El Reto del Quetzal, un récit de Steve Tremblay

Steve Tremblay est un habitué de ce site, même s’il habite maintenant à Gatineau. Il a publié dans ces pages quelques articles, notamment sur la Bolivie, et sur une course sur route au Guatemala. Récemment, à la veille de partir pour une compétition au Guatemala, Steve nous avait demandé conseil pour savoir gérer son approvisionnement en eau (camelbak vs bidons). En échange de nos précieux conseils, nous lui avions fait promettre de raconter son aventure. Il a tenu parole. La course s’appelle El Reto del Quetzal, ce qui veut dire « Le retour de la couette sale », vu que Steve a les cheveux longs mal lavés. Et puis non, peut-être que je me trompe, vu que Steve a les cheveux coupés en brosse. Laissons-le nous dire ce qu’il en est.


Introduction

El Reto del Quetzal consiste à une course de vélo de montagne par étape de 4 jours. Elle existe depuis 8 ans et utilise pratiquement le même parcours année après année. L’organisation est bien rodée. Netzer Cuan dirige pas mal la même équipe d’organisateurs depuis les débuts du raid. La première étape est un contre la montre de 12 km à Antigua, une ville du patrimoine mondial, les 3 autres étapes nous font parcourir plus de 200 km dans le backcountry guatémaltèque, en sillonnant les montagnes et les volcans au-dessus de 1500 mètres d’altitude. Je dirai 1/3 single track, 1/3 fire road, 1/3 pavé/asphalte. Le forfait de 850$ US inclut 4 couchers dans des hôtels 5 étoiles, des repas excellents, le transport et la sécurité le long du parcours. En extra, il y a des services mécaniques et des massages le soir. Il y a des catégories pour les équipes de deux et pour les solos selon deux catégories d’âges (open et Master 40+). Je vous invite à consulter le site Internet de l’événement. Vous pourrez y voir les profils, des détails sur la course, les résultats, des photos et des vidéos. Également, sur Youtube vous pouvez trouver des vidéos du parcours en recherchant El Reto del Quetzal. Ci-dessous le parcours et les profils.

Une deuxième chance

Le Guatemala a le don de m’offrir des sensations fortes depuis toujours. En 1996, j’y allais en « backpacker » pour l’aventure. En 1998, j’y retournais pour le travail et j’ai rencontré ma femme Luisa. Depuis, j’y vais souvent. Quand je me suis marié à Luisa, elle ne savait pas que j’étais un junkie à l’adrénaline, pourtant elle aurait s’en douter juste à la manière que nous sommes tombés en amour et que nous l’avons éternisé, non pas par un, mais deux mariages. Enfin, elle a dû se résigner au fait que je suis un sportif et à l’attention que je porte à mes maitresses à deux roues. Celles qui me procurent du plaisir et des sensations fortes à chaque sorties. Les seules que Luisa accepte dans notre ménage. Depuis longtemps, j’apporte toujours mon vélo de montagne lors de nos visites au Guatemala. J’apprécie particulièrement les single tracks d’Antigua que je parcourais avec des guides au début et maintenant avec mes amis. En janvier 2013, j’offre à ma femme d’aller au Guatemala au début mars pour la semaine de relâche scolaire de nos filles. Luisa : « Qué qué, tu veux aller voir ma famille en mars? » Normalement, on visite la « familia » en décembre pendant le temps des fêtes. « Ah oui chérie, ça fait longtemps qu’on n’y a pas été et j’aimerai bien voir ma belle-mère » Interpellée, Luisa accepta l’invitation avec enthousiaste mais pas sans un certain doute. Après toutes ces années de complicité, elle n’avait pas tort. J’avais trouvé sur Internet une course de vélo de montagne au Guatemala qui se déroule exactement pendant la semaine de relâche scolaire de nos filles. Quelques jours plus tard, je lui annonce que j’aimerais faire du vélo de montagne et qu’il y a, justement, une course à Antigua à laquelle j’aimerai y participer. « No hay problema mi amor lindo». Voilà! Je m’inscris à « El Reto del Quetzal » (Le défi du Quetzal). Le quetzal est l’oiseau emblématique et également le nom de la devise du Guatemala.

