Histoire de Raid Trans-Gaspésien, par Josée Riverin

L’an dernier, Jess Tremblay nous avait gratifié de sa version du RTG, qui trempait dans la testostérone, voire dans le Rhéonétic. Cette année, c’est une dame qui nous écrit et son récit est empreint d’une sagesse qui ne s’acquiert qu’avec l’expérience de la vie. Josée Riverin, membre de la célèbre équipe Mont-Vélo/Import-Expert, en était à son sixième raid, et elle trouve que ce qui est bien, c’est qu’on en apprend encore à chaque fois. Voici comment s’est déroulée son expérience, (écrite hors des heures de travail, bien sûr):

(Attention aux lecteurs susceptibles, mes commentaires apparaissent en italique à l’occasion et n’engagent en rien la responsabilité de Jos)

Vendredi
Je suis arrivée tôt au site de rassemblement pour l’autobus Québec Sportif. Je voulais m’asseoir devant ( c’est un truc de chauffeur d’autobus: #1 – ça sent jamais la toilette et #2 – la température est toujours tempérée!). J’étais assise avec un Luc de l’arrondissement Saguenay un peu frileux…il portait des culottes de Polar alors qu’il faisait 25C à l’extérieur.On a fait un arrêt rapide à Rimouski… On a bien mangé et rapidement cette année. Un buffet italien et des raideurs ça fait un bien beau mélange!

On a fini par arriver au gîte vers 16h45 dans des conditions presqu’identiques à l’an dernier. Des moustiques pis de la pluie! Nous avons trouvé refuge sous le petit auvent face à la grande tente des inscriptions qui débutaient seulement à 18h00. Nous avons également donné une chance aux bénévoles qui ont soupé ( y bouffaient des clubs sandwichs!) dos à nous sous leur tente jusqu’à 17h40… On en pouvait plus de se faire dévorer par des bestioles invisibles… les mosus de brûlots de la Gaspésie sont inversement proportionnels aux distances à parcourir lors des étapes du RTG!! La remise des plaques s’est déroulée bien plus rondement que l’an dernier et donc à 18h15 j’étais dans l’autobus QS qui nous ramenait à l’auberge l’Échouerie à Ste-Anne-des-Monts… Encore une fois, ça a « chié » au niveau de la communication puisque nous avons dû payer nos chambres une 2e fois, la G.O. de l’auberge ne nous croyant pas que nous avions déjà payé!

Samedi
L’autobus revenait nous chercher à 7h10… Y avait des retardataires alors on est parti à 7h30… Je cours maître expert et habituellement dans toutes les courses, on part en même temps que les seniors experts…surtout que 99% du temps ces 2 catégories sont même pas séparées! Et bien, faut innover dans un raid! On a été jumelé au départ des sports et des maitres… C’est juste qu’on l’a su à 8h58… pour le départ de 9h00! Ça stresse une fille ça! Une chance que j’étais dans les parages pour encourager Indy… Sinon, je me serais faite avoir bien comme il faut! On s’est donc retrouvé complètement à la queue du pack. Ouash… surtout que le départ c’est dans une montée qui rétrécit quelque peu!

Même pas 10 minutes après le départ, il s’est mis à pleuvoir comme l’an passé. Ça beurrait pas rien qu’un peu… Mes lunettes sont devenues sales et je voyais rien… J’ai alors fait ma première gaffe majeure: Je les ai enlevées et je les ai mises dans mon maillot. Le bug c’est que les verres sont interchangeables et j’en ai décroché un… Ça fait que si je voulais les remettre, je devais arrêter… Moi, arrêter???? Voyons donc…. J’ai donc enduré le sable dans mes yeux et j’ai systématiquement évité toutes les roues qui s’offraient à moi. Je n’ai sucé la roue de personne parce que la boueettttee revolait directement dans mes verres de contact… AYOYE! Je me suis trouvée pioche pas mal! (NDLR: J’ai fait pareil l’an passé et après une journée dans mes poches, mes verres étaient complètement rayés, finis)

D’un autre côté, ça m’a permis de pas me brûler pour dimanche ce qui était mon objectif principal. Disons que ça devient une priorité quand tu bunkes à la même modine de place 2 ans de suite! Ça m’a valu un p’tit commentaire désobligeant d’une coureuse de mon équipe mais bof… un raid on fait ça pour soi, pas pour les autres pis si y comprennent pas ça ben c’est dommage pour eux! Y doivent pas s’amuser souvent!

