Corinne Bottollier, Française d’origine et Canadienne d’adoption, refait surface! On l’avait vue dans les journaux l’hiver dernier alors qu’elle avait amené une équipe de françaises participer à la course en canot, mais elle nous manque dans les raids où sa bonne humeur était contagieuse. Elle a vécu 7 ans à Québec, participant à 5 raids Pierre Harvey, 4 raids TransGaspésien et quelques courses régionales et provinciales. Depuis 2003, elle est rentrée en France et en plus de revenir dans son second pays l’hiver (pour la course en canot), elle garde le contact avec nous via le groupe de discussion.
Elle nous envoie un résumé du Grand Raid Cristalp effectué cet été, où elle a pu cotoyer Jurgen Van Den Driessche, et sa conjointe Marie Hélène Tremblay. Elle aurait aussi pu cotoyer Pascal Normandin, qui était sur place pour faire la course mais n’a pu la faire suite à une rencontre imprévue et douloureuse avec une portière de voiture, de quoi vous rendre vraiment Fullfru.
Voici donc le résumé de cette course épique.
Grand Raid CristAlp – 21 Août 2005
Moi aussi, je l’ai fait le fameux Raid…, celui de Hérémence à Grimentz, le « petit » de 76km avec 3000 m de dénivelée positive. Mais comme mentionné dans une des interventions précédentes, la course a du être neutralisée (et non annulée) au bout de 7h00 pour raison de sécurité. C’était ça ou bien courir à la perte de 3000 coureurs à travers la montagne, la neige, le vent et le froid. Imaginez vous les conséquences ? Avez vous idée de ce que c’est que de faire du vélo en haute montagne et d’encadrer 4000 coureurs de 27 pays dans des conditions pareilles? Le raid de 130 km est la course de VTT d’un jour la plus dur au monde, et qui demande donc d’énormes moyens d’organisation.
Je ne pense pas une seule seconde que l’organisation ait perdu le contrôle de la situation, bien au contraire, elle a su prendre les bonnes décisions au bon moment. Si les organisateurs avaient laissé passer le monde, il n’y aurait pas de course pensable pour 2006 tellement les procès pour manque de sécurité seraient nombreux, cela aurait été de l’inconscience pure ! Et puis le Grand Raid Crystal, c’est une organisation Suisse…… donc par défaut « irréprochable ».
Malheureusement pour 1/4 des coureurs du petit parcours et pour les 3/4 des coureurs du grand parcours, l’atteinte au sommet (à 2800m d’altitude) a été fermé. Les gars comme Jurgen, pourtant habituellement classé parmi les meilleurs n’ont pas pu passer, et je comprend aisément leur frustration car c’était bien sûr l’ENDROIT ou il fallait être, l’ENDROIT qu’il fallait vivre. Marie Hélène Tremblay de Québec pourra vous le dire, car comme moi, elle a passé le « Pas de Lona »et je suis sûre qu’elle en gardera un souvenir mémorable.
Pour ma part, j’ai adoré ma course et je suis passée 1h30-2h00 avant qu’elle soit neutralisée. J’ai donc pu la terminer et j’y ai pris un plaisir fou ! C’était un défi terrible mais terriblement grandiose ! Même après les 5 raids Pierre-Harvey et les 4 raids Trans-Gaspésiens que j’ai pourtant adoré faire entre 1998 et 2003, le Grand Raid CristAlp restera Ma référence car MEMORABLE, une COURSE de vélo comme je n’en avais encore jamais vécue !
Partis à 6h15 du matin dans le village de Hérémence à 1200 m d’altitude, nous avons passé un premier col à 2200 m à travers les alpages Suisse. Une grande descente technique jusqu’à un village appelé Evolène perché dans la montagne à 1300m d’altitude où tout les villageois étaient sortis pour nous encourager. Puis de nouveau, une montée jusqu’à 1800 m d’abord à travers champ, puis à travers la forêt suivi par une descente vers le village de Eison à 1600m, magnifique petit village Suisse où tous les petits chalets en bois tiennent miraculeusement sur pilotis à flanc de montagne. Tout le long, un paysage à vous couper le souffle, la neige fraîche au sommet des montagnes, des alpages à pertes de vues, le barrage de Moiri au dessus de nos têtes prêt à lâcher son trop plein d’eau à tout moment, des gens qui marche le long du chemin et qui vous encouragent tous le long dans plein de langues différentes (italien, allemand, suisse allemand, flamand, français). Mais la montée vers le sommet n’est pas terminée, nous atteignons de nouveau un autre col au lieu dit « la Veille » à environ 2200m d’altitude et là, le brouillard nous rejoint, le froid fait son apparition. Dernier ravitaillement avant la fin. Je décide de m’arrêter, j’enfile mes chaussettes de laine made in « grand maman », j’englouti un morceau de fromage suisse avec du chocolat suisse lui aussi, beau mélange ! je fais fondre le tout avec un bouillon chaud. Je rempli mon camel-back de thé et tout de suite, je me sens mieux.