Le Guatemala est au sud du Mexique

Luisa et Steve, Antigua

Le raid que j’ai fait en 2013 n’était pas une superbe performance de ma part, d’autant plus que je me suis planté fort solidement dans une descente lors de la 3e étape. Genre de débarque que tu te dis en tombant : « Ostie, c’est aujourd’hui que c’est fini.! » Casque détruit, légère commotion, quelques égratignures et une entorse sévère au poignet droit. J’ai été vraiment chanceux de n’avoir que ça quand tu penses que tu allais mourir. La 4e et dernière étape est surtout une descente vers la mer, j’espérais cette étape avec enthousiasme. Je l’ai fait quand même mais d’une seule main et dans la souffrance extrême. Je suis resté sur mon appétit de raid. Cette dernière étape de descente est comme la cerise sur le sundae après 5800 mètres de dénivelé positif cumulés sur 3 jours. Je voulais une deuxième chance.

Ma chère épouse a béni mon inscription pour le raid El Reto del Quetzal pour 2015. Je t’aime chérie! Maintenant elle sait que c’est une course de 4 jours. En 2013, j’avais, apparemment, oublié de lui dire. « Qué! Tu dis que tu veux voir ma famille pis tu t’en vas faire du bicycle 5 jours! ».

Il y a deux défis de taille pour les québécois pour la préparation de ce raid : 1- C’est en mars 2- C’est en altitude. Se préparer à un raid de vélo dans la neige à -20°c, n’avait pas été facile en 2013. Je faisais presque une dépression après chaque séance de rouleau. Mais, aujourd’hui, avec ma nouvelle maitresse bien en chair (fatbike), j’ai pu faire du vélo à souhait dans les pistes de raquette du parc de la Gatineau. J’ai ajouté quelques séances de rouleau pour m’assurer des bons ajustements sur ma 29er. Pour l’altitude, il n’y a rien à faire à part que de prendre de l’EPO ou de dormir dans une tente hyperbare. S’il fallait que je dorme dans une tente dans la maison, je crois que Luisa abdiquerait et ce serait un divorce. Pour l’altitude, il faut acclimater son corps au manque d’oxygène dans l’air. Idéalement, si je pouvais arriver 10 jours avant et aller dormir et m’entraîner à Quetzaltenango (2400m), ce serait parfait. Sauf, que je ne verrais pas ben ben ma belle-mère et pas sûr que j’aurais la bénédiction de ma femme pour un setup du genre. Mes beaux-parents habitent à 1000 m d’altitude, ce qui n’est pas mauvais mais pas l’idéal.

Mercredi le 3 mars, j’arrive à Antigua vers les 14h00. J’aurais bien voulu arriver avant pour m’acclimater à l’altitude, Antigua culmine à 1500 m. Mais pour toutes sortes de pas bonnes raisons ça n’a pas été possible. Je suis un peu stressé. J’ai gossé 2 heures dans une station service pour gonfler mes pneus tubeless avec le compresseur à air et un liquide nommé SLIM. Après 3 magasins visités, pas de Stan No Tube, je me suis rabattu sur ce SLIM (genre de liquide vert : Ne pas utiliser, c’est de la vrai merde verte, c’est yenque bon pour beurrer, ça ne marche pas diable pour sceller pis ça bouche pas les trous.) Ben oui, j’ai un flat sur la pneu arrière et je voie toujours le merdique liquide vert sortir par le trou et le pneu ne garde pas l’air. J’ai un autre pneu tout neuf mais je ne veux pas gosser encore deux heures avec cette substance verte dans le milieu d’une station service, 12h avant le départ. Finalement, avec l’aide de Carlos et son frère (amis cyclistes guatémaltèques) et leur fameux Stan No Tube, on réussit à colmater la crevaison. Il est 18h00, pas le temps de faire la boucle du contre-la-montre. Le garage de vélo se remplit tranquillement de vélos de toutes les marques et de tous les prix. Nous sommes 150 inscrits, dont 25 dans ma catégorie Solo master. Le premier souper a lieu à 19h30. On nous souhaite la bienvenue et on nous explique les règlements et les directives pour la course de demain. La directive la plus importante, suivre les flèches roses qui indiquent le parcours. Elles sont peinturées partout où c’est possible. Roche, pelouse, sable, mur de maison, arbre, asphalte, gravier, muret, etc. Soyons vigilants car elles ne sont pas évidentes à voir.

Première étape

La première étape consiste à un contre la montre dans une ferme près de Antigua. On s’y rend en vélo depuis l’hôtel en 20 minutes. Tous les participants partent à intervalles de 1 minute. Ça monte dans la face d’un bouf pendant un bon 3 km et ensuite ça monte encore mais plus relaxe. Après 6 km de montée, c’est la descente vers le départ dans des « single tracks » parcourant des champs de maïs, une forêt de pins et une banlieue construite à flanc de montagne. Je pensais avoir bien fait avec mon 54 minutes mais j’étais à plus de 7 minutes de Beat le suisse, vainqueur des 4 derniers Reto dans la catégorie Master Solo.

