L’aventure de mon Transrockies, par Marc Payment

En préparant la chronique précédente, j’ai dû rechercher le courriel de Mathieu en pitonnant le sujet « gay-rope » et figurez-vous que j’ai pas mal de courriels portant ce titre dans ma boite aux lettres. L’un d’eux fut envoyé au printemps dernier par Marc Payment, qui se préparait pour le Trans-Rockies et demandait ma recette de corde pour tirer sa blonde, qui se trouve à être Christiane Bouchard. Oui, oui, cette même Christiane qui gagne des raids au Québec et qui nous avait raconté sa Ruta de los Conquistadores y’a pas si longtemps. J’en ai profité pour demander des nouvelles à Marc, car bien qu’on ait pu suivre la progression de leur course cet été, on n’avait pas eu leurs impressions.

Je ne m’attendais pas à la réponse que j’ai reçue. WOW! Marc est un poète, un homme au grand coeur. Cet événement fut pour lui un catalyseur à émotions, émotions qu’il laisse couler à flot dans son récit, reléguant les autres articles à ce sujet à de mornes compte-rendus sans saveur. La musique que vous entendez est aussi composée par Marc, une ode à sa muse, qu’il chantait à tue-tête pour éloigner les ours au milieu des rocheuses. Pour ceux que la question intéresse, non, Marc et Christiane n’ont pas utilisé de corde pour se tirer en course car les gay-ropes et hété-ropes ont été interdits au TR à partir de 2008. Puis c’est pas vraiment de nos affaires de savoir si ils ont utilisé la corde dans l’intimité de leur tente.


L’aventure de mon Transrockies


Du sommet du Mont-Tremblant, fin novembre 2007.

Il était une fois…

Pourquoi vous raconter l’histoire de mon Transrockies? Parce ce que le Transrockies et sa longue préparation depuis ma rencontre avec Christiane a été l’expérience la plus complète et la plus enrichissante de ma vie. J’ai cette impression d’avoir bouclé un grand cycle de vie, d’avoir additionné de multiples expériences de vies pour en faire briller une toute nouvelle, Christiane et le Transrockies, comme le carrefour des ingrédients de mon passé s’unifiant pour me faire vivre un grand, long et intense chapitre de vie imbibé d’émotions heureuses…

Le 7 octobre 2007, le bonheur a frappé à ma porte, c’est le moins que je puisse dire. Alors je le partage avec vous, ceux et celles qui veulent bien lire mon récit et voyager avec moi à travers ce rêve qui est devenu réalité par la force du destin, de l’amour et d’une méchante dose de volonté… ou overdose???


Le Raid Amical des Laurentides 2007
Guy, Christiane, George, Martin, moi, Martin , Alain, Simon, Fanny, Patrick, Terry.

En octobre 2007, j’organisais pour la première fois de ma vie un évènement qui me ressemble, j’organisais mon premier party avec invitation et tout le tralala: une sortie de vélo de montagne de plus de 75 km qui reliait les plus beaux sentiers des Laurentides. Parmi les invités, une «raideuse» aguerrie se joint au groupe à la dernière minute… Christiane Bouchard qui est là presque par miracle… le destin venait de frapper. Franchement, elle m’a plu du premier coup. On a jasé un peu tout en roulant, et puis elle s’est mise à dire qu’elle cherchait un équipier pour faire le Transrockies, que c’était pas facile à trouver etc… Elle venait de lancer sa ligne… et ne savait sûrement pas à quel point le gros brochet que je suis avait l’œil sur sa Daredevil… Les événements ont déboulé… vraiment. Trois semaines plus tard, on s’inscrivait au Transrockies et on était déjà plus qu’une équipe… Méchant coup de foudre!!!!!!!!


