Notre correspondant en suisse Alexandre Bédat a fait en septembre dernier la ride autour du Mont Blanc dont Corinne Bottolier nous avait parlé jadis. Vous trouverez dans son récit de précieux conseils si vous rêvez de faire un jour cette randonnée classique. On lui dit un gros merci pour cet excellent texte et toutes nos excuses pour avoir bretté trois mois avant de publier.
Tour du Mont Blanc
1er, 2 et 3 septembre 2006.
Ça y est, cette fois c’est fait, le tour du Mont Blanc en trois jours s’est enfin réalisé. Dans les rôles principaux, dix potes, dont neuf avec vélos de montagne et un avec monospace (NDLR : Monospace = Minivan).
L’idée n’est pas ici de réaliser une oeuvre littéraire mais bien de servir de base d’information sur ce parcours qui est encore assez peu fréquenté par les adeptes de notre sport. Principalement en raison du parcours lui-même, mais également en raison de la météo qui peut très facilement transformer cette rando en galère pour le moins dangereuse. Je me suis inspiré des différents parcours qui sont proposés par un tas d’organismes spécialisés dans le TMB (on va l’appeler comme ça …) pour des randonneurs à pied qui mettent en général une semaine pour faire le tour complet, accompagnés ou non par des guides ou des mulets…, c’est une option que je n’ai pas retenue.
Une assez bonne info figurait sur le site de l’Ultra Trail qui a permis à des sportifs bien plus barges que nous, d’effectuer le tout en une fois, le week-end qui a précédé notre aventure (pour info le meilleur met à peine plus de 21 heures …) et qui contrairement à nous ne s’est pas déroulé sous le soleil. En tout cas on est parti pour l’option antihoraire et je vous assure qu’elle a été payante. Encore une présentation des participants et j’y vais, promis. Il y a dans le désordre et ni par niveau de pratique ni par niveau de mécanique, les intéressés se reconnaîtront… : Michel, Laurent Tanguy, Régis, Lucas, François, Guy, Christophe, Didier et votre serviteur.
Jour 1. Col de la Forclaz – Refuge de Nant Borant 70 km 1900 m.
Nous sommes partis de bon matin, nous sommes partis sur les chemins, comme dans la chanson, de La Chaux-de-Fonds à 5h30 pour le Col de la Forclaz, au-dessus du village de Trient. Départ à 8h35, mon cardio faisant foi pour exactement 6h39 min de pur bonheur. On commence par se mettre en jambes en descendant le sentier du Bisse qui est désert à cette heure matinale pour profiter d’une partie très ludique avant d’aborder les premières difficultés de la journée. Premiers mètres, je prends une pierre de travers et mon « No Tube » lui, en prend pour son grade… sous les remarques acerbes (du style heureusement que ça t’arrive à toi…) de mes camarades, je finis par mettre une chambre à Trient, ne voulant pas hypothéquer mes chances de suivre les meilleurs dans la montée des Jeurs via le bassin des Esserts qui nous amènera au Col des Posettes, d’abord par une petite route asphaltée et ensuite par un chemin blanc sans réellement poser le pied plus de quelques mètres. (Bon choix, la variante par le Col de Balme se fait elle, pratiquement tout en portant la « bête ».)
Le Barrage d’Emosson est en face de nous, les Aiguilles Rouges sont superbes avec ce soleil. La frontière passée sans l’ombre d’un douanier et sans même descendre du vélo, nous arrivons aux Posettes mais aussi dans la vallée de Chamonix et c’est le premier coup d’œil sur Les Drus, La Verte et au loin le Mont-Blanc.
C’est beau à gueuler, d’autant plus qu’on aborde la descente sur un super chemin jusqu’à Charamillon (ou en passant, on croise les premiers bipèdes qui montent sur le sentier) et ensuite, direction Le Tour.
On traverse le village en direction du glacier du même nom, une petite pensée pour mes premières expériences avec la cascade de glace quelques années plus tôt avec Karin et on pique via un single très sympa directement sur Argentière.
Après un petit km de route pour traverser le village et se retrouver sur la rive droite de l’Arve, ce n’est plus du bonheur, c’est carrément le nirvana en passant par les Praz sur un sentier superbe (je sais, je l’ai déjà dit…) qui longe la rivière, jusqu’à Chamonix.
