Denyse Montgrain, intronisée au Temple de la renommée

Dimanche dernier, le Temple de la renommée du cyclisme québécois a accueilli deux nouveaux personnages, Gervais Rioux et Denyse Montgrain. Ceux qui baignent dans le monde du vélo depuis pas plus loin que les années 2000 ne connaissent pas Denyse. Les plus vieux ne l’ont sûrement pas oubliée.

Si vous aviez été sur place, vous auriez vu Pierre Gendron la présenter comme suit:


« La première fois que j’ai rencontré Denyse je ne l’ai pas vue, je l’ai d’abord entendue.

Lors d’une course régionale son garçon David, qui a le même entêtement que sa mère et la même exubérance que son père, venait de lancer son vélo à la fin de sa course, non satisfait de son résultat. C’était assez courant à cette époque, les vélos coûtaient moins cher. Il semble que la remarque de Denyse ait eu l’effet escompté, car David n’a jamais récidivé.

Ce n’est que plus tard que je lui ai parlé.

J’ai rencontré Denyse la mère

Denyse et Jean Marc (son conjoint) suivaient les ébats sportifs de son David, ils étaient de toutes les courses de vélo de montagne été comme hiver. Denyse prenait des notes, elle n’était pas encore impliquée dans le VM.

Plus tard, sa fibre maternelle a fait que, profitant de son poste de fondatrice de l’Association régionale, elle a fait les démarches pour un sport-études en vélo de montagne. Elle voulait que comme son fils David, d’autres profitent de cette formation de qualité. Nous avons travaillé fort pour monter le tout et David a été notre seul candidat. Tous les autres cyclistes de montagne s’inscrivaient en ski de fond.

Mais elle avait ouvert la porte et maintenant le sport-études cyclisme existe.

J’ai aussi fait affaire avec Denyse la directrice de Raid.

C’est là qu’elle s’est révélée.

Imaginez Napoléon en campagne militaire… car le Raid Pierre Harvey, c’était l’invasion sur 285 km de chemins forestiers et pistes faites pendant trois jours par plus de 600 athlètes qui mangeaient et dormaient entre Chicoutimi et Québec. J’en aurais pour une heure à vous décrire toute la logistique d’un Raid.

Denyse gérait ça avec fermeté, habileté et compétence. Je ne l’ai jamais vue avec des walkies-talkies, quelques mots et son regard suffisaient à faire marcher les choses et si son impétuosité choquait son interlocuteur, elle avait la perspicacité de sourire et faire fondre toute résistance. J’ai assisté à un tas de party de bénévoles qui encensaient celle qui quelque temps avant leur avait brassé la cage.

Il y a eu une époque aussi où la FQSC ne pouvait suivre l’évolution que Denyse donnait au sport, c’était trop vite pour cette vénérable institution. Il y a eu des prises de bec entre Denyse et son interlocutrice de la Fédé (NDLR: Josée Généreux) qui, au cinéma, aurait eu une cote 14+ans.

Combien de fois n’a-t-on pas entendu Denyse dire qu’elle allait songer à fonder sa propre fédération?

J’ai aussi eu l’honneur de collaborer avec la fondatrice de l’Association régionale.

Voyant émerger le sport de VM et constatant que les courses régionales de plus en plus populaires risquaient de voir naître une rivalité entre clubs, elle décide de fonder une Association régionale. Elle s’entoure de gens compétents, fait marcher la chose et la laisse à d’autres, assurée du succès futur.

Si Chantale Lachance et Patrice Drouin (de Gestev) ont donné au vélo de montagne ses lettres de noblesse et son statut olympique, Denyse Montgrain l’a démocratisé et lui a donné le souffle de vie…qu’il a encore. »


Suite à ce discours, Denyse a raconté ce qui suit:


« Il y avait le Raid Pierre Harvey

Merci beaucoup à la fédé de me rendre hommage ainsi aujourd’hui. C’est d’autant plus gratifiant que j’étais à l’époque, la rebelle, la plus dérangeante des organisateurs ou du moins à la tête d’une équipe qui leur donnait beaucoup de cauchemars.

Organiser un Raid de cette envergure au début des années 90 avec la réglementation existante de l’époque et le secteur du vélo de montagne qui débutait ici au Québec n’était pas une mince affaire. Mon comparse, Roger Giroux, président et fondateur du Raid Pierre Harvey, ainsi que moi-même avons passé des heures à négocier avec la fédé sur des points de règlements.