Çà dit tout…

On avait devant nous neuf mois de préparation à entreprendre. Il va sans dire que l’essentiel de l’entraînement fut consacré à la longue distance puisque qu’il s’agissait de franchir 550km de sentier et 10,000m de dénivelé en 7 jours!!!!!!! Musculation, ski alpin, ski de fond et bien sûr l’essentiel rouleau d’entraînement furent au menu de cet hiver inoubliable…


Loppet du Mont-Tremblant (Y faisait frett…)

Du printemps jusqu’au début du mois d’août, il nous fallait atteindre le maximum de forme possible tout en gardant le plus d’énergie en banque: Ni un ni l’autre n’avions déjà fait plus de trois jours de raid et on se demandait bien comment on allait tenir durant sept jours… Donc le programme était simple: Après plusieurs semaines de millage intensif, quelques courses de courte de distance pour donner la vitesse et aiguiser les réflexes puis deux ou trois raids pour se mettre à l’épreuve et vérifier notre forme. Enfin la clé du succès, deux à trois semaines de repos actif juste avant l’épreuve afin de s’assurer d’être le plus reposé possible sur la ligne de départ le matin du 10 août à Panorama.

De multiples obstacles se sont présentés à nous : Plusieurs blessures et arrêts d’entraînement pour toutes sortes de raisons hors de notre volonté. Notre préparation avait eu des ratés. Ceci a façonné par la force des choses une approche commune face au défi que l’on s’était donné: Ce sera comme nous sentirons que cela doit être au jour le jour. Le plus important , c’est d’apprécier tous les moments et de s’assurer de ne rien regretter de notre Transrockies. Il faudra pousser assez pour être satisfait du point de vue compétitif mais aussi avoir le plus de plaisir possible, profiter du paysage et bien sûr, des gens.


Christiane, Coupe du Québec au Chanteclerc


La course de ma vie… le Raid Pierre Harvey 2008.

Début août, le grand jour approche. On vérifie la liste des participants. Huit équipes seulement dans notre catégorie: les mixtes 80+… C’est rare les vieux qui courent en couple et qui sont assez fous pour s’embarquer la-dedans… Des coureurs provenant de 27 pays, on fera un tour du monde sur place! Une dizaine de Québécois sont sur la liste et j’en connais déjà huit… C’est vraiment étrange les probabilités. Et une surprise: le dénivelé total a augmenté à 18 000 mètres… 8000 de plus!!!!!!!!!


Le départ de Panorama le 10 août au matin

Stage 1: Panorama/Invermere: 52km, 2475m de dénivelé


C’est nous!

Ce matin, le beau temps est de la partie, la fébrilité aussi… Et après une courte de boucle de départ nous entamons la montée de Panorama… 11km et 1200m de grimpe ininterrompue. 1h38 pour le Duo Gazelle !! On est tous très près les uns des autres… Les roues se frottent à l’occasion… On pousse pas trop… On connaît la musique!! Nous demeurons toujours l’un près de l’autre pour être prêts à s’entraider à tous moments. Christiane n’a aucun problème à maintenir son rythme jusqu’au sommet sauf pour un passage escarpé ou je pousserai les deux vélos pour 2-3min. profitant de ce moment pour gagner une vingtaine de position dans le rang… je viens de trouver un truc qui marche!! (merci à Daniel Thauvette…) La vue est déjà à couper le souffle mais faut se concentrer sur le parcours… Nous voilà sur le top pour une vingtaine de Km, à traverser des zones d’avalanches de roches tantôt sous la grêle, sous la neige et aussi quelques percées de soleil… Tout un baptême pour une première journée!!

Ma blonde négocie les descentes comme que je pensais même pas qu’elle pouvait le faire… mais on prend pas de risque… elle réussit quand même à se planter juste assez pour nous rendre encore plus vigilants… on veut revenir avec tous nos morceaux!! La vue est toujours magnifique et très variée… il y a une section avec des pierres marbrées de blanc… avec la mousse vert pâle et les petites épinettes… C’est vraiment exotique… mais bon, faut qu’on avance!! On entame finalement une longue descente de chemin forestier vers l’arrivée , mais voilà que ma belle blonde a pas l’air a filer pantoutte… elle a la nausée pis pu d’énergie… elle réussit quand même à tenir bon, puis à la toute fin, dans la descente finale, elle a tellement hâte d’arriver que je peine à la suivre et rase de me la casser dans deux virages … en perdant la sensation de mes roues… few… (je me suis fait mal au dos en transportant ma cr*sse de boîte de bicycle! chu comme un peu stiff…) .

