Au départ du Tour du Mont Valin, y’avait un gars habillé aux couleurs de l’équipe EVA Devinci. Plusieurs se sont dit: « Oups! On va-tu manger une volée, nous autres là? C’est quand même pas des jambons, les gars de cette équipe ». Mais un raid c’est un raid, et j’ai pas revu ce gars de la course… sauf dans la montée finale, où y nous a dépassé comme une balle! J’ai pas eu l’occasion de lui jaser après coup, mais un courriel reçu ce matin répond à toutes les questions. David Maltais, étudiant en journalisme, raconte ses courses dans son blogue, et nous a envoyé ce résumé de sa course cette année, une course « fascinante » pour lui, qui vient de Chicoutimi. Merci à David et on se reverra en course l’année prochaine. C’est le fun qu’une relève de jeunes se pointe dans les raids pour prendre la relève des vieux diesels. Y’en aura jamais trop!
David sur la plus haute marche du podium junior à la « Classique » Chlorophylle 2007
Comme à chaque fin de saison depuis 4 ans, je me rends au centre de ski Le Valinouet, à St-David-de-Falardeau (à une heure au Nord de Saguenay), pour y courir le Tour du Mont-Valin. Cette course n’est pas comme les autres: elle arrive en fin de saison, quand tout le monde est épuisé, ça brasse pendant 4 heures (et plus pour certains) et c’est accessible à tout le monde avec ses parcours de 22, 30, 48, 63 et 90 km. Les 4 premières distances sont des randonnées cyclosportives, représentant un défi pour les cyclistes plus amateurs que passionnés qui s’y adonnent. Finalement, le 90 km est une compétition provinciale. Il s’agit en fait de la finale de la Coupe Québec de Raids/Marathon, et ce depuis maintenant deux ans.
J’ai fait mon premier Tour du Mont-Valin lorsque je venais d’avoir 15 ans, en 2004. À cet âge, on ne peut faire que le 22 km, le 30 ou le 48. Sortant d’une bonne saison en vélo de montagne, je me suis dit capable de faire le 48 km sans problème. En le faisant avec mon frère Maxime et quelques amis cyclistes, nous avons découvert ce superbe parcours, qui emprunte tantôt des chemins forestiers, tantôt des chemins de VTT, en plus d’une longue côte de 10 kilomètres (directement au départ s.v.p.) et même de l’asphalte sur les 8 derniers kilomètres (mortellement côteux) qui nous ramènent au Valinouet. Étant en tête de cette randonnée dès le départ, nous avons par la suite découvert la magnifique descente du bras des canots, qui contourne le mont-Valin du côté ouest. On s’y amusait comme des fous et on se promettait déjà d’y revenir l’an prochain. C’est après 40 km que tout devint moins drôle. Lors de notre arrivée sur la route, nous étions tous «Bonkés», même si nous avions bien mangé tout au long de cette belle randonnée. Nous avons donc rentré comme nous avons pu. Moi, je pensais déjà à l’année prochaine, au 63 kilomètres…
J’y suis donc retourné l’année suivante, redécouvrant ce magnifique coin de pays qu’est le Mont-Valin, cette fois sur 63 km. Étant encore premiers, nous avons une fois de plus roulé le parcours à une très bonne vitesse, même que le ravitaillement n’était pas encore prêt lors de notre arrivée au second «feed-zone»! Encore une fois, c’est après 40 kilomètres que le tout se complique. Tout le monde commence à cramper. Les 20 dernières bornes sont une vraie torture, d’autant plus que nous voyons les meneurs du 90 kilomètres, Pierre Harvey et Gilles Morneau, nous dépasser comme des fusées; je suis incapable de les suivre plus de 30 secondes! Je parviens finalement à l’arrivée, étant convaincu d’avoir fait ma plus dure course à vie, même si ce n’était pas une course! C’est à partir de ce moment que le tour du Mont-Valin devient mon «enfer du Nord» à moi.
