Mon Raid Trans-Gaspésien, par Denis Bouchard

Lorsque je prodigue des conseils aux lecteurs, grands et petits, j’aime bien me faire récompenser par le récit de leurs aventures. Denis Bouchard m’était redevable à ce point de vue, mais croyait dur comme fer que son histoire n’intéresserait pas nos lecteurs, habitués aux rapports des « riches et fameux » coureurs élite, fleurons glorieux illuminant le firmament des exploits cyclistes. Je ne suis pas d’accord. Nos lecteurs en ont autant à apprendre de Denis que de n’importe qui et plusieurs se reconnaîtront dans les péripéties vécues au coeur du peloton lors du Raid 2004. À toi Denis.


Salut Gilles,

Voici un court récit de mon premier RTG. J’avais bien hâte de faire ce raid dont plein de monde me parlait. Ça s’est passé assez bien. En tout cas, j’ai eu du fun et c’est ce qui compte. Comme tu m’as demandé mon histoire après le RAID, mes souvenirs sont un peu loin et je te raconterai pas toutes les beautés des paysages mais ma petite histoire personnelle.

En tant que membre Durand, j’ai opté pour la formule « forfait organisé » par Dominique Babin, alias Doum, Discobab, etc., le « coach » RAID des Durand qui ont un intérêt pour les RAIDs. Le forfait organisé par Doum comprend: les véhicules de transport (SUV, fourgonnettes, trailer Durand) , l’hébergement, la bouffe et les breuvages alcoolisés ou non (ça peut expliquer ou justifier certaines performances ?) chez les Babin à Caplan.

On est environ 22-23 à se donner rendez-vous le 23 juillet au matin dans le parking de la célèbre quincaillerie portant le nom du non-moins célèbre club de VM. Étrange coincidence, non ? On est en train de paqueter les vélos et les stocks dans les fourgonnettes et il pleut: on fait tous des jokes sur la température mais dans le fond de nous-mêmes on trouve ça platte en #$% ?%&*(.


Denis Bouchard est premier, à gauche, dans la rangée du fond, portant fièrement un maillot avec un gros coeur
Merci à Geneviève Larouche pour la photo!

On roule sous la pluie jusqu’à Rimouski où on arrête se bourrer de pâtes et de pain au Pacini. On y traverse en courant sous la pluie. Ouais, ça augure vraiment bien ! J’ai vraiment faim et la grosseur des portions me déçoit un peu mais en y ajoutant 6 belles grosses tranches de pain de ménage bien grillées, le dîner me comble finalement. On arrive assez tôt dans la soirée à Caplan. Ils sont vraiment accueillants ces Babin. Y’a du monde partout dans la maison, dans la cour et dans le garage qui devient le temps de cette fin de semaine « la shop » où tous et chacun font de savants réglages de dernière minute. Un super souper d’avant course nous attend grâce au travail du « team support » ! Après le souper, on se ramasse presque tous à regarder le TDF à la télé suivi d’un petit briefing de Doum sur la première journée qui nous attend et quelques conseils sur le RAID. Y’a aussi un grand intérêt pour la météo : les prévisions sont pas pires : ça devrait se dégager.

On doit être environ 25 « invités » à coucher un peu partout dans la grande maison des Babin sans compter tous ceux qui campent en tentes et en tente-roulotte dans la cour. La nuit venue, je me retrouve à dormir sur le plancher d’une chambre avec comme premier devoir le chaperonnage de notre seul coureur élite du club et de sa blonde afin qu’il n’épuise pas trop ses énergies avant la course ! Le secret interclub m’impose le devoir de silence sur le succès de cette tâche.

Samedi matin, je me réveille sous la pluie qui claque le toit mais ça arrête ensuite. On prend un super déjeuner ou retrouve à peu près tout ce que vous pouvez trouver dans un menu de déjeuner et encore. On se rend au Mont Albert à une vitesse d’enfer : un Durand Boy un peu anxieux d’être à l’heure étant au volant !