Christiane passe enfin la ligne mais pas le temps de célébrer… Elle va plutôt se vider l’estomac dans le champs… Elle est vraiment malade… Ce soir, pour elle, pas de souper!! Incapable d’ingurgiter quoi que se soit, elle ira se faire nourrir à l’infirmerie: à l’intraveineuse SVP!!… J’étais déjà entrain de planifier une journée de shopping pour le lendemain… Il était pas question d’hypothéquer la santé de mon Team Leader pour une ou deux journées de course et encore moins pour des médailles. Nous voilà donc campés au K-2 Ranch à Invermere, ma blonde est couchée, elle ne sait même pas qu’elle a quand même une première médaille à mettre sur son mur!! On est troisième malgré le dramatique ralentissement des derniers 15 km.

Je me suis enlevé toute pression, j’ai lâché prise, je suis prêt à faire du tourisme tout le reste de la semaine si c’est ça qui doit nous arriver… peut-être que c’est ça notre Transrockies… une aventure qui nous oblige à se libérer de nos attentes égoïstes… se libérer des ambitions de son petit nombril … être libre de soi-même… gagner… gagner sur soi-même… vraiment. Je ne regrette rien même si la course finit là… sincèrement… Çà doit être l’amour(??).

Stage 2 Invermere/Nipika Lake :74km, 3813m de dénivelé.

Croyez–le ou non, ma blonde se réveille avec une humeur de tigresse: elle veut et va prendre le départ de cette deuxième étape, il y aucun doute!.Ché pas ce qui mettent dans les intraveineuses mais… Bon… C’est la plus grosse journée du TR. Près de 3800m de dénivelé… 74km à parcourir… je peux pas croire que la fille qui est avec moi est la même qui était effondrée hier dans la tente et complètement abattue! C’est un départ rapide sur l’asphalte et on doit tenir un tempo élevé pour demeurer dans le peloton de tête… Puis viens une longue montée à 6-7% pour 15km où j’en profite pour pousser Christiane d’une main autant que j’le peux afin de lui faire sauver de l’énergie… et on sait qu’il faut en économiser le plus possible… la semaine est encore très jeune… Puis vient le moment où l’on doit passer de l’autre côté de la montagne, il faudra donc monter nos vélos sur notre dos… Incroyable de voir Christiane escalader ce mur interminable avec un vélo qui pèse le quart de son poids… c’est comme si je devais transporter un vélo de 40 lbs… j’ose pas y penser… Et en plus c’est pas facile de la suivre! La file de cyclistes monte à perte de vue vers le sommet et on n’aperçoit presque plus le point de départ quand on entend des cris retentir du sommet… Après une confusion «stationnaire» de plusieurs minutes, on apprend que les premiers ont pris la mauvaise direction et qu’on a grimpé nos vélos 30 min. de trop!!!!!!! Il faut redescendre pour prendre la jonction qui est beaucoup plus basse dans la montagne… un vrai bordel!! Un super jampack se forme et çà prend des dizaines de minutes avant qu’on reprenne le rythme. Finalement on franchit le sommet, mais déception : on doit descendre la plus grande part de l’autre versant à pied, de grandes sections étant trop fraîches et impraticables!!!!Sauf pour quelques-uns donc les Karumba, Nathalie Pronovost et J.R.Bouchard (Photo)qui descendent allègrement comme si rien n’était… Le soir venu plusieurs étaient mécontents d’avoir monté et «descendu» à pied… Çà l’a chialé en masse!!!!!!

