C’est pas tout le monde qui est appelé à faire des tests anti-dopage. C’est réservé à l’élite. Moi-même, ça m’est arrivé une fois dans ma vie. C’était à l’arrivée d’une Coupe Canada en Nouvelle-Écosse, à la suite d’une performance attirant les soupçons, genre 45e. J’ai bien ri quand ma sympathique ange-gardienne est venu me prévenir que mon nom avait sorti et qu’elle restait avec moi pour qu’on aille faire pipi ensemble.
Passer le test d’urine est aussi un privilège réservé aux Champions du Monde Masters, autre tentative de l’UCI pour faire croire qu’on nous prend au sérieux. À Bromont, en août dernier, ma chumme Isabelle a passé une éternité enfermée dans le chalet en attendant de passer son test, pas parce qu’elle avait pas envie, mais parce qu’on a cherché pendant une heure la préposée et sa trousse. Le lendemain, Pierre Gendron passait lui aussi le test, suite à la glorieuse performance décrite dans une chronique précedente.
Pierre nous raconte comment ça s’est passé pour lui:
C’était en 2002 (tiens, un palindrome en maths, mais je préfère 1961, c’est un palindrome 180 degrés), aux Masters. La rumeur voulait que l’UCI allait être sévère et faire beaucoup de tests anti-doping; ce que l’organisateur de l’événement n’aimait pas du tout. Pas parce que Richard Deslandes favorise le doping, mais parce que chaque test lui coûte une beurrée. Sûrement que Richard oubliait qu’il habite le pays qui a eu le déshonneur de voir un de ses nouveaux citoyens (Ben Johnson) passer de héros à zéro en l’espace de quelques heures ( notre premier ministre québécois actuel n’est pas étranger à ce dossier) et donc le Canada se fait le champion de la course propre tellement que la cathédrale de l’anti-doping mondial est sise à Montréal.
Donc la rumeur était vive.
Chez les Masters de ma catégorie d’âge on ne craint pas de tester positif sinon à la Bud (USA) au Baby Duck (Ontario) ou au Piat d’or (Québec). Il y a bien quelques rockers (anciens ou actuels) qui ont le joint nerveux mais bon…c’est comme rouler à 130 sur la 20, t’espères toujours que lorsque tu vois les flasheurs bleus et rouges c’est parce que la police est déjà en train de rédiger un ticket à un autre!
C’est donc sous un soleil radieux que les qualifs en descente se font et que la course a lieu.
En 2002, l’ordre de descente était des plus jeunes au plus vieux (malgré le temps ensoleillé…et non pluvieux). Comme je suis dans l’avant dernière catégorie, ma fin de course n’est pas loin de la cérémonie de remise des médailles…si j’en ai une- car nous sommes 4 dans ma catégorie ! )
En haut de la montagne, chacun y va de son petit rituel pré-descente. Ça tourne en rond sur le vélo, je soulève mon vélo à plusieurs reprises pour réveiller mes faibles muscles endormis depuis la descente de qualif, d’autres parlent fort en décrivant avec force gestes les « mother fuckers » qu’ils ont jumpés au péril de leur vie. Étant donné l’heure tardive, il n’y a évidemment plus d’eau près de la zone de départ et les commissaires gardent leur bonne humeur malgré tout. L’équipement de descendeurs en prend un coup dans la section « odeurs corporelles ».
Puis c’est la descente. (non je ne ferai pas ici la description exhaustive de celle-ci, l’exercice a déjà été fait plus tôt cette année) À l’arrivée, à bout de souple et avec les yeux rivés sur l’ALGE aux chiffres verts-jaunes j’apprends que je suis ok pour une médaille d’argent.
Félicitations d’usage au premier et troisième……
Je n’avais pas porté attention à un officiel qui me talonne jusqu’à ce qu’il me dise que je fais partie de la liste des athlètes qui doivent passer un test d’urine.
Ma première réaction est de chercher la caméra cachée et de lui faire un beau bonjour. Mais non c’est sérieux, l’homme tout en étant cordial me fait comprendre que je ne pourrai pas l’éviter.
