Camp d’entraînement printanier : Pourquoi aller dans le sud ?

Le voyage dans le sud ou dans l’ouest américain fait partie de la routine annuelle de nombreux compétiteurs et cyclistes sérieux. C’est l’occasion d’accumuler les kilomètres, de se refaire une base, de remonter le niveau de forme juste avant que nos routes soient à nouveau carrossables en vélo et que la saison puisse commencer. « Où est-ce qu’on va en camp d’entraînement cette année ? Majorque ? Tucson ? Virginie ? » Pour les montagneux, c’est « Moab ? Sedona ? Brevard ? » etc.

Pfff ! Ça fait tellement années 2000. Depuis l’avènement du fat bike, le besoin du voyage dans le sud ne tient plus. En roulant dehors tout l’hiver, on perd pas mal moins la forme. Et si besoin est de faire un bolus d’entraînement, il y a moyen de le faire sur neige. Si vous pouvez faire coïncider cette grosse semaine d’entraînement avec la période des « jours de croûte », c’est le bonheur total.

C’est ce qui s’est passé à Baie-Saint-Paul la semaine dernière. Je vous raconte :

Vendredi. Ma blonde entreprend une semaine de remplacement à l’hôpital de BSP et je l’accompagne. On arrive vendredi soir. Il pleut, il vente à écorner les boeufs, on sait qu’on a deux « jours sans » devant nous, parce qu’il fait trop doux et qu’il a trop plus les jours précédents. Mais on sait que ça augure bien pour la suite…

Donc, raquette samedi et dimanche, tout en restant en dedans de 30 minutes de l’hôpital, au cas où Isabelle serait appelée. Le sentier national traverse la ville, c’est donc facile d’accès. On longe ou on marche directement sur la rivière Malbaie gelée, on monte dans les hauteurs pour ouvrir les horizons sur les belles montagnes enneigées de Charlevoix.

Lundi matin, Isabelle se rend au travail, je suis sur mon vélo à 8 heures. Il a fait moins 12 cette nuit… il fait autour de zéro présentement… ça sent bon… Le golf de Baie-Saint-Paul est au bout de notre rue, je sens l’excitation monter en approchant. Un petit manual pour grimper sur le banc de neige et miracle ! La surface blanche porte sans broncher, l’immensité du club de golf est à moi, c’est JOUR DE CROÛTE !!!

Je monte jusqu’au chemin de l’équerre en empruntant le sentier fédéré de motoneige. Hon ! Don’t try this at home ! Les sentiers fédérés, c’est dangereux et les vélos n’ont pas d’affaire là. Mais calmons-nous, on est lundi matin, et je ne fais que quelques centaines de mètres.

Me voilà bientôt dans les champs au dessus de la ville, à grimper en traçant moi-même mes lacets à même l’océan de neige vierge, dure comme du ciment. C’est à peine si mes pneus laissent leur trace sur la surface légèrement texturée. Je m’amuse à faire du slalom entre les piquets de clôture, entre les arbustes dans les sous-bois. Je me promène d’une ligne d’hydro à l’autre, jusqu’au delà de la côte du Pérou.

Les seuls êtres vivants que je croise, c’est des attelages de chiens de traîneaux.

De retour à midi pas mal fatigué.

Mardi matin, la cédule opératoire a été cancellée, Isabelle peut donc m’accompagner, YÉ ! Je l’emmène sur mes traces d’hier, tout en prenant soin de ne pas trop s’éloigner. Il vente moins fort qu’hier et le soleil est plus chaud, mais les conditions sont aussi dures.

Mercredi, retour au travail pour Zab, une grosse journée m’attend. J’ai contacté Pierre Bouchard, qui habite ici, et il s’est offert pour me guider dans ses sentiers préférés. La météo est toujours sous zéro la nuit et pas plus que 5 le jour, conditions parfaites encore. Pierre m’a concocté une « triple Charlevoisienne hivernale avec zones de turbulence Fat Fun ».

Pierre c’est un poète. C’est un philosophe. C’est un constructeur de sentiers, un organisateur d’événements pour les Grands Rendez-Vous Cyclistes de Charlevoix. C’est surtout un nomade à vélo, qui a passé la majeure partie de sa vie en voyage sur deux roues, en compagnie de sa douce Janick Lemieux. 200 000 km dans 60 pays. Entrecoupés de périodes de « dé-nomadisation » comme cet hiver. Pierre est un amoureux de son pays de mer et de montagnes, qu’il connaît à fond et qu’il me fait découvrir aujourd’hui. Janick n’est pas une fervente adepte de fat bike, elle a donc accepté de bon cœur la tâche de « shuttle b*tch », comme on dit dans l’ouest, qui consiste à conduire le véhicule pour épargner la montée aux amis cyclistes paresseux dans notre genre.

Premier départ : quelque part sur la route 138, à l’ouest du centre de ski le Massif. Une pelle mécanique est arrivée juste avant nous et avance dans le sentier, le détruisant à mesure. Nous sprintons pour la rattraper car elle avance à notre vitesse et ne semble pas vouloir arrêter. Situation pour le moins cocasse. L’opérateur finit par nous voir et nous laisser passer. On apprend qu’elle va faire des prélèvements dans un pit de sable plus loin.