Le départ est donné et je constate que c’est roulant: excellent me dis-je, j’ouvre les gaz et passe d’un groupe à l’autre en maintenant les pulsations pas mal hautes mais je me rappelle avoir lu récemment le conseil « Race your strenghts ». Cependant, juste avant d’arriver à la traversée de la rivière, de brutales crampes arrivent dans mes quadriceps. Je démonte du vélo et commence la traversée de la rivière : oh misère, les contractions répétées de mes jambes pour ne pas glisser sur les roches au fond de l’eau font que ça crampe encore plus. Tellement, que je suis complètement « jammé », arrêté en plein milieu de la rivière avec le vélo dans les bras. Le bénévole situé de l’autre côté me regarde et je me trouve tellement ridicule que je me sens obligé de lui lancer assez fort « chus crampé » en haussant les épaules. Ça finit par finir et moi par repartir. Les crampes reviennent quelques secondes après la traversée et dureront jusqu’à la fin de cette première journée. Faudra que je mouline un peu plus en évitant de torquer pendant un certain temps.

Finalement, ma première journée s’est passée assez bien au niveau des résultats : 5h17, 5e sur environ 70-80 participants 40-49 Sport si je me rappelle bien du nombre. Le soir venu, en jasant avec les autres Durand , plusieurs m’expliquent la cause probable de ces crampes: j’avais probablement battu un record d’ingurgitation de sucre qui avait jammé mon estomac: presque 2 petits flacons d’Hammergel+ 5-6 demi- bananes, pas mal de Gato (3 litres) mixé un peu plus faible que la recette de la canne, quelques gobelets de Gato saisis à la volée et presque pas d’eau. Au souper d’ailleurs, j’avais presque pas faim de spaghetti (ce qui est exceptionnel même quand je dépense pas d’énergie !) car mon estomac était sans doute encore en train de digérer tout ce sucre.

La deuxième journée s’est pas aussi bien passée que la première, du moins pour les résultats. Mieux sur la plan physique mais moins bien sur le plan pneumatique. Malheureusement pour moi, un dénommé et expérimenté Gilles Morneau a eu raison quand il m’a déconseillé de mettre un Continental Twister Supersonic, même à l’avant. Avec ma petite tête de cochon et mon goût du risque pour avoir quelque chose de très roulant, j’avais laissé ce pneu à l’avant. Après tout, je me disais que j’avais pas flatté samedi dans les descentes de roches bleues coupantes. Et bien, dimanche, j’ai flatté 4 fois mon pneu avant. Le premier flat arrive dans un petit faux-plat descendant tranquille. Bon, ce sera l’occasion d’une autre « première », l’essai de ma pompe CO2. Bien placé dans le foin sur le bord du sentier, je démonte assez rapidement ma roue avant, je réussis à monter la cartouche plus ou moins rapidement, visse la pompe sur la chambre à air, lève le petit levier orange de la pompe Topeak et … quoi, rien qui se passe. Paniquant un peu. J’essaie le levier une deuxième et troisième fois et l’air finit par sortir. Sauf que là c’est l’inverse : je panique un peu car je me demande s’il faut que je l’arrête pour éviter de faire exploser le pneu. Craintes non fondées finalement. Bon, j’suis prêt à remonter la roue. Je constate que j’ai tellement dévissé vite l’écrou du » quick release » que ce dernier n’est plus sur la roue. Je cherche et trouve le petit écrou dans le foin mais je ne trouve plus le quick release. Shit, je me dis que je viens de retrouver un minuscule objet dans le foin (l’écrou) mais que je trouve pas le plus gros. Je le retrouve enfin après 2-3 minutes de recherches à fouiller dans le foin comme un chien cherchant son petit os. Puis deuxième flat encore en avant que je gonfle à la pompe cette fois sans avoir rien perdu. Je trouve ça un peu bizarre de flatter moi qui ne flatte pratiquement jamais et qui roule avec une pression assez haute. Et en plus, les deux fois c’était en avant. C’était pas fini : un 3e et 4e flat, toujours en avant, surviendront plus tard cette journée. Je capotais encore plus. Après avoir passé mes deux chambres à air, j’ai dû quêter une troisième et ensuite une 4e chambre à air sur le bord du sentier. Au milieu de la 2e journée, c’est pas évident les dons de « trippes ». Un Durand roulant Tubeless m’a fourni la troisième (sa seule chambre à air, merci Alain!) après 10 minutes d’attente et ce fut encore plus long pour la quatrième.