Bon , dans l’fond c’est presqu’un honneur qu’on me fait. Ça consacre le fait que j’ai une médaille aux Masters et qu’on fait confiance à ma prostate!
Je me rends donc au bureau où la madame pipi/commissaire me présente le médecin affecté à la récolte (un certain Alain Calvez) et me donne les directives tout en me présentant le récipient à remplir (code flacon 190085 A+B).
Elle me donne des bouteilles d’eau et m’invite à boire.
Je suis déshydraté et bois donc goulûment cette eau providentielle , mais mon équipement commence à exprimer son envie (que je n’ai pas encore) d’abandonner le lien qu’il a avec moi depuis quelques jours chauds. Je l’enjoins à la patience
Je fais la petite conversation avec les athlètes qui sont dans le même cas. Je rigole en voyant la commissaire expliquer en franglais+gestes à une descendeuse asiatique (qui ne parle pas les deux langues officielle) l’opération à être faite. Heureusement que l’athlète comprend rapidement car je voyais mal la commissaire passer en deuxième phase explicative qui aurait nécessité un niveau d’abstraction moins élevé, tout ça au profit de l’utilisation de gestes plus précis et même de bruits! Ouach!
Heureusement un(e) downhilleur(e) ça comprend vite!
Donc je bois et conserve malheureusement tout à l’intérieur. Faut croire que je ne fais que rétablir l’équilibre aqueux de mon corps (ici les jeux de mots sont faciles, lâchez-vous lousse).
J’entends sur le CB de la madame pipi que la cérémonie des médailles se précise et que plusieurs athlètes ,encore en train de boire de l’eau, sont attendus.
Puis après un certain temps, je me crois apte à remplir le destin de la petite capsule de 75 cc (je crois) . Le doc Calvez m’invite à passer dans une minuscule salle de bain pour faire l’opération. Je lui indique que c’est très petit et que son système d’odorat peut être atteint de façon permanente. Il me répond avec flegme qu’il en a déjà vu d’autres et que toute façon il ne doit jamais me perdre de vue jusqu’à la fin de l’opération.
Nous passons donc dans la petite salle; une partie de mon équipement se baisse (le mot équipement est ici pris dans le sens d’équipement de protection) et désespérément je tente de combler le 75 cc. Mais un maigre 10cc me renvoie mon échec et aussi un souvenir de tounes Rock N Roll.
Je reste tout de même dans la petite pièce et le bizarre (ou le ridicule) s’installe.
Je suis là, debout, mes pantalons de descente par terre, j’ai encore mes jambières, mon maillot et plastron. Je pue, il fait chaud.
J’ai à la main un petit bocal ridiculement presque vide et pour passer le temps je parle avec un médecin .Nous parlons des vins de sa région natale (Loire), évidemment des châteaux, il me demande de lui parler de l’histoire du Québec.
Une conversation digne des salons du XVIII ième siècle .
Quel contraste.
Mais réalisant que malgré tout ça ,mes sphincters étaient moins actifs que mes synapses., je dois donc remettre mon pantalon et aller m’asseoir dans la salle qui se vide lentement. Il ne reste que quelques descendeurs ( il n’y a plus de descendeuses!) et la cérémonie des médailles/maillots arc en ciel , fleurs et hymnes nationaux est retardée.
Ça commence à être platte!
Je dis en farce au docteur et à la commissaire/pipi que de la bière pourrait nous aider à attendre la crue du fleuve jaune.
Le docteur nous informe que la bière n’est pas contre-indiquée dans le cas qui nous intéresse.
Voyant l’impatience des organisateurs, notre commissaire demande que nous soit livrée quelques bonnes bières froides.
J’en fais l’annonce aux descendeurs anglophones qui restent et la joie enlumine des visages qui commençaient à ressembler à celui des « clients » de salle d’attente d’hôpital un week-end.
Houblon et malt n’ont pas manqué à leur double devoir : la bonne humeur est revenue et les petits 75 cc n’étaient pas assez grands.
La cérémonie des médailles a eu lieu mais elle était un peu longue quoique joyeuse. Pendant le Star Spangled Banner j’aurais eu besoin d’un autre petit 75 cc.