Si vous rencontrez Pierre Gendron et que vous le trouvez plus voûté qu’à l’habitude, ou vous trouvez que ses fesses ont grossi, ne vous posez plus de questions, c’est qu’il s’est réorienté tête première dans un nouveau sport, le patinage de vitesse longue piste. Il décortique gentiment pour nous son expérience, menant à une mise en perspective intéressante. Il tient à préciser que les situations décrites dans son texte sont fictives et que toute ressemblance avec qui que ce soit est purement due au hasard.
Ce matin mon corps me spécifie très clairement que ma nouvelle passion sportive bouleverse une série de muscles qui se croyaient à l’abri pour plusieurs années à venir. Gluteus Medius droit, bienvenue à ma nouvelle passion sportive : le patin de vitesse.
Drôle d’intersaison!
J’ai rangé ma moto -trop tôt- pour l’hiver (c’était tout de même le 30 novembre); je n’ai le goût de rouler à vélo que pour mes déplacements… et la neige qui n’arrive pas. Quand je pense au Camp des Maîtres qui se déroule présentement à la Forêt Montmorency… sans neige! Est-ce que ça se fait du ski de fond sur rouleaux parce que faire du ski à roulettes dans de la garnotte ¾ » c’est pas bon pour les roulements à billes?
La course à pied occupe quelques heures de ma semaine, mais ne me procure plus le thrill que je cherche.
Mes déboires sur glace lors du dernier Pentathlon des Neiges m’ont incité à revoir mon patinage abandonné il y a des siècles lors d’un examen de conscience sérieux face à ma possible carrière de hockeyeur professionnel… j’ai opté pour des études!
C’est donc «gréyé» d’une paire de lames nordiques et de mes bottes de ski de fond que je me suis inscrit au nouveau club des maîtres de patinage de vitesse de Québec.
Des nouveaux visages
Commencer un nouveau sport, c’est d’abord rencontrer, lors de la réunion de début de saison, de nouvelles personnes qui pratiquent déjà ce sport. Ces personnes se connaissent, se reconnaissent et se regroupent pour parler de leur saison dernière et pour se remémorer des anecdotes.
En tant que néo, tu les regardes du coin de l’oeil, tout en écoutant un peu et tentes de faire la part entre le vrai et la sympathique bullshit.
On voudrait se joindre au groupe et dire que nous aussi, dans un autre sport, on a vécu des grands moments et d’autres moins glorieux… mais ce sera pour plus tard dans la saison. S’imposer à un groupe déjà formé, en ne maîtrisant pas le code social, crée un très mauvais effet.
Par contre, pour le non-verbal, question habillement, je suis OK, je ne détonne pas trop. J’ai les bons runnings, (la bonne marque et juste assez usés et pas trop propres pour annoncer que je fais du sport). Autres règles: si on n’a pas de cheveux, on a la casquette ou tuque in (sans trop être flashée —du genre Camp de Base de l’Everest— ou vulgaire— du genre Old Orchard is for farters) et si on a des cheveux, alors là, pas de problème de couvre-chef, la toison fait foi de tout; on se doit aussi d’avoir la bonne veste: North Face ou, un moindre mal, une Garneau. Évidemment on peut arriver à cette première en habit de ville et Blackberry… en week-end warrior.
Comme je ne détonne pas trop à cette première rencontre, le vrai challenge d’intégration vestimentaire sera lors de la première sortie en patins.
Les vêtements
Tout sport a sa propre série de vêtements «techniques» qui réussissent la quadrature du cercle:
- d’empêcher le vent froid d’entrer mais de laisser s’expulser l’air humide du corps;
- d’empêcher la pluie de pénétrer mais de permettre à la sueur de sortir;
- de concilier un coefficient d’isolation de R 1000 à un poids qui se compte en nanogrammes;
- d’offrir des espaces de rangement multiples dignes d’un veston de magicien, le tout jumelé au facteur Cx d’une anguille
À vélo nous avons notre kit, mais qu’en sera-t-il de ma garde-robe de patineur lors de cette première sortie? Vais-je avoir l’air d’un joueur de quilles sur un tatami ?
Heureusement lors de la première rencontre sur la glace, on a tous à peu près le même kit mais avec des noms différents selon la chapelle sportive à laquelle on appartient. Ouf !
Seuls les patins annoncent les couleurs.
L’équipement
Parmi les newbies, dont je fais partie, réunis autour de notre nouveau coach (qui a la délicatesse de parler une langue où l’absence de termes techniques est la bienvenue), quelques-uns viennent du vélo de montagne. Et nous avons presque tous des bottes de ski sur lames nordiques. Nous ne sommes tout de même pas prêts à mettre le même prix sur une paire de patin inconfortables que sur un «double sus» d’entrée de gamme. On verra plus tard.
Puis les cours se donnent, les exercices se font, les habiletés se développent… selon notre propre évaluation et les encouragements de l’entraîneur. On patine de plus en plus vite avec un effort diminuant peu à peu; on prend les courbes en croisant les patins (sans tomber) comme on le voit aux Olympiques… et tout ça avec notre équipement… primitif.
