Quand un coureur se fait prendre pour dopage, tout le monde tombe en mode «gestion de crise». La Fédé, l’ACC, l’équipe du coureur et le coureur lui-même ont plusieurs semaines pour se préparer à l’heure fatidique de l’annonce officielle. Dans le cas d’Arnaud Papillon, il a la chance d’avoir «un assez bon entourage pour s’occuper de lui», dixit Louis Garneau. Lorsqu’on l’informe qu’il a testé positif lors des Championnats canadiens de juillet 2011, il a amplement le temps de préparer sa sortie officielle. Ce faisant, il fait face à deux choix:
Option 1 : Nier en bloc, à la Jeanson, Hamilton, Landis, et autres pauvres victimes innocentes de tests erronés ou de vache espagnoles contaminées. Youpi, c’est parti pour des années de procédures et de doute… quitte à se couvrir de ridicule dans le milieu et dans l’opinion publique.
Option 2 : Avouer ses torts, à la Meirhaeghe, Sheppard et maintenant Papillon. Il s’agit alors de tenter de sauver la face en se victimisant et en insistant pour dire que notre carrière et nos victoires passées étaient tout de même méritoires, car le dopage pour lequel on vient de se faire prendre est quelque chose de tout nouveau, une malheureuse erreur qui vient ternir une carrière durement acquise à force d’entrainement acharné.
Je rêve d’une troisième option, ou le coureur non seulement avouerait tout, mais rendrait les bourses, les médailles et les trophées aux gars ayant fini derrière lui, tout en révélant qui lui fournissait la dope et qui en prenait autour de lui. (On peut rêver, quoi?)
Anyway, revenons à l’option 2, qui consiste à sortir la cassette des aveux. Cassette à laquelle les coureurs et les amateurs de cyclisme sont habitués. Pour le fun, comparons les aveux de Arnaud avec ceux de Chris Sheppard, pris sur le fait lui aussi en 2005.
Les aveux de Arnaud sont ICI. Ceux de Chris, j’en ai trouvé copie ICI.
Dans un exercice qui prend des apparences de traduction simultanée, replaçons dans le bon ordre les extraits du texte d’Arnaud en français, et ceux de Chris en anglais.
Arnaud : Je ne nie pas le geste que j’ai posé et j’en assume l’entière responsabilité.
Chris : First and foremost I have to say that I cheated. Point blank.
Je reconnais avoir commis un geste inacceptable et je le regrette.
There is no justification for what I have done. All I can say is I AM SORRY.
Je m’excuse pour la déception que je cause à ceux qui m’ont fait confiance, notamment mes proches, mon entraîneur et les membres de mon équipe.
I am sorry to those I have cheated. I have let down my girlfriend, family, friends, sponsors, fellow racers, and National team supporters.
Je tiens à préciser que c’est depuis peu que le dopage a pris place dans ma vie.
I can only say that I have never doped (…) The irony in it all was the fact that I was tested the first day I did it.
Après de multiples déceptions, j’avais pratiquement tout abandonné.
As my poor racing and training continued I lost hope. I started my descent into desperation and depression.
J’ai essayé de réorienter ma vie mais mon amour pour ce sport était plus grand.
I was so passionate about something I would risk my life to keep it instead of moving on. That is how the top can blind you. How a love so strong overwhelms judgment.
Après de multiples confrontations éthiques avec moi-même, j’ai faibli.
my mind weighed the positives and negatives (…) It was at this point that I chose to do what I did.
Je devrai vivre avec cette réalité et les apprentissages qui en résultent pour le reste de ma vie.
I have jumped off a cliff with no way of stopping my fall.
Et ainsi de suite…
Voilà qui s’appelle faire la meilleure gestion de crise possible dans les circonstances. Dans le cas de Chris, sa «retraite définitive» du vélo a duré quelques mois tout au plus, si j’en juge par une rapide recherche qui mène à cette page de résultats de cyclocross du circuit de l’Oregon. En plus du cyclocross, on l’a vu au Transrockies et au BC Bike Race, et il est devenu Champion canadien de cyclocross en 2010. Pas pire pour un retraité.
La morale de tout ça (ça fait drôle de parler de morale, hein?), c’est que, en situation de crise, pour émouvoir le peuple, il faut faire preuve de «franchise», ça marche à tout coup. Alors que la véritable franchise, ce serait de dire « Ben oui, shit, me suis fourré dans mes doses, pourtant, taboire, j’ai été testé par le passé pis je m’en étais tiré facilement. Je me suis fait pogner, mais pas grave, je serai de retour clean (ou en faisant plus attention à mes doses) dès la fin de ma suspension.»
Vous trouvez que je charrie? Avez-vous déjà oublié ce grand champion international de course qu’est Filip Meirhaeghe. Oui, oui, celui qui a dominé la coupe du monde de Vélo de montagne avant de tester positif lors de sa spectaculaire victoire au Mont-Sainte-Anne en 2004. Je n’ai malheureusement pas retrouvé en toutes lettres son poignant témoignage qui arrachait les larmes, lorsqu’il a annoncé sa retraite suite à sa suspension. Par contre, voici un résumé, trouvé ICI, qui donne une bonne idée de la cassette utilisée.
«Fin juillet 2004, le monde du VTT est sous le choc. Le champion du monde en titre Filip Meirhaeghe fait l’objet d’un contrôle antidopage positif à l’EPO. Le Belge est tombé dans les mailles du filet un mois plus tôt, à l’occasion de la manche de Coupe du Monde de Mont-Sainte-Anne. A 33 ans, le pilote est navré mais joue franc-jeu et avoue avoir fait usage d’EPO dans sa préparation aux Jeux Olympiques d’Athènes. Il affirme avoir utilisé ce produit prohibé sept semaines auparavant, et ce pour la première fois de sa carrière, afin de ne pas passer à côté d’une occasion unique de devenir champion olympique. Au cours d’une conférence de presse tenue aussitôt, Filip Meirhaeghe annonce son retrait définitif de la compétition. Le Flandrien écope quelques semaines plus tard d’une suspension de quatre ans, dont seulement quinze mois fermes, la commission disciplinaire ayant tenu compte de la franchise du coureur.»
Difficile de ne pas pouffer de rire. Attendez, je vérifie si j’ai pas une pognée dans le dos… zut, je me rends pas… manque de souplesse… Donc, vu sa franchise, on lui donne 15 mois de suspension au lieu de deux ans, qui est la sanction habituelle des adeptes de la chaudière à leur première offense. Résultat: Bingo! 18 mois plus tard, Filip est de retour en Coupe du monde, comme si de rien était. Mieux, selon Wikipedia, il gagne toujours sa vie dans le monde des courses, étant devenu rien de moins que le sélectionneur de l’équipe nationale belge. Yes. Les jeunes coureurs belges sont entre bonnes mains et la réputation de ce pays est sauve.
Alors, que cé qui se passe maintenant? Arnaud se fera-t-il vraiment oublier? Collaborera-t-il en donnant un maximum d’information pour au moins mettre à jour un dealer, un réseau, ou est-ce que du côté des institutions, le dossier est déjà fermé? Comment avance l’enquête, depuis juillet? Verra-t-on quelque chose constructif sortir de ce gâchis? Verra-t-on Arnaud Papillon sur un podium dans deux ans? À moins qu’il ne devienne coach de l’équipe du Québec? L’avenir nous le dira.Note : Ma porte est ouverte en tout temps pour un échange «franc et honnête» si des personnes concernées trouvaient que cet article contient des erreurs ou n’est pas juste.