En 2006, à la fin de ma première saison chez les juniors en vélo de montagne, je tente l’aventure au raid de 90 kilomètres, sachant très bien que je vais payer cher ma décision. J’ai tout juste 17 ans (l’âge limite pour faire la course), je suis le plus jeune coureur parmi les quelques 200 au départ. Je décolle et me rend compte que le niveau et bien différent de ce que l’on retrouve sur le 48 et le 63 km. En fait, je suis totalement largué après 2 kilomètres! Je prends donc le début de course tout doucement, sachant que j’en ai pour 4-5 heures en selle et qu’il est mieux de partir doucement et de ne pas oublier de manger et de s’hydrater. Anyway, whatever, WTF? : je suis encore «bonké» après 40 km et je me fais ensuite dépasser par tout ce qu’il y a de cyclistes dans le coin. Sauf que cette fois-ci, il ne me reste pas 3 km à parcourir, ni 20, il m’en reste 50! Je continue donc en mode zombie (voir texte des 3 dernières étapes du Tour de l’Abitibi pour obtenir la définition du mode Zombie) et me rends à l’arrivée de «l’enfer» à bout de force, «totalement défoncé» comme disent les adeptes de marijuana. Je termine 47e au classement général toutes catégories, à 30 minutes du vainqueur, Pascal Bussières. Je suis assez découragé de ma performance, pourtant excellente pour mon âge, à ce qu’on dit. J’ai du moins la consolation d’être le premier junior, à 20 minutes du deuxième, mon grand rival et ami Mathieu Boily-Tremblay. Mince consolation, moi qui voulais finir dans les 10 premiers… Pas grave. Deux jours plus tard, je suis déjà impatient de participer à l’édition 2007!
Je me présente donc pour une 4e fois au Tour du Mont-Valin, le 8 septembre dernier, avec l’intention de faire mieux. Je sors tout droit d’une saison de vélo de route qui m’a appris à développer mon endurance et qui m’a appris qu’il y a des courses plus dures que le Tour du Mont-Valin (voir textes sur le Tour de l’Abitibi hahaha). De plus, j’ai fait quelques courses de montagne cette année, donc je ne suis pas trop rouillé techniquement. Je me sens prêt à relever ce défi une nouvelle fois, avec des objectifs plus réalistes; un top 25 au classement général et surtout conserver mon titre chez les juniors. Ce deuxième objectif sera plus corsé, je vais cette fois-ci me frotter au deux premiers au classement de la Coupe Québec, Jonathan Boucher et Mathieu Boily-Tremblay (plus en forme que l’an passé à pareille date). Je suis tout de même confiant de pouvoir offrir une bonne lutte à ces deux bêtes, étant donné que j’ai fait plus de course d’endurance qu’eux cette année et que je connais tous les recoins de ce parcours. Le SEUL hic, c’est que le «Tour des Monts», c’est environ ma 45e course cette année. Je suis, pour ainsi dire, un peu au bout du rouleau, mais je suis bien reposé pour rouler fort sur les 90 derniers kilomètres importants de ma saison 2007.
Je décolle donc à l’avant du peloton, le plus possible du moins. Je remonte de quelques positions dans la montée de 10 kilomètres au départ et tente de me faire une place dans le groupe de tête, qui roule très vite. Ça roule en fait aussi vite que l’an passé, sauf que cette fois je m’accroche et gaspille beaucoup d’énergie pour suivre les meneurs, me disant qu’une fois dans la descente, si je suis avec les premiers, je pourrai récupérer en ne perdant pas de temps sur eux, car je serai dans leur roues.
À ce moment, je «trip ben raide», je roule avec des gars comme Claude Boily, Gilles Morneau, Michel Leblanc et autres, des coureurs très expérimentés qui ont déjà gagné des raids et qui savent comment s’y prendre, je tente donc de les suivre, pour apprendre, en sachant que je vais me faire lâcher quand l’expérience entrera en ligne de compte. Malheureusement, à mesure que le groupe monte, ce groupe de tête se divise en 2 (environ deux groupes de 10) et je me retrouve dans le second groupe et Jonathan est dans le premier. Pas le choix, je décolle seul et roule à bloc pendant 5 kilomètres de montée pour finalement rejoindre la tête de la course.
Dans la terrible descente rocheuse suivant l’ascension, mon porte-gourde casse et je me retrouve avec une seule gourde, je devrai donc arrêter à chaque ravitaillement. C’est alors que le groupe de tête lui-même se divise et je me retrouve avec Jonathan en point de mire, nous sommes lâchés, il y a environ 8 gars seulement devant, donc c’est excellent, je fais une bonne course. Tout va bien, je bois une gorgée d’eau. J’échappe alors ma gourde et dois arrêter pour la reprendre. Je me fais reprendre par Claude Boily qui roule avec moi jusqu’au premier ravitaillement, où je dois remplir ma gourde, n’en ayant désormais qu’une seule. Je me fais donc rattraper par le second groupe que j’avais préalablement quitté pour rejoindre la tête de course…haaa l’inexpérience.