Départ/Arrivée 1ère étape
Descente de la 1ère étape

Deuxième étape

La deuxième étape commence avec un départ lancé dans la belle Antigua. La plus longue étape du raid en temps et en distance. Vers la fin de cette étape, il y a une descente épique qui s’appelle La Culebra (le serpent). Celle-ci nous fait faire un plongeon de 600 m vers le lac Atitlan. J’étais un peu déçu de mon contre la montre. J’ai un objectif secret de faire un podium mais avec une 6e place et si loin du podium pour seulement 50 minutes de vélo, j’étais désillusionné. Alors, je décide de me concentrer sur le moment présent et d’apprécier la ride de vélo. Je veux gérer mon alimentation et mon hydratation comme il faut. Aussi, je veux faire un minimum de « hike a bike ». En 2013, j’étais « bonké » raid, j’avais marché des montées en asphalte. Mais aujourd’hui, non, je vais toutes les faire sur mon vélo!

Après la première grosse montée d’une trail « genre 4 roues » et 1 heure de vélo, je me retrouve avec l’américain, celui qui a terminé 3e hier. Je m’encourage et je me dis que peut-être que je suis 3e ou 2e présentement. Alors je roule avec lui, quelques open solo, deux couples de master et une fille. Pendant 2 heures, nous roulons plus ou moins ensemble. La fille, un open et un couple de master me clanchent en montant et quand on redescend je les rattrape avec l’américain. Ouain, le gringo a l’air de clancher en malade en descendant, plus que moi. Je sais que La Culebra est malade, il va probablement aller plus vite moi dans cette descente. Je pogne mon rythme et avec la fille dans ma roue nous distançons l’américain. Dans la 3e heure, je manque une flèche rose dans une montée. Malédiction! Pourtant, il y a des traces de pneu dans le sable! Pendant que je descends à toute allure, je rencontre la fille, un open et un couple de master qui reviennent sur leur pas. Ostie, on s’est trompé de chemin! Je retourne de bord avec eux et nous remontons la belle descente et prenons la fourche. L’américain est devant moi maintenant! Tranquilement pas vite, je rattrape les opens solos, l’autre couple de master et l’américain. Je roule avec la fille un bon boutte. Elle doit peser 100 livres avec son vélo et puis elle est très habile techniquement. Finalement, je ferai la 4e heure seul, dont la montée d’asphalte de 6 km qui nous amène vers le début de La Culebra. J’ai bien géré, je reste sur le vélo et voilà l’orgasme. Wow! Belle descente dans un single track à flanc de montagne, qui nous transporte 600m plus bas en passant dans des forêts de pins, des broussailles, des champs de culture en terrasses et dans un village pittoresque aux centaines de marches irrégulières. Attention aux paysans chargés de bois, aux enfants, aux chiens et aux virages abrupts. J’ai tellement mal aux mains que je dois lâcher les freins quelques secondes pour atténuer la tension. Pas trop longtemps parce que ça va trop vite! Vraiment trippant cette descente de près de 30 minutes. Finalement, je termine seul, 4e dans ma catégorie à plus de 30 minutes d’un podium. L’américain terminera 5e, 10 minutes derrière moi.