Un parcours de 290 km au lieu d’une boucle de 2 km, 26 heures en moyenne de temps de course au lieu d’un maximum de 2 heures, une date bien précise qu’il fallait arrêter au calendrier entre la fin de la saison de pêche et le début de la chasse à l’ours pour avoir des droits de passage dans la Réserve faunique des Laurentides, les frais de course, voilà des petits exemples auxquels nous étions confrontés quotidiennement. Plus d’un soir, nous avons fermé le bureau et nous n’étions plus fédérés. Quelques jours plus tard, nous recommencions les négociations et c’était reparti.

La paix revenue, pour quelques temps, nous pouvions nous consacrer au gigantesque défi afin de livrer un événement que nous voulions parfait. Tel était notre but. Chaque année a eu sa part d’imprévus. Quand ce n’était pas le déluge du Saguenay qui avait détruit au moins 80 km de piste quelques temps avant le Raid, c’était la construction à mains d’hommes d’une passerelle de plus de 100 pieds au Lac Talbot pour une nouvelle arrivée et ce toujours en respectant les normes du ministère de l’environnement. Une autre année nous devions re-localiser l’hébergement de Chicoutimi ou subir les variations de température dans le Parc. Des froids intenses nous obligeaient à livrer des bouillons chauds pour les coureurs et nos 250 bénévoles tout le long du parcours. Inutile de dire qu’Hydro-Québec ne nous desservait pas l’électricité sur place. L’année suivante il faisait très chaud. Nous avons dû faire descendre 2 camions à Québec et ouvrir l’usine Pepsi le samedi soir, pour nous livrer 10 000 litres d’eau. Nous avions une autre journée de course et les 40 000 litres du départ baissaient rapidement. Nous devions être équipés pour tout.

En 2001, il n’y a eu aucun pépin. J’ai trouvé cela ennuyeux alors j’ai démissionné. Ce fut la dernière année de ce défi rocambolesque pour Roger et moi et toute notre équipe. Quelques mois plus tard les contraintes budgétaires ont eu raison de l’évènement.

En plus du Raid il y a eu aussi l’Association régionale de vélo de montagne Québec Chaudière-Appalaches.

Sport réservé à l’élite, le vélo de montagne était devenu aussi un sport populaire et de défi. Nous avions atteint notre objectif. Nous avions également donné le goût à plusieurs autres organisateurs de tenir des évènements semblables.

Cet évènement populaire avait amené plusieurs nouveaux coureurs sur le circuit régional. Avec le nombre toujours grandissant de coureurs, un malaise se faisait sentir pour certains organisateurs. Mon implication dans le ski alpin m’avait tracé la voie pour une donner une structure régionale au vélo de montagne. Me revoilà partie. Daniel Carreau, organisateur de course régionale pour le Club Gagné Vélo-Ski à l’époque et Côme Labbé, coureur et père d’une athlète très prometteuse, se joignent à moi et nous fondons l’Association régionale Québec Chaudière-appalaches. Ainsi, des services assez uniformes furent offerts aux coureurs. Le nombre de coureurs sur circuit régional augmenta sans cesse et la région de Québec en bénéficia.

De plus avec une structure régionale nous pouvions espérer un jour que nos jeunes athlètes talentueux puissent fréquenter l’école Cardinal Roy Sports Arts Études. Tel était mon désir.

Les dirigeant de la FQSC n’avaient pas vu tellement d’un bon œil de fonder une fédération dans une fédération. Mais les résultats furent spectaculaires et le sont encore aujourd’hui.

Je remercie en particulier mon conjoint Jean-Marc et mes enfants Sarah et David de m’avoir endurée et soutenue dans ces projets. L’adrénaline était parfois élevée.

Je remercie Roger Giroux au Raid ainsi que Daniel Carreau et Côme Labbé à Association régionale d’avoir été mes complices du début.

Je remercie tous les bénévoles qui se comptent par milliers d’avoir été présents à tous ces évènements.

Enfin je remercie le comité de sélection du temple de la Renommée d’avoir proposé ma candidature pour cet hommage. »


Suite à quoi, Pierre Harvey s’est présenté, la larme à l’oeil, (en fait, ché pas, j’y étais pas) pour lui remettre la plaque souvenir commémorant son accession au pinacle de la gloire du nirvana des bâtisseurs du vélo.

Bravo Denyse, tu l’as bien mérité!