On retrouve notre Didi qui nous attend sur la place et on fait notre premier repas chaud, des pâtes et quelques steaks frites pour les moins attentifs à la diététique, on profite du paysage (les rues de Chamonix ont toujours un charme particulier avec les vrais alpinistes, les vrais faux, les faux tout court et bien entendu, les Japonais…) mais on ne s’attarde pas plus qu’au-delà du café, il reste des bornes à avaler.
Départ pour Les Houches, dès le bien connu rocher des Gaillands, plus de route, des sentiers, la vue sur le glacier des Bossons, les aiguilles de Chamonix, Charmoz, Grépon, Blaitière, Plan et bien entendu Midi. C’est beau, mais c’est loin dirait Michel… .
Arrivés aux Houches, direction le téléphérique de Bellevue, j’ai décidé de ne pas emmener tout ce petit monde sur la montée vers le Col de Voza, le chemin est difficile, pas terrible du point de vue paysage et du dénivelé, il y en aura bien assez pour les jours suivants.
Tous dans le téléphérique, de La Chalette, on pique (le mot est bien choisi…) sur le col et on y va pour une longue descente très sympa sur Le Crozat et Le Pont des Places.
On croise quelques bikers qui poussent les vélos dans la pente, rageant d’avoir à pousser sur un aussi bon chemin, et finalement on arrive au-dessus de la route qui part aux Contamines-Montjoie.
Petit faux plat sur la route (mes potes ont apprécié de me retrouver en tête sur ce type de dénivelé…) et nous voilà à Notre Dame de la Gorge avec Didier et un saucisson pas transgénique pour récupérer nos sacs afin de nous rendre au Refuge de Nant Borant.
La montée est … comment dire… difficile, on a quand même quelques kils dans les pattes, enfin on y arrive, accueil très sympa des proprios, douches chaudes, bières, et un petit Merlot qui va drôlement bien avec le repas qui est délicieux. Une très bonne adresse que nous recommandons sans hésiter (non je n’ai pas eu de tarifs spéciaux…) le coin est chouette, la vue et le calme nous vont particulièrement bien.
Demain est un autre jour…, dodo, pas de ronflements, même si certains trouvent que cela fait un peu sérieux de se coucher si tôt… ils vont peut-être le regretter par la suite…
Jour 2. Refuge de Nant Borant – Courmayeur 50 km 2810 m.
Les gars ont bien dormi, contrairement à moi, il faut dire que je suis le seul à savoir exactement ce qui nous attend. On avait bien profité le jour précédent, le dénivelé avait été tout à fait correct et le portage presque nul, ça va changer avec 3 cols et 2 très grosses séances de portage.
Depuis Nant Borant et son accueil chaleureux (s’ils me lisent et que je repasse, je veux bien une tranche de tarte aux pommes et une petite boisson à l’œil…) on monte gentiment sur nos machines jusqu’au refuge de La Balme. Là je sens bien mes camarades dans l’expectative car, si le dénivelé est connu, ce ne sont pas des « bêtes » en lecture de carte. En gros, jusqu’au tumulus du Plan des Dames, il faut porter. Ensuite, le col du Bonhomme est en vue et là, après 1h45 depuis Nant Borant, ils découvrent le sentier qui continue de monter au col de La Croix du Bonhomme, 150 mètres de dénivelé en plus mais pas un mètre pour pousser et encore moins pour rouler.
Arrivé au sommet après encore ½ heure d’effort, nous croisons notre hôte qui était parti faire un petit tour tranquillement jusqu’au col des Fours. La vue est magnifique, on plonge sur les lacs du Beaufortain, Roselend, notamment et on aperçoit au loin notre prochain objectif. Enfin la descente… deux O.T.B et quelques frayeurs plus tard, nous atteignons les chalets de Plan Varraro et nous apercevons enfin la vallée qui nous amène au refuge des Mottets.