Ma blonde est pas suivable quand elle descend la trail à pied… J’ai vraiment l’air d’un débutant… mais bon je la regarde faire et j’apprends vite… heureusement! C’est dommage que la piste soit si fraîchement faite, çà l’aurait été une descente d’enfer … on traverse des torrents de montagnes continuellement, et y a des drops qu’il faut vraiment descendre à pied et au ralenti… y a vraiment de l’action… Christiane est en feu. Puis vient une section de boue mouvante et profonde ou l’on aperçoit les vestiges de chutes récentes… Mais y a rien de trop beau pour mon Team leader… la voilà qui se prend pour une barbotte et plonge directement et sans hésitation dans une mare de boue de 24 pouces de creux… elle coule… la moitié de son corps est déjà disparu dans l’épais pouding brun marde… ce fut tout un spectacle… Pas de temps à perdre, elle reprend la descente avec plusieurs livres de boue accrochées à elle et son vélo!!. Nous roulons allègrement vers Nipika Lake et prenons la deuxième place à 17sec des premiers… mais le résultat de cette journée ne sera pas additionné au cumulatif à cause de la confusion dans la montagne… Çà va encore chialer!!!!!!!

Stage 3 Nipika/Nipika :44km, 1514m de dénivelé

Un contre–la–montre au programme aujourd’hui: Super idée!!!!!!!! On part les troisièmes avant-dernier à 2h18 !!!!!!!!!!!!!! pas du tout une bonne idée… on voulait se reposer après la course et maintenant on doit attendre et se préparer, gérer la bouffe pis le stress jusqu’à notre départ et en plus on va courir comme des poules pas de têtes après pour réussir à se doucher, manger, nettoyer les vélos, aller à la présentation du parcours et la remise des médailles…et ils commencent toujours par les vieux…

On s’embrasse comme toujours avant le départ puis 5-4-3-2-1…GO!!!!! 200 pieds et les jambes me chauffent déjà…Début descendant dans un chemin forestier assez roulant…il vente et j’en profite pour «tirer» Christiane autant que je le peux… Puis vient la spécialité de ma blonde: un très long singletrack accidenté… là-dedans il faut savoir pédaler «rond» et être très fluide… ici mon poignet blessé depuis le mois de mai en a pour son argent… ça brasse le carosse en tabarn**…et puis le paradis se change en enfer pour ma blonde… On roule sur la crête d’un précipice qui suit la rivière pour des kilomètres qui n’en finissent plus… Christiane est sur le gros nerf!!!!! Les hauteurs, c’est pas sa tasse de thé…Mais elle ne lâche pas et reste sur la selle autant qu’elle peut, courant à côté du vélo dans les passages extrêmes…puis nous descendons vers le bas, dans la gorge Kootenay pour emprunter le pont qui traverse cette magnifique rivière turquoise à couper le souffle… mais malheur… le parcours reprend le bord du précipice dans le sens inverse.

Finalement, on quitte la gorge pour reprendre la forêt… Christiane est sur la grosse plate… Elle tente de reprendre le temps perdu… Nous voilà dans un coin qui semble parfait pour une famille de Grizzly… On a pas acheté de Bear spray… Il faut faire du bruit… Je me met à chanter à tue-tête et puis je me dis que c’est tellement simple de repousser des ours… Ma blonde m’a jamais dit si je chantais bien… Faut croire que les ours pensent la même chose…

Ça devient de plus en plus roulant et les derniers kilomètres approchent. Nous finissons le parcours en 3h55…sauvant notre 3ème place par 2 petites minutes!! Les Quads de mon Team Leader sont douloureux, mais franchement…j’ai crié «YES!!!» quand j’ai vu sur le tableau des résultats que notre 3ème place était sauvegardée. La soirée se passera comme prévue… On court après le temps… Aujourd’hui, l’équipe qui était première au jour 1 est glissé deuxième… La fille a impressionné Christiane…elle a un physique imposant… L’apparence physique, c’est de la frime… Je me suis fait prendre souvent…