Lorsque Jurgen m’a passé, on aurait dit qu’il se payait une balade du dimanche. Ça faisait 2h41 que j’étais partie… Il avait de la jasette, ça avait l’air facile! Ce qui fût radical c’est de voir passer Pierre Harvey, Michel Jean et J-A… J-A de me demander y é où Jurgen??? Moi de répondre: tu veux le savoir??? Ça fait 20 minutes qu’il m’a passé! J-A de me répondre, t’étais pas obligé de me le dire! J’ai quand même eu droit à une tite passe à la Orteille! Full cool! (NDLR: La passe à la orteille, ça s’appelle de la poussette. En principe, c’est interdit, mais l’éthique des Raids permet aux hommes galants de l’appliquer à l’occasion, de préférence à la gent féminine, de façon désintéressée ou dans le but implicite de se voir compenser en faveurs sexuelles ou autres.)

La température ne m’a pas dérangé. Je trouvais ça même agréable et comme mon piton « réflexion/question/cerveau » était à OFF, ça m’a pas dérangé de faire 128 km au lieu de 117! J’ai trouvé qu’il y avait pas mal de chemins de gravier. La longue descente après la montée du 49e était le fun mais j’aimais mieux le parcours de l’année passée, c’était bien plus joli et on voit plus le lac turquoise! (NDLR: Sauf erreur, le nouveau parcours de cette année fut imposé par l’absence d’un pont essentiel, détruit ce printemps et pas reconstruit) Me semble que ça départageait le monde bien plus que ce que nous avions à monter. C’était rien à se pitcher en bas du bike! J’ai eu peur juste à une place… C’est où était les p’tites épinettes écorcées placées en travers de la trail… avec des semi-slicks c’est mortel quand c’est tout mouillé! J’ai eu peur alors que je volais par-dessus mon guidon à ma clavicule mais je suis tombée dans le mou et je me suis relevée à temps pour éviter aux gars qui suivaient de me rentrer dedans! J’ai passé proche aussi de dénoncer ( aux ravitos) Pascal Pitre qui se couchait dans l’herbe à tous les 5 km parce qu’il était malade et quand il pédalait, il louvoyait!

À l’arrivée, je suis aboutie dans la ligne de lavage de vélo… où j’ai poireauté et grelotté pendant presque 2 heures. Le gars à côté de moi a fini par avoir pitié et m’a dit d’aller prendre ma douche… Quel bonheur! Y a rien de mieux que de l’eau chaude sans file d’attente… y a des avantages à être une fille! (NDLR: voir note au sujet de la poussette plus haut. La galanterie dans les files d’attente, c’est pareil) J’en ai même profité pour aller prendre un rendez-vous pour un massage… J’ai détecté le risque quand j’ai vu la madame écrire mon nom sur une feuille à la suite d’autres noms… mais j’ai fait confiance!

Je suis revenue à mon vélo qui attendait encore en file et j’ai pu regarder le p’tit monsieur manier son gros jet …(NDLR: Qu’est-ce que je vous disais? le petit monsieur, c’est le gars de la file d’attente ou le laveur de vélo?) câline qu’il est perfectionniste! J’étais tannée d’être debout alors je suis allée dumper mon bike à côté du truck QS pis j’t’aller porter mon stock dans le sous-sol de l’église… C’était pas mal plein! J’avais pensé à mes bouchons par contre… Les spaghettis pour souper étaient aussi gros que des macaronis… mais on est tellement affamés qu’on boufferait n’importe quoi après une journée de raid… Il était presque l’heure de mon massage alors je me suis rendue à la p’tite cabane…. pour me faire dire par la petite madame que ça marchait pu les rendez-vous… qu’il fallait attendre… ARRGGGHHH! J’ai donc attendu en me faisant dévorer par les brûlots et en placotant pendant 1h15 avant de passer… Je plains ceux qui sont arrivés après moi…. la file était longue! Je suis arrivé dans le sous-sol de l’église à 9h20 et malheur… Les génératrices étaient parties… ( les monsieurs plus âgés dormaient et ronflaient… déjà! ) Y en a même un qui faisait vibrer le plancher de béton tellement il ronflait… Je me suis reposée mais j’ai pas vraiment dormi… même avec mes bouchons!