Depuis les Chapieux, c’est de la route, mais on ne peut pas vraiment dire que ce soit plat. Arrivés à Ville des Glaciers, on prend le sentier pédestre et enfin on y arrive, soupe de légumes roborative, assiette de cornettes et Cola pour tout le monde. Avant ça on croise une petite troupe de japonais qui s’équipent pour la tempête, Gore Tex à tous les étages, en effet il tombe 2 ou 3 gouttes. Ils nous prennent en photo et on a un peu l’impression d’être des martiens à leurs yeux. On repart une heure plus tard sous le soleil mais avec en face de nous le col de Seigne. Soixante minutes pour les plus rapides, plus de 600 mètres de dénivelé pour tous, des centaines de moutons et des japonais qui ont l’impression d’être vissés sur place en nous voyant passer, nous arrivons enfin en Italie.
Des touristes anglais qui effectuent le TMB en 7 jours sont un peu surpris de nous voir là. Nous discutons dans la bonne humeur, même si un vent glacial nous oblige à attendre les retardataires avec tous les habits emportés dans le sac. C’est chouette de finir les 300 derniers mètres sur la machine et tout le monde est content d’attaquer la descente sur le vallon de la Lée Blanche avec au fond le refuge Elisabetta Soldini. On finit comme des barges sur de gros cailloux pas stables, le choix comme dans « Le salaire de la peur » est d’y aller le plus rapidement possible…, pas de crevaisons et tout le monde se retrouve pour observer les marmottes gavées aux Balistos et aux chocolats des milliers de marcheurs qui effectuent chaque été le TMB.
Après un retour dans la civilisation, (le portable était inutilisable par manque de réseau depuis notre arrivée en Beaufortain), nous contactons Didier qui nous attend 500 mètres plus bas. Descente sur une petite route non goudronnée, plein de touristes montent ou descendent à pied, il faut parfois faire attention. Quelques virages (coupés à la stupeur des plus raisonnables…) plus tard, on retrouve notre ami et on finit pour une photo de groupe en dessous du glacier de la Brenva.
Arrivée à Courmayeur, Hôtel Croux, sympa, les chambres sont super, il y a même la possibilité de se faire masser… Comme on n’a pas souffert, on passe à la douche, à la bière et de la bière à de somptueuses (le mot n’est pas trop fort) pizze dans un petit restaurant (Le Tunnel) qui nous sert du vino rosso en carafe en quantité pas très raisonnable et qui en plus laisse la bouteille de grappa sur la table. On se lâche un peu, mais on va tout de même se coucher, tout le monde est passablement cuit. Je revois le parcours du lendemain, et dodo.
Jour 3. Courmayeur – Col de la Forclaz 65 km 2650 m.
Ce qui devait être, aux yeux des participants, une étape pas trop dure s’est révélée encore plus difficile que ce que j’avais pourtant imaginé. La montée depuis Courmayeur sur la route goudronnée jusqu’au Val Ferret italien est difficile, le petit déjeuner et les excès de pizza ( j’ai dit pizza ?) de la veille ont tendance à nous la rendre pénible. En même temps, le ciel qui était couvert, s’éclaircit complètement et rend le paysage depuis Planpincieux particulièrement charmant. Au fond on aperçoit bien le col qui va nous faire passer en Suisse, même si on peine à imaginer par où on va bien pouvoir traverser.
Depuis Arnuva on quitte la petite route asphaltée pour emprunter une voie de 4×4 jusqu’au refuge Elena. Ça grimpe bien mais on reste sans difficulté sur les vélos jusqu’en haut. Les panneaux indiquent 2h de marche jusqu’au col et je vois des regards réprobateurs se tourner vers moi. On n’est pas là pour prendre froid, je montre l’exemple en attaquant les 475 mètres de dénivelé à « donf » et moins d’une heure plus tard, on se retrouve tous chez nous avec en point de mire le Val Ferret valaisan, ses vaches d’Hérens et sa descente d’anthologie. Le sentier est parfait, les écoulements, au contraire du versant italien se passent sans difficulté et nous voilà tous rapidement à La Peule et ensuite à Ferret et à La Fouly.
On décide de manger sur la terrasse sous le téléski et il faut bien admettre que c’est la seule mauvaise adresse sur le tour jusqu’à présent. Il n’y a rien, c’est cher, bref si vous passez en semaine, vous avez meilleur temps de vous arrêter au petit magasin qui lui a de très bons produits. Départ sur Champex et son lac, on abandonne la version « droit dans la forêt » pour se taper la montée de 9 km sur la route…, je n’aime pas et je ne suis pas le seul mais bon, on y arrive finalement. Un coup d’oeil sur le lac et on repart. Dans la descente sur les Grangettes, on quitte la route pour prendre le chemin qui part de La Poya en direction de l’alpage de Bovine via Plan de l’Au, le chemin qui passe par la fenêtre d’Arpette n’est pas praticable avec un vélo sur l’épaule.