Contents de retrouver le sentier de motoneige durci, nous montons et descendons dans une forêt d’épinettes, qui offre quelques percées visuelles sur le Mont-Sainte-Anne. Ici, en altitude, la surface est sèche et poudreuse, pas du tout transformée par le soleil. La traction est limite, il faut même pousser les vélos dodus dans les secteurs trop pentus. On passe un col et la descente vers le fleuve s’amorce, sur une piste large et ultra-rapide, qui durcit à mesure que nous perdons de l’altitude.

C’est malade. La vue est grandiose, nous filons à vitesse folle sur le sentier qui fait de grands lacets.

Notre folle descente se termine au bord du fleuve, à Saut-au-Cochon.

Saut-au-Cochon, c’est genre trois maisons sur le bord de la track. Quelques chevreuils qui se soucient à peine de nous. Un peu plus loin, une patte de chevreuil laissée par les loups au milieu de la track. Des cascades de glace bleue qui tapissent les falaises à nos côtés.

Plusieurs (trop de) kilomètres sur la track qui a été déblayée cet hiver pour amener le nouveau train déficitaire à Baie-Saint-Paul. C’est dommage, au lieu d’une belle piste durcie, on doit rouler sur les ties et ça brasse en titi. Bon test pour les pneus Terrene Johnny 5, qui résistent aux méchantes roches coupantes. Mal au bras gauche, mal au genou gauche.

Arrivée enfin à Petite-Rivière-Saint-François et à l’érablière La Petite Poule d’Eau, propriété de Maurice et Alice, parents de Pierre, qui sont pas mal occupés ces temps-ci. Après avoir dégusté quelques douzaines d’excellents cornets de tire, Janick nous remonte jusqu’au « Fief », au coin de la 138.

Et c’est parti pour la « spéciale #2 », qui après avoir traversé un haut plateau, va nous amener directement à Petite Rivière. Le plateau, c’est le pays des orignaux. On en voit un devant, qui embarque dans notre sentier. S’ensuivent plusieurs kilomètres de faux-plat descendant où il faut éviter les gros trous de pattes et les gros tas de crottes à tous les 10 mètres. Crottes qui datent d’après la dernière bordée de neige ici la fin de semaine dernière. C’est donc dire que ce sentier est devenu l’habitat des orignaux du coin, car il y a trop épais de neige pour eux aux alentours.

Le sentier étroit durcit progressivement. La pente s’accentue. On a droit à une autre folle descente, suivie d’une traverse avec quelques remontées et un flow extraordinaire. On est dans le parcours du Fat Rendez-Vous du Massif de l’hiver dernier. WOOOOOO ! Quel plaisir !

De retour à la cabane et à notre shuttle pour une dernière spéciale, cette fois à partir de l’antenne en haut de la côte du Quêteux, qui surplombe Baie Saint-Paul. Montée limite encore une fois dans la neige mal compactée, puis descente technique dans un sentier de raquette juste assez tapé. Fait longtemps que j’ai pas fatté dans un sentier de raquette aussi étroit et tortueux. Ça rappelle les débuts il y a cinq ans, quand il n’y avait pas de destinations officielles. Y’en a plus de 90 maintenant au Québec, c’est dire comment ça a grossi en si peu de temps. Les guidons ont élargi depuis, oubedon les arbres se sont rapprochés, en tout cas j’ai de la misère à suivre Pierre, qui se faufile comme un chevreuil. C’est magnifique. On vire dans un sentier de motoneige et la descente se poursuit, à très haute vitesse, cette fois, dans un sentier tracé pour ça. Malade.

De retour sur l’asphalte, je prends congé de Pierre qui retourne chez lui pas loin. Je suis à 5 minutes de la maison et ça fait mon affaire car j’ai épuisé les jujubes et les cornets de tire.

Jeudi. Départ dès 8 heures pour un itinéraire suggéré par Pierre. Je monte la grand côte après le viaduc sous la 138, tsé, proche de la polyvalente. Ceux qui ont fait les courses à BSP il y a quelques décennies se souviennent de cette immense côte qu’il fallait monter dès le départ pour aller dans le parcours sur le plateau. Je peux pas croire qu’on faisait monter une côte aussi pentue à nos compétiteurs. C’est de la peau, même en fatbike avec conditions parfaites comme ce matin.

J’aboutis sur un immense plateau dégagé, dans les mêmes champs où on faisait une boucle dans notre parcours de course, pis qu’on allait passer drette à travers une grange. J’ai retrouvé une grange, fort jolie, mais me semble qu’elle est pas aussi grande que celle dans mes souvenirs.

Anyway, c’est tellement beau ici, j’en profite pour arpenter champs et sous-bois.

J’aboutis sur le rang Saint-Antoine, qui traverse la 138. Je cherche la suite de ma piste de motoneige, mais me retrouve malgré moi en haut de la côte du quêteux, celle qu’on a pris hier. Je décide donc de faire comme hier, mais en explorant les fourches qui se présentent.

Je découvre plein de sentiers menant à des caches de chasse ou à des camps. Celui de Raymond offre la meilleure vue.

De retour à la maison. Encore une journée de 4h. Total (approximatif, rappelez-vous que ne traine aucun instrument de mesure sinon une montre) de 20h d’entraînement en 6 jours. Ce fut une bien belle semaine, pis ça a rien coûté.

Chus dû pour un petit power nap.

PS: Pour ceux que ça intéresse, Pierre et Janick sont en tournée de conférences sur leur dernier voyage, d’autres dates s’ajouteront pour l’automne, surveillez-ça, c’est à ne pas manquer!!!