Étape 4 : Nipika/Whiteswan Lake: 110km, 2567m de dénivelé

Le délai entre la fin de la course et le coucher était trop court…on a les pulsations bien trop haute pour s’endormir…on entamera donc cette 4eme journée avec 2 heures de sommeil seulement…j’ai déjeuné comme un ogre (comme au souper de la veille). Aujourd’hui je pousse Christiane partout où il m’est possible de le faire: dans les longues montées, à la fin des côtes plus abruptes, après les arrêts etc. Je la tire dans le vent et pousse aussi les deux vélos dans les montées les plus abruptes. Ainsi, à mi-course, nous croisons les KB Racing (30min.derrière nous au classement général) et j’entends une voix venant de derrière: You’re so inspiring!! Avec le ton le plus gentil et théâtral du monde… Kirk Buchman et sa douce moitié semble nous admirer…? Cà pas été ben long qu’on les avait à nos trousses… ou plutôt dans nos roues… voilà même que le généreux Kirk se met à pousser Christiane dans une montée(???)… C’est vraiment trop gentil Kirk. Kirk est un ancien semi-pro qui a pris la 5ème place aux Championnats mondiaux de Bromont… Ben plus fort que moi… Et sa douce (pas si douce que cà…) court encore dans les Seniors1… Théoriquement et physiquement leur équation est gagnante mais Kirk me confie qu’il trouve sa blonde lente… Et qu’il s’emmerde un peu…

C’était cà le «you’re so inspiring»!! On l’a réveillé…c’est un travail d’équipe!!! Il l’a compris et dans les derniers 55km, lui et sa blonde nous ont pris 12 grosses minutes… Peu importe, on a un bon coussin au général. Devant défile le plus long downhill de notre vie: 50km de descente non-stop sur un sinueux chemin forestier, les Rocheuses défilent sur la gauche alors que l’on descend dans une interminable et gigantesque vallée vers Whiteswan Lake, relançant à l’occasion de quelques coups de pédales afin de garder notre vitesse et profiter de ce moment unique dans notre vie de Bikers…Ce soir on ne sera pas sur le podium… Mais la joie de me retrouver là avec Christiane descendant à pleine allure dans ce paysage de rêve… Quatre journées de grands efforts donnés pour se dépasser à deux… J’éclate en sanglots de bonheur, je m’en peux pu… L’émotion est insoutenable…Chu trop heureux…Pis j’aime ma blonde…

Aujourd’hui on a perdu l’équipe qui nous disputait la troisième place, les Dnet. La fille a trop poussé son partner dans les descentes et il s’est cassé la clavicule.


Ci-haut: Louis Babineau et Francis Bernier qui ont tous deux terminé
malgré des côtes fracturés pour le premier et une clavicule craquée pour
le deuxième…vont-ils écrire leur aventure?? puis Yvan Bujold et Martin
Roy qui ont su profiter au max de leur TR en prenant de superbes photos.
Quels sourires!!!!!

Étape 5 : Whiteswan Lake /Elkford 88km, 2147m de dénivelé. 2ème place (par 3 sec.)


Ouf…

On n’a jamais vu le lac!!! Peu importe on a eu droit à un champs de vache de rêve… La pleine lune en bonus! Les Just kuzz nous ont quittés. La fille (qui avait impressioné ma blonde…) ne l’a pas pris de glisser deuxième… Nous voilàs donc à défendre nous-mêmes cette deuxième place. Comme tous les matins, puisqu’on est des trois premiers de notre catégorie au classement, on a le privilège de partir à l’avant du peloton…Mais c’est rapide et je dois constamment pousser Christiane afin de demeurer dans celui-ci. Elle tient le coup pour un moment mais bientôt elle craque… et me chuchote: I’m falling apart… Elle n’en peut plus , elle est fatiguée… Pas de panique… On ralentit… À partir de maintenant on pédale comme çà vient… Aucun effort, ou stress supplémentaire.