Dans les marécages boueux qui suivent, je commence à avoir des problèmes avec mes vitesses, tout ça parce que j’ai fait l’erreur de mettre de l’huile de vélo de route sur mon vélo de montagne…haaaa l’inexpérience. Là, je commence à être «bonké», les jambes ne tournent plus, même que Michel Leblanc me dit: «enlève-toi une gear men!» Trop tard, on est maintenant sur le chemin forestier et on a 20 kilomètres de complétés. Je me dis alors qu’avec ce gros groupe, la descente sera une farce et que je pourrai récupérer, comme j’avais prévu initialement. Bizarrement, ça roule excessivement vite dans les quelques vallons précédent la descente du bras l’enfer, qui contourne le Mont-Valin du côté Est. Ça roule si vite que je suis lâché du groupe! À ce moment, je suis découragé, je ne suis même plus dans les 25 premiers (en fait je pense ne plus y être), j’ai perdu de vue le premier junior avec un mince espoir de le revoir durant la course. Tout est foutu, mais ce n’est pas grave, ça ne peut pas toujours bien aller en vélo. Je décide donc d’attendre un autre groupe pour rouler avec eux et prendre plaisir à faire la chose, car en avant, c’est plus une course professionnelle qu’un raid inoubliable. Trois gars me rattrapent, on fait la descente ensemble. Étant obligé de soulager un besoin naturel, j’arrête donc deux minutes au ravitaillement du 40e kilomètres pour faire ce que j’aurais dû faire au départ… haaaa l’inexpérience. Je repars à bloc, la gourde remplie d’eau, mais je suis seul. Je roule donc en solitaire et me fais dépasser par un seul coureur durant 20 kilomètres, Denis St-Amand, un autre gars d’expérience, que je suis d’ailleurs incapable de suivre. Je suis ensuite rattrapé par trois autres gars qui roulent très bien, je tente donc de les suivre. Ensemble, nous rattrapons quelques gars avec qui j’avais roulé avant de me faire lâcher et même les gars avec qui j’ai fait la descente. Je peine donc à suivre ces gars mais je me sens de mieux en mieux, après un passage à vide durant le moment que j’ai roulé seul. Au 75e kilomètre environ, deux des trois gars me larguent mais je tente de rester à une bonne distance d’eux pour pouvoir les rejoindre sur la route. Même si je me fais lâcher, je me sens bien, les gars vont juste un peu plus vite, ne me prennent pas beaucoup de temps. Je les rejoints juste avant les 8 derniers kilomètres montagneux sur l’asphalte, aidé par le trafic que cause les participants du 48 et 63 km, qui sont à ce moment sur le même parcours que nous, et qui sont tous «bonkés» comme moi à l’époque. Moi, cette fois, je suis en super forme et me prépare à attaquer mes adversaires.
Dès que ma roue avant touche l’asphalte, il se produit un déclic étrange dans mon cerveau. Je ne pense plus aux conséquences, je mets «la grosse plate» (le 3e plateau) dans la première côte et me mets à rouler comme un démon, dépassant environ 30 personnes dont Morneau, Leblanc, et surtout Jonathan Boucher, que je retrouve à 5 kilomètres de la fin, dans l’avant dernière côte. Pour être sûr qu’il ne s’accroche pas (Ce gars-là m’a quand même battu pendant 6 ans, je ne veux pas rater ma chance cette fois), je rajoute deux vitesses et me défonce jusqu’au centre de ski, lui prenant 1 minute 30 au passage, et défendant du même coup mon titre en catégorie junior.
(NDLR: Si tu savais, David, comment ces trois gars ne représentaient plus une menace pour toi à ce moment-là! Leblanc, qui n’avait eu qu’une semaine pour se remettre en forme suite à deux semaines sans vélo dans la pollution de Pékin, avait bien roulé mais ses jambes venaient de sauter et il terminait en mode randonnée. Boucher, à son premier raid à vie, a surpris par son excellente gestion de course (y’a pas eu à dire un seul «haaa l’inexpérience») sauf qu’il avait dépassé son temps d’autonomie et terminait en mode bonké. Morneau était en mode crampé solide depuis juste avant l’asphalte, comme l’année d’avant et comme toujours.)
Je termine finalement 8e au classement général de cette course épique qui, pour la première fois, ne me cloue pas au lit pendant les deux jours suivants. Je suis étonné de mon résultat final, à 11 minutes du gagnant, Jean-François Vennes, qui fait mieux que Bussières l’an passé. Je suis à 3 minutes du 3e, ce qui m’encourage pour l’an prochain!
Ce Tour du Mont-Valin fut encore une fois un succès au niveau de l’organisation ainsi que de la compétition et j’espère que cette épreuve continuera de grandir et d’évoluer dans notre région. Pour ma part, je serai certainement de retour l’année prochaine, pour tenter de me rapprocher encore un peu plus de la plus haute marche du podium sur cette course qui me fascine tant.