Vidéo de la descente 2015 La Culebra

1ère montée de la 2ème étape

Quelque part pendant la 2ème étape

Troisième étape

La troisième étape sépare les hommes des enfants dès les premiers coups de pédales par une montée de fou sur 6 km. J’ai l’objectif de la faire sur le vélo. Pour joindre le départ, nous prenons un traversier pendant 45 minutes sur le lac Atitlan depuis Panajachel jusqu’à Santa Cruz de la Laguna. Depuis la place centrale de ce village, le départ se donne et seuls quelques malades pesant moins de 140 livres feront la montée sur le vélo au complet. Je dois me résigner à débarquer du vélo et de marcher un boutte, trop malade! Fort % avec des roches lousses. Sauf que je réussis à pogner un genre de rythme dès que la montée devient en pavé de ciment. La pente est abrupte encore mais on peut se lever debout de temps en temps pour changer le mal de place. Avec un jeune américain open solo, je grimpe cette foutoue montée et nous nous mettons à rouler ensemble. Jusqu’à ce que nous rattrapions l’américain et le guatémaltèque qui a gagné l’étape de hier. Wow! Il ne faut pas que je m’excite trop. Il reste encore 4 heures de vélo le gros. Je décide de garder mon rythme tout en mangeant et en buvant régulièrement. Alors pendant deux heures, nous roulerons ensemble avec une paire de masters. Le jeune américain n’a pas suivi notre rythme. Un moment donné, l’américain et moi sommes en avant et nous nous arrêtons au ravitaillement, le guatémaltèque lui n’arrête pas. Il a son « Support team » qui le suit avec un pickup au couleur de l’équipe avec des roues pis des vélos de rechange. Son « Support team » le nourrit et l’alimente dans le parcours. Hum, pas sûr que c’est légal! Néanmoins, on le rattrape. Au deuxième ravito, même chose. J’arrête pour remplir mes bouteilles et manger un melon d’eau. Alors que j’attends mon melon, le gars du ravito me laisse en plan pour courir et aller donner « mon » melon au Guatémaltèque en courant. Celui-ci n’arrête pas et moi je suis fru en ostie. Son Support team est infiltré dans les bénévoles du raid! Je le rattrape. Nous ne sommes plus que deux, l’américain a lâché le rythme de montée à 2400m d’altitude. La paire de masters est plus rapide et grimpe solidement. Je suis seul avec le Guatémaltèque, on lâche la route de gravelle et on commence le single track qui nous mènera jusqu’au 3e ravito. Il faut débarquer du vélo pour faire une section de sentier « hike a bike » que même les machines à 140 livres marchent car c’est des roches genre escalier sur 300 mètres. Eh ben le Guatémaltèque se met à courir à coté de son vélo! Vas-y malade! Malade? Ouain, il ne faut quand même pas que je le laisse partir. Mais là, oups! Plus d’énergie! La montée des roches genre escalier se monte comme si j’avais un sac à dos de roche. Chaque pas est difficile et puis ma 29er est devenue plus difficile à manipuler. Le mal de montagne! Nous sommes à 2600m pis le moteur québécois a atteint sa limite. Ça n’avance plus, petit mal de tête et nausée. Pourtant, j’ai bien mangé, j’ai bu beaucoup d’eau et du E-Load. J’essaie de manger une barre de céréale mais ma première bouchée prend 10 minutes à avaler. J’ai la gueule pleine de céréale compacté entre mes lèvres et mes dents. Enfin, j’arrive au sommet du raid à 3300m d’altitude, dont plusieurs des dernières sections sont faites en marchant. Pourtant, ces petites bosses semblent si faciles mais mon corps ne veut pas. Juste pas capable!

Maintenant que je suis au bout du monde, j’entre dans la fameuse descente vers Quetzaltenango. C’est dans cette descente que je me suis planté solide et qui avait mis fin au plaisir en 2013. Je serai seul dans cette descente épique. Seul le mal des mains à freiner tellement fort tout le temps est désagréable mais tout le reste est génial. 30 minutes de descente technique dans des singles tracks parfois rocailleuses parfois sablonneuses . Alors que j’entame le dernier 5 km sur l’asphalte jusqu’au centre ville, la paire de masters en 3e position roule en malade et me rattrape. Avec mes deux nouveaux comparses, nous rallions la place centrale de Quetzaltenango en zigzagant à travers le traffic et en empruntant les trottoirs quand la congestion est trop dense. Je suis exténué mais content de ma performance. Je termine 4e de cette étape à seulement 5 minutes du 3e, un Costaricain. Le Guatémaltèque terminera 2e à plus de 20 minutes de moi. Beat la machine suisse termine 30 minutes devant moi. L’américain finira quelques 7 minutes après moi. Je compte bien me reprendre demain. Si je peux faire le premier 1000m d’ascension comme j’ai grimpé la première partie de l’étape d’aujourd’hui, pour ensuite me laisser aller sur une descente de 45km donnant 2900m de vertical technique, je vais l’avoir mon podium.