La foule est de plus en plus présente car j’entend un brouaha immense qui vient de loin. Je lève les yeux et là je vois le fameux « Pas de Lona » à 2800 m d’altitude, un chemin en zigzag à travers la montagne et la neige où une foule se presse tout le long et des petits bonhommes agglutinés au sommet semblent avaler les coureurs un à un avant qu’ils ne basculent vers leur dernière épreuve, la descente vers l’arrivée. Magique ! je sens que l’esprit qui règne en haut de cette montagne va me porter et je sens que je vais vivre un moment inoubliable ! Pari presque gagné, j’embarque le vélo sur le dos comme on me l’a appris lors de mon dernier tour du Mont Blanc et je commence ma lente ascension dans la neige au pas du montagnard dixit mon papa montagnard « pure laine ». Et ça marche ! Je découvre peu à peu un chemin parallèle à celui emprunté par les autres coureurs qui poussent leur vélo et mettent les deux pieds dans la « bouette ». Mon chemin à moi est fait de neige et de pierres, beaucoup plus stable, plus praticable, moins encombré, plus efficace et donc plus rapide. J’encourage les gars qui s’arrêtent et je sens qu’ils repartent dans mon sillage, tant mieux. Enfin, arrivée à 50 m du sommet, je sens des mains qui me poussent, des cris qui m’encouragent, des visages qui me sourient et qui n’en reviennent pas de voir une nana aussi dégueulasse mais aussi rayonnante car j’en suis sure, mes yeux rayonnent de bonheur. Je hurle de joie « j’vais l’avoir ! » et plus je hurle, plus on m’encourage. Un peu la même sensation qu’en canot à glace lorsque tu rentres dans le Bassin Louise… Le feeling sur cette montagne est dément!
Je suis montée à 2800m d’altitude dans 10 cm de neige en plein mois d’août habillée comme en hiver, incroyable ! Mais il faut déjà penser à la descente et il me faut une fraction de secondes pour sortir de mon « état ». Je reprends mes esprits et m’arrête pour m’habiller. Il fait froid, le givre tombe, le brouillard nous entoure. Un « gentleman » me prête mains fortes et me porte mon camel-back pendant que j’enfile mes jambières, un coupe vent et mes gants longs. Ils me dit de m’habiller le plus possible, et pour une fois, j’écoute quelqu’un mais pas encore assez. Mes sur chaussures sont au fond du sac et par négligence, je ne les sors pas, je le regretterais un peu… bref, encore un petit effort de descente et de montée vers le « Basset de Lona » et j’entame ma dernière descente, la plus longue, la plus débile, la plus fun que j’ai jamais descendue. 2 hélicoptères tournent au dessus de nous pour la sécurité, ils resteront 10 minutes juste au dessus de nos têtes pour guetter l’arrivée des premiers gars du Grand Raid, le 130 km. Les vrais machines de guerre qui vont me doubler à toute allure comme s’ils revenaient d’une balade de 10km… Une descente dans la boue, la neige, le froid, sous la pluie et le brouillard qui est de plus en plus épais, ahurissant ! Quelques minutes plus tard, je survole le lac de « Moiri », un superbe lac « bleu roi » qui malgré le brouillard rayonne de sa couleur, et vous transperce le cœur. Un lac qui me souri comme pour me récompenser de l’exploit que je viens de vivre, un lac que je n’oublierais jamais. J’ai l’impression de plonger dedans et je sens que je vais chanceler si je le regarde encore … Je me concentre sur le reste de ma descente qui devient de plus en plus technique à travers les racines, les pierres, la boue, les petits ruisseaux et la pluie qui ne cesse de tomber… j’arrive derrière Marie Hélène et de suite je remarque son aisance dans le technique. Un vrai parcours pour vététistes québécois ! Je l’a reconnais alors et au moment où elle me laisse passer je lui cris « go Marie Hélène, c’est presque fini ! ». Plus je me rapproche de l’arrivée et plus je suis heureuse de vivre ces instants inoubliables. Du vrai vélo de montagne comme j’adore!
A l’arrivée mon chum me félicite, il m’a suivi tout le long du parcours et est particulièrement fière de moi. Moi aussi bien sûr!
Je ne dirais jamais assez merci à celui qui m’a fait découvrir cette merveilleuse course… Bref, une course mythique à connaître absolument. Cette course est d’ailleurs considérée en Suisse comme une des Course les plus dures au monde, avis aux amateurs!
Un exploit du tonnerre et je peux vous le dire chers z’amis que j’aimerais vraiment y voir un bus entier de Québécois l’an prochain. Je souhaite de tout coeur que tu seras de ceux là Fullfru et que tu pourras vivre les même sensations que celles que j’ai vécu.
En tous cas, un gros bravo à Marie Hélène et à Jurgen qui sont venus en précurseurs et qui j’espère renouvèleront leur expérience l’an prochain dans nos chères montagnes Européennes…
par Corinne Bottollier Dépois