Il faut bien admettre que les temps indiqués pour les piétons sont plus exacts qu’en Italie et il nous faudra près de deux heures pour atteindre le petit col qui se situe 5 minutes après Bovine et ses noires vaches d’Hérens.
Cependant la montée est magnifique, on traverse les ruisseaux à gué, on escalade de grosses pierres mais il faut le dire, on ne pousse pas, on porte et on souffre pas mal jusqu’au sentier à flanc de coteaux que nous partageons avec les vaches de l’alpage.
La descente est pratiquement faisable en totalité sur le vélo pour autant que vous soyez frais et que le débattement se rapproche d’un gros enduro, mais là j’avoue qu’on en a un peu tous plein les guiches et que le niveau technique s’en ressent.
Beau final tout de même et surtout le sentiment légitime que la boucle est bouclée complètement. Ce jour de randonnée nous a tout de même demandé près de 9 heures d’efforts (hors pauses…) pour finir à La Forclaz ou nous attendent des boissons fraîches, notre Didier et les véhicules.
Deux heures plus tard, arrivés à La Chaux-de-Fonds, on range le matos qui a bien souffert, douche, repas en famille et c’est les yeux pleins de paysages plus beaux les uns que les autres que nous sombrons dans les bras de Morphée.
Un merci tout particulier à :
- Nos compagnes qui se sont occupées des 22 rejetons (il n’y a qu’un seul célibataire parmi nous…) que nous avons laissés à la maison.
- Didier qui pour des raisons de santé n’a pas pu nous accompagner sur son (très) vieux et (très) grand vélo et qui a choisi de jouer au chauffeur en effectuant près de 700 km pour nous accompagner sur le week-end.
- Les sites météo groupés sous http://www.meteo-chamonix.org/ qui m’ont permis de faire le bon choix de partir alors que nous venions de nous taper un mois d’août de chiotte et qu’il pleuvait depuis le début de la semaine.
- Mes potes qui me suivent sans trop se poser de questions quand je leur propose des trucs de « ouf » et qui me font totalement confiance sur les itinéraires proposés. (Je me demande jusqu’où je vais bien pouvoir aller ???)
Pour finir quelques détails pratiques:
- Le sens de rotation autour du Mont Blanc a toute son importance, les cols que nous avons passés en poussant sont pratiquement inaccessibles en descente et les descentes comme celle sur Bionassay ou celle sur le Beaufortain ne se montent pas, à moins d’absorber des produits utilisés à l’insu de certains…
- La période est également déterminante, juillet et août voient passer le gros des randonneurs et les sentiers de la vallée de Chamonix sont pratiquement tous interdits à la pratique du vélo de montagne.
- Un entraînement suffisant est de rigueur, on n’est pas des champions et le groupe génère forcément des temps de passage plus longs mais ce n’est pas loin de vingt trois heures d’efforts sur trois jours tout de même (dont près de 5h de marche).
- Le port de chaussures de trail est recommandé si vous n’avez jamais fait des marches de plus d’une heure avec vos godasses de vélo (personnellement j’ai gardé mes chaussures de vélo sur tout le parcours et c’est très bien allé).
- La machine doit être la plus légère possible, inutile de la charger de porte-gourdes et de sacoches si tout se trouve dans le sac qui est lui de toute façon indispensable vu les altitudes atteintes et le temps changeant en montagne.
- Les cartes utilisées sont les IGN 3531 ET et 3630 OT ainsi que le site http://www.geoportail.fr/ qui permet de superposer les cartes avec des images satellites à l’échelle 1:3200 en toute clarté.
- Je reste bien évidemment dans la mesure de mes capacités à disposition des éventuels amateurs de cette boucle mythique, notamment pour préciser le tracé et donner mes impressions.
- Quelques sites :
Alexandre Bédat
La Chaux-de-Fonds le 9 septembre 2006