Il faut dire ici que dans ce sport, l’affûtage des lames est primordial et que Canadian Tire ne fait pas ce genre de travail. Il faut un «jig» et une bonne pierre. Encore là, la question des $$$ se pose. J’investis dans tout ça pour me retrouver sur E-Bay comme vendeur 6 semaines plus tard?
NDLR: En attendant d’investir, je me suis bâti un gabarit d’affûtage avec une vielle planche de bois franc. Une pierre de chez Home Dépôt rend mes lames aussi coupantes qu’une réplique du ministre Jacques P Dupuis faite à Pauline Marois.
Mais avant mes premiers essais d’affûtage j’ai expérimenté une autre joie de débuter un sport : la demande de conseils à mes pairs pour ma paire.
Les conseillers
D’entrée de jeu, je dois préciser que pour ma part, le meilleur combo de pneus de vélo de montagne de tout temps a été le Dart-en-avant et le Smoke-en-arrière (de Panaracer). C’est vous dire que les escaliers abyssaux qui remplissent le groupe de discussion du site de l’Asso sur les mérites de roulement d’un pneu versus un autre de même que sur le comment-utiliser-du-Stan-no-tube-sans-en-mettre-sur-ses-doigts-et-ses-pantalons m’ont laissé indifférent. Quand j’aurai jeté ma dernière paire de ces glorieux pneus (qui maintenant craquent un peu sur les flancs) j’irai lire toute cette littérature de récipient d’air.
Commencer un nouveau sport, c’est googler et aussi parler avec ceux qui s’y connaissent et offrent gentiment leur aide.
Ainsi comment faire pour savoir dans la réponse d’un pratiquant d’un sport qu’on ne connaît pas, si ses conseils tiennent de l’école de pensée nostalgique qui ferait croire par exemple à un néophyte que les meilleurs pneus de vélo sont des introuvables Dart et Smoke (visiblement des gens axés sur le passé) ; ou si ses conseils tiennent plutôt d’une préoccupation constante à éplucher tous les magazines dédiés au sport et à avoir un flux RSS avec le grossiste pour l’est du Canada des produits pertinents au sport visé, en somme des conseils d’une personne qui n’accepte que d’être à la fine pointe technique de son sport?
Ces conseillers pratiquent souvent un sport pour le plaisir d’acheter la dernière nouveauté, ou pour se reposer de tenir un clavier toute la journée en tenant gauchement dans leur garage, le soir, un outil rendu glissant par de la graisse blanche à base de silicone. La technicalité de leurs conseils, quoique passionnés et sincères, est souvent aussi claire qu’une série de hiéroglyphes… et implique des inévitables achats… souvent coûteux quand le mot titanium ou scandium apparaissent dans le descriptif.
Il y a aussi ceux qui, à vos demandes, vous donnent le nom de leur boutique préférée qui, par un pur hasard, apparaît sur leur maillot ou veste. C’est de bonne guerre et ça encourage l’industrie locale.
C’est au néo de faire la part des choses en appréciant à leur juste valeur la pertinence de ces conseils tous aussi passionnés les uns que les autres.
La douleur
Un nouveau sport implique évidemment l’ouverture de nouveaux chapitres dans son dossier médical. Celui-ci piaffe d’impatience de sortir des étagères de la clinique de laquelle la connaissance et l’expérience dans de son sport habituel a réduit les visites, mais que l’apprentissage d’un nouveau va imposer le retour vers les salles d’attente de ces cliniques et faire lire, des années plus tard, les mêmes revues mises à la disposition des patients/clients ou clients patients. Selon la revue que je lisais la semaine passée chez mon chiro, il paraît que le Titanic, ce palace flottant, est porté disparu, quelqu’un sait ce qui lui est arrivé?
Si le nouveau sport qu’on entreprend est le premier, la recherche de conseils s’applique encore ici. Mon expérience me dit que pour une même blessure, décrite de la même manière, le verdict amène un diagnostique d’application de glace dans 50% des suggestions et de chaleur dans 50% des autres conseils.
Il arrive quelques fois que la demande de conseil provoque chez le conseiller la description du comment-la blessure-s’est-produite, description dont Fred Pellerin serait jaloux.
La conclusion…enfin!
Si vous avez réussi à vous rendre jusqu’à la fin de ce texte vous en avez compris l’intention. Je pratique les mêmes sports depuis longtemps. J’en connais les rouages, les technicalités, le code social et vestimentaire, et surtout je connais des gens qui les pratiquent et qui sont devenus mes amis. Quand nous nous voyons nous parlons de sport et de tout… aussi.
Le sport m’a permis de rencontrer des gens autres que ceux avec qui j’ai travaillé des années. Mon cercle d’amis s’y trouve.
Nous constatons, depuis quelques années, une baisse de nouveaux pratiquants de notre sport. Si les clubs font tous des efforts pour faciliter l’arrivée harmonieuse des recrues, pensons par contre à celles et ceux qui arrivent de nulle part sur nos sites de course. Ils sont intimidés et souvent n’osent pas revenir à une deuxième course pour une variété de raisons. Il ne faut pas que cet abandon soit causé par l’hermétisme du milieu.
Joyeuses Fêtes
(cette photo vient d’ALLEZ_Y)