Christiane ne se laisse jamais effondrer bien longtemps, elle s’en remet assez rapidement et bientôt le tempo revient à la normale. Aujourd’hui, les descentes sont plus rocailleuses, et il y a plusieurs montées ou je dois pousser les deux vélos. Je l’aide le plus que je le peux et franchement elle l’accepte sans orgueil… On commence à devenir plutôt symbiotique… On est vraiment toute une équipe. On rattrape finalement les KB Racing au dernier ravito juste avant un très long hike-a-bike qui nous permettra de prendre une bonne avance.

À cet endroit nous recroisons J-R Bouchard et Nathalie Pronovost de Blainville qui courent chez les Open et qui font une excellente course. JR a le dos en compote et peine à monter son vélo sur ses épaules. Nous les passons donc, et on se souhaite mutuellement bonne chance. Une heure plus tard je m’arrête pour resserrer mes lacets , mais juste le temps de finir que les KB sont là à quelques mètres!!! Je reprends mon vélo, rattrape Christiane en quelques minutes. Nous avons moins d’une minute d’avance sur eux mais on décide tout de même de ne pas pousser et de garder le même tempo… On veut avoir un bon souvenir de notre Transrockies. On cherche constamment le point d’équilibre entre avoir du plaisir et avoir envie de gagner… On veut les deux… C’est passionnant d’harmoniser ces deux tendances ensembles à nous deux au jour le jour… Les descentes sont très rocailleuses aujourd’hui, la vue moins panoramique, c’est plus «Laurentien» comme forêt.

Alors que nous entamons les derniers mètres de la dernière descente, les KB Racing nous dépassent et disparaissent dans les courbes du sinueux chemin forestier au bas de la pente. Sans perdre de temps nous les pourchassons et bientôt, alors que nous notons que Cindy semble en arracher, nous attaquons et disparaissons à notre tour de leur vue… Ce n’est pas bien long qu’ils nous rattrapent et Kirk de s’exclamer: Check your mooooves!!! Sur ce, ils nous dépassent et s’installent là, juste devant nous, «exactement» là où on veut qu’ils soient! Nous resterons là jusqu’à la vue de la ligne d’arrivée, pas question de bouger de là avant. Puis, à 200m de l’arrivée, Christiane se lève sur ses pédales et enroule sa «grosse plate» dans un fulgurant et surprenant sprint qui laissera les KB sidérés sur place! Tout se passe en un éclair. En voyant Christiane passer, Kirk décolle lui aussi, regarde derrière où est Cindy et celle-ci de crier: Go Kirk, Go!! Bon, ou elle n’a rien compris ou elle pense me battre au sprint… C’est le dernier membre de l’équipe qui passe la ligne qui signe le temps final… Je me lève à mon tour sur mes pédales et lui prends 3 secondes dans les derniers 50m… Christiane est très fière de sa fin de course mais Cindy se met à bouder et à argumenter sur notre stratégie, que c’est pas correct, que ceci, que cela et bla bla bla… Et elle court sur route senior 1!!!!!!!! Nous arrivons donc bon deuxième de la journée avec en bonus la fin de course la plus excitante de ma vie de cycliste.

Étape 6 Elkford/Crowsnest Pass.

Ce sera la deuxième plus difficile journée de la semaine aujourd’hui. On décide de ne rien tenter d’autre que de «passer au travers» du mieux qu’on peut en gardant le plus d’énergie possible pour la dernière journée. C’est le cœur du Transrockies: de longues montées et descentes interminables à 7-8% en chemins forestiers entourés des majestueuses montagnes dénudées. Le soleil est au rendez-vous avec un maximum de 34 degrés à mi-journée.