Une inspection du pneu bien peinard chez moi le lundi soir me permettra de comprendre la cause de tous mes déboires: le Twister Supersonic a coupé sur 1,5 cm presque de bord en bord( les fils de la carcasse étaient encore là) sur la bande de roulement. Le problème c’est que j’avais pas vu ça une fois le pneu à plat à chaque fois et je remettais chambre à air sur chambre à air. La prochaine fois, je me promets de faire une inspection plus sérieuse du pneu par en dedans et aussi par en DEHORS, surtout que j’avais des patches à pneus Park Tool.. . Donc, après toutes ces crevaisons, ce qui était une course pour un podium possible (ben oui, j’avais des espoirs !) dans ma classe s’est transformé en une randonnée car j’ai fini 20 ou 22 cette journée-là pour un classement global de 10e dans ma classe. C’est curieux mais maintenant j’ai bien plus le goût pour des Tubeless…

Mes impressions finales: belle expérience. Un raid roulant. Pas aussi varié à mon avis que le défunt RPH qui nous offrait pas mal de variétés: montées de la première journée, vallons montées-descentes deuxième et single track à la troisième.

Un peu comme le RPH cependant, ce raid est très populaire et on entend souvent plus parler des petites choses qui clochent que de tout le travail des organisateurs. Cependant, y’a des petits points qui mériteraient d’être améliorés pour ce RAID:

  1. Les douches brûlantes (pas Très chaudes, BRULANTES) à l’arrivée de la deuxième journée (tous les mecs se lavaient soit au lavabo soit dans la zone des douches en trempant une débarbouillette ou leur chandail. C’était vraiment pas agréable.
  2. L’annonce du kilométrage à la première journée : les commissaires avaient proclamé juste avant le départ que le parcours avait été mesuré par un 4-roues et avait précisément 126km. Or, après la journée, presque tout le monde avait 117 km. C’est étrange que les commissaires ne sachent pas qu’il n’y a rien de plus imprécis qu’un compteur de 4-roues. Moi, ça me dérange pas trop surtout quand c’est plus court. Mais plusieurs coureurs font des allergies aux distances imprécises…
  3. La signalisation déficiente même si ce fût à un seul endroit à mon avis : là où pas mal de monde ont passé et pris le trajet du petit RAID. C’était un endroit ou il y avait deux pancartes l’une par dessus l’autre : l’une montrait tout droit et l’autre indiquait de tourner à gauche. J’ai suivi la direction « gauche » en me basant comme logique qu’il devait y avoir deux pancartes et que l’une avait tourné de 90 degrés en raison d’une corde détachée. J’ ai été chanceux car il paraît c’était écrit en tout petit au crayon feutre pastel: petit raid dans le bas de la pancarte qui indiquait d’ aller tout droit et grand raid dans le bas de l’autre. J’ai jamais vu ces tout petites inscriptions écrites au feutre pastel. Faut dire que quand les pancartes sont placés dans un buisson et que t’as les lunettes un peu sales de sueur et de poussière, c’est pas évident.
  4. Le temps, non le délai, le retard, pour la remise des médailles. Ce fut très long., très en retard. Peux-pas dire de combien cependant. Ca affecte ceux qui comme moi sont en groupe organisé dans lequel y’a des copains de club qui ont gagné des médailles et pour qui on se fait un devoir et un plaisir d’applaudir. Ça explique peut-être aussi pourquoi ton rédacteur, un peu beaucoup pressé au volant, s’est trompé de route à Amqui et a dû revenir sur ses pas.

À la prochaine !