Les Kingdom Trails et nous

La réputation des Kingdom Trails, à East Burke, Vermont, n’est plus à faire. Vélomag en parlera prochainement, il en est grand temps. Si vous n’y avez pas encore goûté, ne vous privez pas, c’est le paradis sur terre.

Tout comme Pierre Gendron, qui en revient, je ne pouvais m’empêcher en roulant là-bas, de penser « pourquoi on pourrait pas avoir ça chez nous? Gosser des trails, c’est pas sorcier, ce qui manque c’est un endroit où on serait les bienvenus, comme ici ». Les sentiers à East Burke s’avèrent très rentables pour le village. On y trouve plus de monde certaines fins de semaines de l’été qu’au meilleur de la saison de ski. Et beaucoup de québécois. Ça parle plus français qu’anglais dans les sentiers.

Pierre a rédigé le texte qui suit, qui fait le lien entre la réalité de Burke et le rêve de Québec.


Les Kingdom Trails (et nous)

Depuis deux ans qu’on me cassait les oreilles avec cet endroit, ce sanctuaire du vélo de montagne situé dans le Northeast Kingdom au Vermont : les Kingdom Trails de East Burke.

Donc un couple d’amis et ma conjointe avons décidé d’aller y faire notre préparation pour le Raid Jean Davignon qui avait lieu à moins de 100km plus au nord.

Arriver à East Burke est un peu décevant: il n’y a pas trop de maisons, et seulement 4 commerces. Pas de fast food, ni de motels à néon et Wall Mart n’y a pas encore son comptoir de produits chinois . La civilisation tarde à s’y installer. C’est intimidant; Burke force l’échange verbal avec le «local»

On y trouve seulement une épicerie-station d’essence qui vend, entre autres, toutes les bières locales et qui reprend les bouteilles vides. À côté, un beau magasin de vélos très bien garni, ensuite suit un resto (que je n’ai pas visité) mais dont on dit du chef qu’il est de New York.

En face il y a à même le grand bâtiment, une fabrique de pizza-épicerie grano-cave à vin, un magasin de vieilleries du Vermont (certaines sont vendues comme antiquités et, à ma grande surprise , ont fait partie de mon enfance!) et au deuxième étage, les toilettes, une salle où on peut mettre ses habits de cyclistes et le bureau d’information et d’inscription au réseau Kingdom Trails (réseau de vélo et de ski de fond). Il y a derrière ce bâtiment une belle garderie pleine de beaux enfants dont la blondeur m’a étonné.

Au bureau d’inscription, pour 7$ ,on y reçoit une passe quotidienne (65$ pour une passe annuelle 4 saisons)  (oui il est possible de faire du vélo une semaine sans jamais payer, mais ce n’est pas très « fair play ») et une belle carte très détaillée. On y reçoit aussi des conseils, et même un casque si nécessaire (quelqu’un du groupe avait oublié son casque au camping et le préposé nous en a courtoisement prêté un très bon, pas le modèle qu’on offre avec les vélos loués et qui vous font paraître comme une annonce de Schwinn dans le catalogue de Canadian Tire)

Je ne vous parlerai pas des pistes, le forum du site vous en a donné l’eau à la bouche et vous avez des amis qui vous en ont parlé ad nauseam

C’est vrai que c’est le paradis ….tout comme pourrait l’être notre région. Car voyez-vous, à part la piste qui serpente à l’infini sur des aiguilles de pin dans un champ de grands arbres (pins rouges je crois) j’ai retrouvé dans ces endroits plein de petits bouts de chez nous.

Le succès du réseau Kingdom Trails c’est que les proprios de terrains le veulent. J’ai discuté avec un responsable de ce réseau de pistes et il m’a dit que des proprios de terrains attendaient sur une liste pour en faire partie et ainsi contribuer à l’essor de la région. La preuve : sur le camping où nous étions (autour de 25 emplacements) nous étions le seul groupe du Québec. Les autres venaient un peu de l’Ontario , beaucoup de New York et du New Jersey (7 heures d’auto).

Voilà une partie du secret : un implication de la «communauté» et des propriétaires de terres qui savent que le vélo de montagne est pratiqué par des gens normaux qui ne jonchent pas les pistes de canettes de bière , d’enveloppes de Power Gel ou barres tendres (nous en avons vu une –que nous avons ramassée— dans nos trois jours de présence dans ce réseau).

Dans la petite piste Millie’s way (qui ,en fait, est composée de l’entrée de cours, de la belle descente gazonnée vers cette cours, de cette cours fraîchement tondue et d’un petit pont qui nous amène à une autre piste) la propriétaire, nous voyant arriver un peu incrédule en haut de chez elle et nous voyant consulter notre carte, nous a gentiment fait signe que c’était le bon chemin et nous a retenu son magnifique caniche royal pour que nous n’ayons pas peur.

Plus loin (au bout de la White School) nous sommes passés dans le stationnement d’une auberge à plus de 100US $ la nuit , à l’heure du brunch et les gens nous faisaient des signes …amicaux. de la main.

La gentillesse des résidents impose ce respect des lieux…qui sont les leurs. C’est d’ailleurs un peu la marque de commerce du Vermont.

Autre chose aussi. J’ai remarqué que les pistes étaient construites , en terrain accidenté, selon un motif astucieux , c’est à dire le tracé selon les courbes de niveau.

Cette méthode qui consiste à prendre une carte, y situer les courbes de niveau et y tailler des pistes qui les suivent, a l’avantage d’augmenter la longueur de ces pistes pour un petit espace disponible de terrain , de rendre les descentes passionnantes et sécuritaires donc accessibles à un plus grand nombre (pas trop à pic mais pleines de virages—ces pistes, sauf pour de grands experts, forcent à maintenir une vitesse assez basse, ce qui diminue l’usage des freins et de l’érosion mécanique due à un freinage trop poussé—d’ailleurs dans la documentation publicisant ces lieux on demande aux cyclistes de favoriser l’usage de pneus peu cramponnés–Tread Lightly and Respect Each Other)

Et cette méthode de construction garantit aussi au propriétaire du terrain une très faible érosion durant les pluies (le sentier étant perpendiculaire à la pente); on le sait l’eau ayant tendance à suivre des sentiers qui descendent en droite ligne et créer des «canyons» d’érosion (comme pour certaines pistes au Relais et au MSA).

De plus ce réseau n’est jamais loin du centre-ville. Les citadins, les urbains utilisateurs ont juste assez de dépaysement pour s’exciter et ne sont jamais trop loin pour craindre de se perdre.

Après avoir vu la morphologie des terrains, la végétation , je constate que nous avons ici un réseau Kingdom Trails potentiel. Il ne nous reste:

  • Qu’à prendre des habitudes de propreté sur les pistes et ainsi créer une image rassurante;
  • Qu’à convaincre les propriétaires de terres et terrains que nous ne les actionnerons pas jusqu’à la Cours Suprême si nous nous  faisons une égratignure dans les limites de leur cadastre
  • Qu’adopter des façons «écologiques» de piloter (d’ailleurs favorisées par l’arrivée massive de freins à disque)
  • Qu’à participer à la construction de pistes via des périodes de bénévolat que les clubs de la région (parents et enfants) doivent mettre à leur agenda.

La première étape dans cette «longue marche» vers notre propre réseau pourrait être le Mont Bélair.