Nous entamons une spectaculaire descente à flanc de montagne sur gros cailloux dans un coin quasi désertique (çà ressemble vraiment au paysage de Road Runner et le coyote dans Bugs Bunny…) quand les KB nous passent à tombeau ouvert s’écriant «It’s all ridable!!» se moquant de notre vitesse plutôt conservatrice… Mais ils verront qu’un accident est vite arrivé…toujours est-il que les cailloux sont de plus en plus gros et certaines descentes ressemblent d’avantage à des lits de rivières…à 45 degrés de pente! Christiane descend à pied, mais j’en suis incapable, j’ai le dos barré…je descends donc sur le vélo mais arrête tous les minutes pour reposer mon maudit poignet engourdi…et voilà Nathalie Pronovost et J.R.Bouchard qui descendent dans les roches avec la facilité la plus naturelle… Chacun son talent!!

À la fin du trajet se dressent plusieurs murs consécutifs qui nous obligent à pousser nos vélos à pied…j’ai pu de jambes… J’ai tout donné ce qui me restait d’énergie pour épater ma blonde en poussant les deux vélos dans un pitch quasiment vertical… Je suis l’ombre de moi-même (cliché?)… en plein soleil… ouf… On cherche l’ombre sous les arbres quand c’est possible…puis vient la descente finale vers Crowsnest Pass: Çà fait du bien de descendre, croyez-moi… Je tire ma blonde dans un vent très costaud pour les derniers kilomètres et enfin la ligne d’arrivée… Je suis complètement sur le cul… Et Christiane qui me dit: «c’était pas si dur aujourd’hui…je me sens bien…blablabla…» Cette fois c’est elle qui prend soin de moi…un bon hamburger pour son homme! On s’accote dans le gazon l’un sur l’autre et on jase avec les autres équipes qui viennent d’arriver…À chaque fin de course, ce sont à peu près les mêmes coureurs et on commence à communiquer plus facilement. Ce sera une troisième place pour nous aujourd’hui. Les KB ont travaillé fort et nous ont pris 10 autres grosses minutes. Ils ne sont maintenant qu’à huit minutes au général. Demain, ils peuvent théoriquement nous voler notre deuxième place.

Etape 7 : Crowsnest Pass/ Fernie

C’est étonnant comme tout a passé si vite… C’est déjà la dernière journée. Mais notre carcasse le sait, elle! Le début de la course est plutôt dangereux. Les premiers kilomètres de grand chemin ne permettent pas au peloton de s’étendre assez et les vélos sont trop près les uns des autres dans les premières descentes. J’évite une empilade de justesse…et repars à la poursuite de ma Christiane qui, elle, était devant…juste devant un gars qui avait perdu le contrôle et qui a fait au moins 5 ou 6 «S» désespérés avant de reprendre sa ligne à quelques pouces de la roue arrière de ma blonde!! C’est du single track et Christiane est dans son élément… On dépasse sans arrêt les autres cyclistes qui déposent trop souvent le pied à terre… Les prochains 10 km ressemblent à la fin de la veille: trois murs consécutifs où l’on doit transporter les vélos sur notre dos et où je les pousse les deux à la fois en autant que c’est possible. Nous voilà encore sur les talons des KB et bientôt, on roule en peloton dans les chemins forestiers. Vient alors notre tour de tirer quand nos guidons s’entrecroisent et vlan!! Me voilà étendu dans la garnotte!!! Je crie à Christiane de continuer et la rattrape un peu plus loin recouvert de poussière avec quelques écorchures saignantes en bonus. Les KB en ont profité pour s’échapper en avant…nous augmentons la cadence et descendons allègrement…

Christiane est en feu, mais à quelques kilos les KB ont crevé dans une descente. Nous les passons, les saluons(!!!) et ils disparaissent une fois pour toutes derrières nous…enfin nous l’espérons.