Santa Cruz la Laguna, Lago de Atitlan, départ 3ème étape

Départ de la 3ème étape, place centrale Santa Cruz la Laguna

Quatrième étape

Départ de la 4e et dernière étape. Je pense que j’ai bien récupéré. J’ai mangé et bu toute l’après-midi et en début de soirée hier. Sauf que la nuit a été horrible, mon colocataire de chambre « Ivo » n’arrivait pas à dormir, en fait c’était un peu comme à tous les soirs mais là y dérangeait pas à peu près. Vers les minuits, il allume carrément la lumière et appelle la réception. « Y fait trop chaud, avez-vous un ventilateur? » « T’as juste à enlever ton pyjama Ost.! »

Sur la place centrale de Quetzaltenango, je me sens bien sur mon vélo malgré la courte nuit. J’ai une nouvelle stratégie pour les ravitaillements : je n’arrête pas! Un camel back de 2 litres d’eau, une bouteille de E_load et des gels feront l’affaire pour une course de 3 heures. Bang! Doigt d’honneur à la Support team!

Le faux départ est donné et on avance tranquillement derrière la moto jusqu’au vrai départ. Dernière chance et déterminé de faire un podium, je spot les masters solo dans le peloton et c’est le départ dans la première montée. Merdouille! Pas d’énergie, je n’avance pas pantoute. Pourtant, je croyais bien m’être bien « refuellé »! Alors que je suis le 7e master à la fin de la deuxième montée et 1 heure de vélo, je me résigne. Je décide d’apprécier le moment présent et de profiter de cette descente vers le niveau de la mer. Après 20 minutes de descente dans du single track et du fire road, je suis 5e. Je vois du monde devant et je me concentre car la descente sur les pavés est très abrupte et on traverse des villages et des troupeaux de vaches. Ensuite, dans le lousse rock je rattrape le couple de masters en 3e position et à la fin du lousse rock, juste avant de prendre l’asphalte, je rattrape le couple de master en 2e position. Je me sens mieux maintenant, nous sommes sous les 1750m d’altitude. Je reprends possession de mes moyens. Sur l’asphalte, je descends la route comme un cinglé, à 75 km/h. Oups! Il y a une file de voiture formée derrière un gros camion qui descend sur le frein moteur. Je ne vois pas à gauche car on tourne sur la droite. Pas question de perdre la vitesse, je double sur la gauche cette file de voiture. Un autre gros camion arrive en sens inverse. Merde! À la guatémaltèque, je garde ma position au centre de la route et les deux gros camions se tassent légèrement pour me laisser passer entre eux. Wow! Rush d’adrénaline. Malaaaaade!

Les deux masters en 2e position arrivent derrière moi en se relayant pour profiter de la draft d’air. Je terminerai cette portion asphaltée avec eux mais après l’entrée dans le fire road, je ne les reverrai seulement qu’au bar à la fin de course. La descente du fire road est trippante, je passe d’une track de roue à l’autre selon les obstacles et les pierres. Je vois le master solo costaricain devant moi, je suis 4e maintenant! 5 minutes après, toujours en sautant d’une track à l’autre, voilà le master guatémaltèque. Là je suis excité au max, me voilà 3e. Il doit rester 1 heure de vélo dans du pas trop technique. Une descente sur des pavés (un peu comme dans le vieux Québec mais avec des roches rustiques) sur près de 30-40 minutes qui se pilote plus que d’autre chose. Sauf, il y a des embranchements et faudrait surtout pas que je manque une flèche rose! Wrappppp! Ouvert au fond, à la limite du freinage, le relâchement des brakes pour détendre les mains et un petit coup d’oil derrière pour voir si le guatémaltèque n’est pas loin. Je me fais rattraper par le couple de master qui était 3e. Avec eux, je fais toute la portion « single track technique » jusqu’à ce qu’on arrive à une passerelle de 300m de long que l’on traverser en marchant à coté du vélo. Il manque des planches à certains endroits. Juste comme j’embarque sur la passerelle, je vois Beat, le master Suisse, à l’autre bout de la passerelle. Nos regards se croisent! Des fois qu’il serait en défaillance? Avec la paire de masters, l’effet de draft, je peux le rattraper dans la dernière portion en asphalte? Je pourrais finir 2e ! Dès que Beat lâche mon regard déterminé, il repart à la course dans les escaliers qui nous sortent du gouffre. Malgré tous mes efforts à naviguer à travers les voitures, les dos d’ânes à une vitesse que les 1X11 ne pédalent plus, Beat finira 30 sec devant moi. Je ne suis qu’à 4 minutes du premier. Je suis ému. Je fais le podium aujourd’hui. Cette 4e étape que j’avais manqué il y a 2 ans est un super parcours de raid de vélo de montagne : variés, technique, roulant et exotique. Ça restera une de mes courses épiques forte en émotion pour toujours, ma top 5!