Dimanche
À 6h30, j’étais debout… Je me suis habillée en vitesse ( on devait être max 3 filles et le sous-sol était plein de gars!) et je suis allée déjeuner… Des croissants c’est pas l’idéal pis du pain blanc non plus mais ça me tentait pas de m’obstiner avec la bénévole!

Je suis retournée dans le sous-sol pour mettre mes cuissards, pacter mes bébelles pis sortir dehors pour gosser après mes pneux… J’manque de pratique! Une chance que je fais pas souvent des flats ( juste en route!) parce que sinon j’aurais l’air pioche en titi! J’ai bien fait rire les 3 bonhommes qui me regardaient faire sans dire un mot, même celui qui fumait un cigare! Tu parles d’empoisonner l’air que le monde respire comme ça! J’ai réussi à tout faire dans un temps raisonnable…

Sur le départ, la commissaire n’a pas osé se prononcer sur la distance à parcourir… en disant que ce serait moins de 100km…Elle a juste oublié de nous rappeler combien il y avait de ravitos!!!! On s’est tapé une jolie boucle de départ où un morceau de bois s’est planté dans le « bone »du i-drive et qui l’a encore une fois brisé mais ça pédalait pareil… J’étais encore une fois dans ma p’tite bulle. Ça allait bien j’avais des jambes et tout était sous contrôle… Je me disais que j’arrêterais remplir mon camel au 3e ravito… tout allait bien… Il y avait plein de monde au 2e ravito où on arrive à pleine vitesse pour enfiler le pont suspendu… J’ai arrêté 4 secondes pour ramasser une banane et peser mon camel qui semblait plein à la moitié… Je suis donc repartie… Ça allait bien. Je pédalais et j’avais les pulsations voulues… Ça montait pas mal mais tout allait bien jusqu’à ce que…. j’essaie de boire pis que ma langue se fasse coincer dans le p’tit trou du tube du Camel …. J ‘avais pu d’eau!! HORREUR!!! Il commençait à faire soleil… Jurgen venait juste de me passer, Monia itou…

Je me suis donc dit que je serais mieux de slaquer, question de pas bunker et payer tout le reste de la saison une déshydratation… J’ai ralenti un peu en me disant qu’il devait pas être si loin le ravito…. Après 30 minutes… j’ai encore ralenti parce je voyais pas de signe que le ravito approchait… Finalement, je finis par apercevoir au loin des p’tits bonhommes habillés en rouge et bleu au bout d’un pont suspendu et j’me dis… ENFIN!!! J’arrive au bout du pont pour réaliser que c’est juste des 4 roues! J’demande, il est où le ravito? encore 4 km! Je repars avec l’espoir en tête et la bouche sèche en titi… J’ose pas manger et prendre du Squeezy de peur de pogner un mal de ventre… j’ai faim et j’ai soif mais je pédale! Plein de gens que j’avais dépassé me redépassent… J’avance à comme en récup active et j’me trouve twit!!!!! Manquer d’eau.. c’est-tu coco????? Mais je continue…. Richard Forgues finit par me rattraper et me demande comment je vais… Je lui dit que j’ai pu d’eau… Il ralentit et me passe sa gourde de Cytomax en me disant j’y ai pas touché, Enwèye bois…. J’en bois le tiers et je dis continue ça va aller…. Il part….(NDLR: L’assistance entre coureurs, en principe n’ets pas permise, mais l’éthique des Raids…voir poussette plus haut…) Le gars qui mange tout le temps des muffins à Place Québec ( j’sais pas son nom mais on travaille pas loin!) me dépasse et m’offre carrément son bidon… Je lui dit non, qu’on doit arriver bientôt et que je vais être correct! FINALEMENT… après je ne sais combien de kilomètres … ( mettons que la 2e journée a eu environ 85 km, le 2e ravito était au 38e kilomètre et après le 3e, il en restait 17, ça veut dire que c’était 30 km entre 2 ravitos, qui s’avèrent être les plus techniques et qui montent pas mal… C’est pas nécessairement évident… Je suis pas la seule à être arrivée au 3e ravito et à avoir bu 7 verres d’eau, bouffé 2 bananes en attendant de remplir mon camel…. Luca Serli aussi a chèrement payé d’avoir manqué d’eau. Il faisait vraiment pitié parce qu’il s’est hypothéqué bien plus que moi. J’ai fini par le dépasser quand il s’est mis à monter les bosses à pied!
Malheureusement, le mal était fait et je n’étais pas capable de pousser. L’eau faisait des grosses vagues dans mon estomac! L’énergie est revenue dans les 5 derniers kilos et je n’ai pas pu m’accrocher à Geneviève qui m’a gentiment demander qu’on se tire… J’étais pas capable!

