Courrier des lecteurs: Gérer l’effort dans une course de XC

Voici la question adressée par un lecteur assidu anonyme suite à la course de Bromont:

« Gilles, une petite question XC Compé si ça ne te dérange pas…

Les courses de XC deviennent maintenant plus longs pour moi (1 tour de plus en Expert). Ceci laisse à mon avis plus de place pour l’usage de la tactique.

As-tu des conseils à me donner? Des trucs « classiques » que tout bon coureur XC devrait savoir? Comment te « pace »-tu dans une course XC: à fond de bloc tout le long, ou bien un peu plus modéré pour terminer plus fort? Les grimpes à piques, tu te pace? Ou tu les clenche et récupère du méga-effort plus tard?? »

Se pacer en course est tellement important. C’est souvent ce qui fait la différence entre un résultat satisfaisant ou pas. Si tu te paces trop lentement, tu arriveras à la fin de la course pas trop magané, mais avec le sentiment que tu aurais pu faire mieux. Si à l’inverse tu pars trop vite, tu vas sauter avant l’arrivée, et perdre plusieurs rangs. En principe, les temps de tous tes tours devraient être à peu près égaux.

C’est ce qui est arrivé à Bromont à quelques coureurs de ma catégorie, plus forts que moi, mais qui sont partis en essayant de suivre plus forts qu’eux… ils ont sauté et fini dans le champ. C’est aussi ce qui arrivait dans les Coupes Québec Élite à un dénommé Zacharie Labbé il y a quelques années. Il partait en fou (un vrai senior sport) et pétait au frette 2 tours plus tard, (quand il ne se plantait pas dans le décor en arrivant trop vite dans les obstacles). Depuis, plus de signe de lui. Sauf qu’il a dû apprendre à se pacer entretemps, car à Bromont, il termine deuxième!! (mais se plante encore dans le décor à Tremblant).

À la longue, on trouve quel est le niveau d’intensité qu’on peut supporter pour rouler égal à tous les tours. Un cardiofréquenciomètre est très utile pour déterminer et respecter ce niveau d’intensité. La première saison où j’en ai possédé un, je me suis aperçu à l’entraînement que je pouvais supporter une fréquence de 180 pendant deux heures trente. C’est donc devenu ma mesure étalon à ne pas dépasser en XC. En raids, cette mesure tombe à 170. Depuis quelques années, je ne porte plus de montre, je me connais suffisamment pour savoir quand j’abuse ou quand je me pogne le bacon.

Cette fréquence de croisière max est évidemment différente pour chaque individu, à chacun de trouver la sienne. Bien sûr, dans une course, il y aura des pics où la fréquence dépassera ce chiffre et il faut faire preuve de jugement selon le moment, en se basant avant tout sur ses sensations. C’est parfois payant de « donner un coup » au bon moment, comme ça peut être catastrophique.

Voici quelques exemples, touchant différents aspects tactiques:

Dépassements: J’ai un adversaire 10 secondes derrière moi, le sentier est large et entre dans le bois dans 200 mètres. Devant, il y a 3 coureurs d’une autre catégorie à lapper. J’attends le bon moment et je donne un coup pour les dépasser juste avant d’entrer dans le bois. Ma fréquence grimpe à 195 mais je pourrai récupérer pendant que le gars derrière sera coincé par les 3 concurrents. Avant de faire ça, je dois juger si j’ai les jambes pour le faire, car si je suis dans une mauvaise journée ou si j’ai trop souvent dépassé ma limite-cible avant dans la course, je ne récupérerai jamais de ce move.

« Grimpes à pic »: Habituellement, je donne un bon effort dans les « grimpes à pic » comme tu le dis si bien. Compte tenu de mes habiletés personnelles, c’est le bon endroit pour moi pour creuser les écarts (ou réduire l’écart avec ceux en avant!). Je sais que je pourrai récupérer après. Je fais quand même attention de bien mouliner, afin de ne pas me scrapper les jambes ou le dos. Les seuls cas où je ne donnerai pas l’effort maximum en montée, c’est si je sens que ça veut cramper, en fin de course, ou si la montée est suivie d’un passage technique, où je ne pourrai pas récupérer, et où j’ai besoin de pas être trop « ouvert » pour piloter convenablement.

Passages techniques: Parlant de technique, encore une fois, vu mes habiletés personnelles limitées, c’est l’endroit privilégié pour récupérer. Rien ne sert pour moi de forcer pour aller à 20km dans un singletrack où je dois freiner et relancer à chaque tournant, et risquer de frapper une roche ou un arbre. La clef pour bien performer à vélo est d’économiser ses forces. Vaut mieux que j’y ‘cruise » à 15 km/h ou à la vitesse qu’il faut pour ne pas avoir à freiner et ne pas risquer de me planter. En sortant du bois, j’aurai amplement l’occasion d’ouvrir la machine.

Feed-zone: Si comme moi tu portes un Hydrapak en course, remarque dans le parcours les bouts tranquilles où les gars ralentissent pour prendre une gorgée à leur bidon, ce sera l’occasion de leur lâcher une mine en course. Même chose dans le feed-zone, où ils ralentiront pour changer de bidon. Toutefois, tiens-toi loin des ravitailleurs qui peuvent surgir et te couper le chemin à tout moment. JP Provost l’a appris à ses dépens l’an dernier, la fois où la blonde à Ian est entré en collision avec lui, alors qu’à la fin de dernier tour, Ian et JP luttaient pour le titre de champion québécois. Il faut admettre que 400m avant l’arrivée, il était impératif de lui remettre ce bidon étant donné qu’il suit maintenant le chemin droit dans vie.

Pour finir sur une note positive et motivationnelle, rappelons que si tu t’es bien pacé, tu termineras ta course complètement fait et complètement satisfait. Il est particulièrement facile de ralentir le pace en fin de course, quand on voit plus personne en avant ni en arrière, et qu’on est conscient que notre rang ne changera pas. C’est à ce moment qu’il faut se rappeler qu’on court pour un résultat cumulatif qui marche au pourcentage vs le gagnant (sans vouloir trop glorifier ce fameux cumulatif, car plusieurs virent fou avec ça) et que chaque seconde compte et qu’il faut continuer de se défoncer, on sera encore plus fier de notre classement à la fin de l’année.