Mais leur histoire ne s’arrête pas là. Plus loin alors qu’ils roulaient à fond sur l’asphalte pour nous rattraper, La roue avant de Kirk s’est prise dans le «quick release» arrière de Cindy… Kirk a culbulté avec son vélo à plus de 40km/h et Cindy s’est étendu sur l’asphalte. La roue avant de Kirk était complètement démolie…Il a fini la course grâce à un bon samaritain qui passait par là et qui lui a laissé sa roue avant… Bien chanceux notre Kirk!!

Encore de longues montées, puis après une descente de 15km, la dernière montée et enfin la descente finale: Un single track tout en courbes long de 7 km. Pour moi c’est le grand moment, personne à l’arrière à perte de vue, il ne reste qu’à se laisser descendre jusqu’au fil d’arrivée. J’arrête ma blonde, je veux souligner ce moment unique, embrassons-nous là, ici, juste avant la fin… Savourons les derniers kilos de notre Transrockies, ce rêve commun que nous avons réalisé, qui nous a unis encore plus…me trouvez-vous romantique??… Pas ma blonde… Pas question d’arrêter… Elle est complètement crinquée… Après un retentissant et inoubliable «NON!», Elle dévale le single track sans perdre une fraction de seconde… La récompense sera pour la ligne d’arrivée… Après tout c’est bien elle le Teamleader!!


Main dans la main : Le Duo Gazelle!!!!!!!!!!

À la ligne nous recevons une médaille de «Finisher» du TR que je donnerai à mon ami, patron et compagnon de travail Stéphane Lacourse, celui à qui j’ai pensé le plus souvent en traversant cette grande aventure. (Après ma belle blonde bien sûr…) J’arrêtais pas de me dire qu’il fallait absolument qu’il fasse çà un jour… C’est fait sur mesure pour lui.

Dans la ville de Fernie, nous ne rencontrons pas beaucoup d’autres concurrents que nous connaissons et prenons rapidement le chemin de l’hôtel.. Et oui de l’HÔTEL!!!! Le banquet final est gastronomique, on s’assoit à table avec notre p’tite gang de québécois. C’est sympathique, on se raconte toutes sortes d’anecdotes, on ramasse notre dernière médaille, un trophée pour notre 2ème place et même une bourse de $175.00!!!! Franchement, j’ai jamais connu un succès que j’ai autant apprécié…ce fut vraiment une expérience extraordinaire…j’en suis encore tout étourdi. Fallait le faire, à peine se connaître et se lancer dans une telle aventure…comme m’a dit Christiane en octobre 2007: «Il faut prendre le train quand il passe »… On l’a pris!

J’ai eu et réalisé bien des désirs et rêves pour moi-même jusqu’ici dans ma vie… Mais partager et réaliser une aventure aussi intense avec la femme que j’aime a été une révélation pour moi. Y a vraiment rien de ce que j’ai fait auparavant qui arrive avec çà! Ça a été valorisant pour l’ego sans aucun doute de faire des podiums à tous les jours… Mais un bonheur intense a envahi mon cœur, le bonheur d’être deux à chaque instant, avant, pendant et après la course, sous la pression, harmonisant nos efforts, partageant les moments de joie et aussi les moments difficiles. Être deux… Çà vaut plus que tout.

Le Transrockies c’est ma cerise sur le Sunday d’un long cheminement et aussi l’addition de plusieurs réalisations de ma vie. Il y avait dans cette aventure, l’endurance acquise en livrant des journaux à vélo 7 jours par semaine à 5 h le matin de 12 à 14 ans… Mes années de plein air et nombreuses expéditions de canot en équipe à l’adolescence, toutes ces années à travailler dans le domaine du vélo… Les années d’entraînement intensif et de compétition et bien sûr toutes les rencontres de ma vie qui m’ont préparé et forgé à devenir capable de former une vrai équipe avec celle que j’aime.

Marc Payment, équipier, Duo Gazelle


Note: Marc a compris que la préparation d’une course comme ça demande la collaboration de ceux qui l’ont déjà faite. Il vous offre gentiment de le contacter si vous vous lancez dans l’aventure: marcpayment(a)videotron.ca