension pneumatique douce pour les roches moyennes et une rigidité suffisante pour rouler côte à côte avec le Trance. La suspension Shiver s’occupera des plus gros obstacles 😉

Voici maintenant la comparaison des pneus. Le pneu Endomorph, par sa facture, peut rouler dans la boue sans que ses crampons deviennent «packtés de bouette» (même chose pour la neige). C’est un avantage qui a son compromis; le Pugsley a tendance à «spinner sur place» dans les pentes agressives, ce qui ne le rend vraiment pas efficace pour l’uphill.

Voici le feeling de l’Endomorph au guidon du Pugsley. «On se sent pas invincible chaussé comme ça!» Yess mon homme. Et avec raison car rouler dans la roche, l’herbe ou une piste aménagé revient au même ; le Pugsley donne l’impression qu’on passe par-dessus le terrain. On s’en rend vraiment compte lors des descentes car avec le Pugsley, presque toute les lignes de traverse d’une zone deviennent valide et on se surprend à ne pas réagir à la crevasse qu’on traverse à pleine vitesse.

Voici maintenant une comparaison amusante avec la roue de la Civic.

Bon, me voici prêt pour l’aventure. Ne pas suivre mon exemple, mais je ne porte pas de casque ni de protection. Juste une casquette pour me protéger des branches. La technique est fort simple, si tu vois une branche lors de ta descente, regarde ta roue en avant afin que la palette de la casquette te protège les yeux. Le reste, c’est Pugsley qui s’en occupe.. Arf !

Comme tu peux le voir, je suis pas petit. 270lbs sur 6 pieds 1 pouce. Pugsley est un bon vélo pour mon gabarit (faut vraiment que je change de voiture…).

Après une demi-heure, nous voici au dam de castors. Une surprise cette année, les castors ont refait des barrages et la route est inondée. N’est-ce pas une occasion parfaite pour démontrer les performances de Pugsley ?

Voilà, nous sommes au début de la trail. Le fond est rocailleux et très instable. C’est là, exactement là, que Pugsley se démarque. Sa traction et sa stabilité lui permettent de franchir des terrains très accidentés sans aucune difficulté. Là ou les autres font des grimaces et serrent les dents, je ne peux m’empêcher de rouler avec le sourire. Allez, assez discuté et allons-y ! La traversé est relativement facile avec le Pugsley. À certains endroits, j’ai de l’eau par-dessus les pneus. Ma copine n’a pu me rejoindre avec le Trance, donc j’ai dû retourner sur mes pas. Voici la séquence photo:

Et voilà ! Ça c’est un des aspect de l’adventure bike. Quel plaisir.

Bon, nous continuons dans «la brousse», là où Pugsley performe le mieux. Car sur les chemins aménagés, Trance est définitivement une meilleure option que Pugsley.

Et en route vers le sommet des Appalaches! En haut, j’en profiterai pour te montrer les performances du Pugsley dans le downhill. Attention cependant, le DH que je te propose est du DH hors-piste; pas question de passer à travers une trail. Le Pugsley grâce à sa stabilité me permet de passer directement à travers la forêt sans utiliser de piste. Ha! Nous y voilà. Bien que ça ne paraisse pas sur la photo, la pente est assez raide. Le terrain est un mélange de boue, d’herbe et de racine. Je descend assez rapidement, seul le flou des roues en témoigne cependant:

Et voici à quoi ressemble le terrain. Remarque que l’Endomorph ne garde pas de boue entre ses crampons.

En conclusion, le Pugsley est un vélo fait pour le hors piste. Nous pourrions le classer dans les vélos de brousse, les adventure bikes, les safaris, les severe off-road, les fitness bikes ou encore les fat-bikes. Il n’est pas suffisamment rapide pour être intéressant dans les compétitions de vitesse ni suffisamment léger pour les freeriders. Il n’est pas non plus le vélo idéal à mon avis pour l’hiver en ville mais offre des possibilités pour le off-road hivernal idéal sur les pistes de ski de fond. Il est aussi parfait pour ceux et celles qui désirent s’entraîner; la résistance des pneus à faible PSI demande beaucoup plus de force pour faire avancer le vélo. Après un hiver sur le Pugsley, l’été sur le Long Haul Trucker est très efficace.

Voilà, la prochaine fois faudra que tu viennes l’essayer !

Bye,

Gabriel Mailhot