J’ai fini en placotant avec un monsieur et en me demandant si Michel Bujold voulait qu’on arrête se rouler dans le trou de bouette juste avant l’arrivée sur le bord du chemin de fer!

Johanne Johnston s’est gentiment occupée de laver mon bike ( et celui de Sonia) pendant qu’on prenait une bonne douche, sans attente ou presque! Pauvre Johanne, elle a fait 6 flats samedi avant de se résoudre à abandonner parce qu’elle était pu capable de réparer sa trip!! J’ai voulu profiter d’un massage mais la madame, la même que samedi, prenait pas de rendez-vous et elle était pas capable de donner d’idées sur la durée avant que notre tour vienne. J’en ai alors profité pour lui expliquer comment les massos ailleurs faisait pour prendre des rendez-vous. Elle disait au p’tit monsieur qui attendait qu’elle ne comprenait pas comment ça se faisait qu’on demandait tous ça! Je lui ai donc offert une critique CONSTRUCTIVE, en faisant un p’tit dessin avec des p’tits carrés pour le nom de ses massos, les blocs de 20 minutes, les trucs pour savoir qui a payé et qui a pas payé, les breaks et les repas des massos. Elle avait jamais vu ça!!! Les p’tits monsieurs en attente devant moi, m’ont même applaudi! La joke c’est que c’était tellement long comme attente, que j’ai même pas eu le temps de me faire masser! Un autre 14 $ à l’eau!

Anecdote en prime: Y a une affaire que j’ai oubliée et qui était drôle dimanche. Y a un gars dans une portion descendante assez rapide qui arrive en arrière de moi en fou en criant à gauche…. J’me tasse un peu mais je ralentis en voyant que ça vire à 120 degrés 25 pieds plus loin… Le gars me passe et essaie de breaker à la dernière minute pour virer mais…. il se met à capoter… AAAAAAHHHHH… tab…. et il aboutit dans le champ… Je continue, je vire et je lui dit: T’as vraiment l’air idiot! Plus fou que ça tu meurs! Lui de me répondre : t’as ben raison mais dit le pas à personne!!!!!

Je suis contente quand même de mon raid parce que je suis restée concentrée pendant les 2 jours. Nous étions 3 dans notre catégorie alors j’ai pas de mérite à avoir eu le bronze mais c’est pas grave, ce que je trouve cool c’est que j’ai une photo d’un podium avec Odette Lapierre. Elle est mon exemple et la preuve que tout peut se faire, faut juste vouloir! Elle commence tout le temps lentement pis 15 minutes après le départ, elle met le turbo!!! C’est époustouflant à voir aller… L’année prochaine j’vais essayer de mettre le truc d’Hell Ben en application! (NDLR: Impossible de savoir quel est ce truc, JR dit qu’il ya un copyright la-dessus) (NDLR à propos de tous les chiffres mentionnés dans cet article: Il ne faut pas tout prendre pour acquis des résultats annoncés par une comptable agrée qui travaille chez PriceCoopersWaterhouse. Des fois, ils interprètent un peu)

L’avantage de pas avoir poussé comme ça c’est que j’ai des pattes presque neuves pour la Coupe Qc au Massif du Sud en fin de semaine!

Morale
1. Faut jamais enlever ses lunettes dans un raid…
2. Faut faire percer des trous dans un cadre de bike quand y a pas de trous pour un porte-bidon.
3. Faut faire des dorsaux pour être capable de trainer un plus gros camel back, la prochaine fois… FINI les bébés camel back!!!
4. Faut être affamée!


Podium maître expert femme, Josée, l’auteure, est sur la 3e marche, et France Lacroix, sur la deuxième marche, n’a pas mis son chandail Mont-Vélo/Import-expert. Belle mentalité. Des sanctions seront prises.


Devinette de la semaine: Qui est-ce qui manque sur cette ligne de départ des hommes Élites/Experts?