Steve Tremblay, le gringo au Guatemala

Steve Tremblay, coureur de la région (ex-membre de l’exécutif de l’association), habite maintenant à Ottawa mais s’ennuie beaucoup de nous. Il nous avait raconté ses aventures en Amérique du sud il y a pas longtemps. Voici un nouveau chapitre, où il prend le départ d’une course de route au Guatemala. Faut le faire!


Dieu a voulu que je tombe en amour avec une guatémaltèque il y a 6 ans. Depuis, le Guatemala c’est mon deuxième pays. Pendant la période des fêtes 2004-2005, je suis retourné la-bas pour la Xième fois. Barbarena, la ville où habitent mes beaux-parents c’est un peu comme le far-west. L’économie tourne autour du café, des cultures et des élevages. Il y a des montagnes et des volcans à toute destination. Je dirais qu’au moins 10% de la population est armée, 33% des «rancheros» portent un pistolet et 50% des gens portent un chapeau de cow-boy. Dans les voyages précédents, je regrettais toujours de ne pas avoir de vélo avec moi pour m’essayer dans ces cols interminables et dans toutes ces trails qui s’enfoncent dans la jungle. Eh bien, contre vents et marées, ou devrais-je dire, contre logique et budget, j’ai amené ma belle monture, ma bête: un hardtail Schwinn Homeground de 7 ans.

Steve et son épouse

Mes beaux-parents savaient que j’étais un fou du vélo. Ma femme s’est faite à l’idée qu’elle devait partager son homme avec sa deuxième femme «ma bête». Le reste de ma belle-famille est resté stupéfait. Me voir arriver avec ma boite à moitié défaite pleine d’outils, d’une pompe, d’un casque de vélo, de vêtements de fif et de ma bête.

Dans l’ordre: Deux filleules, les deux filles à Steve et une nièce

Au début, ils ne voulaient pas me laisser partir seul. C’est vrai que c’est dangereux. Se promener avec un vélo de la valeur d’un salaire annuel moyen dans la jungle, c’est pas safe. Surtout quand tu es blanc, que tu portes un casque et des vêtements de fif. Pour ma part, j’en ai vu d’autres et ce ne sont pas les paysans qui me faisaient plus peur mais plutôt les astie de chiens. Il y en a partout et ils courent après tout ce qui va aussi vite qu’eux. Depuis que je me suis fait attaquer par une meute de 15 chiens dans la jungle bolivienne, j’ai comme la chienne. Ça fait que j’ai fait quelques rides de 90 minutes autour du village de mes beaux-parents sans trop pousser l’aventure à l’extrême. Déjà que la morphologie du terrain et de mon corps rendaient toute trail extrême. À 1500m d’altitude, tu montes pendant 70 minutes et tu descends pendant 20 minutes. Bien sûr que mes 190 livres et mes peut-être 200 km de vélo depuis les trois derniers mois rendaient toute ascension assez extrême.

Le beau-pére et son café

Dans le cadre des festivités de la ville de Barberena, ils organisent plein d’activités dont une course de vélo de route. C’est alors que ma belle-famille s’excite et tous veulent me voir faire cette course. Mais je n’ai pas de vélo de route, j’ai amené avec moi mon vélo de montagne! Mon beau-père Esteban m’a trouvé un vélo de route que je pourrai utiliser pour la course. Quand j’ai vu le vélo, je n’étais pas très confiant. Quand je l’ai essayé, ça c’est confirmé. Je l’ai amené chez le mécano de vélo pour changer les câbles, les gaines, mettre de la graisse et de l’huile, gonfler les pneus. C’était un Shimano en acier monté en groupo inconnu, (sauf peut-être chez Cycles Royale NDLR). J’ai fait les ajustements de hauteur de selle, de guidon et j’ai mis mes pédales de vélo de montagne pour pouvoir profiter des avantages indéniables des souliers qui se fixent sur les pédales.

2 jours avant l’événement, je pars faire un test avec le vélo sur une route peu fréquentée. Après une descente à plus de 60 km/h j’ai eu toute une frousse quand est venu le temps de freiner pour éviter des vaches qui se prélassaient au milieu de la route. Premier constat, les freins ne fonctionnent pas à merveille. Maintenant, je dois passer sur des bosses dans la route pour que les voitures ralentissent. Alors je prends mon courage à deux mains et je tente de jumper les bosses. À la réception de l’autre côté, le vélo à fait un bruit très peu convaincant et j’ai comme perdu le contrôle du vélo pour quelques secondes. À 50km/h, ça laisse des traces de brakes dans les culottes de fif. Second constat, le vélo n’est pas solide. Maintenant que je viens de descendre, il faut que je remonte et c’est alors que j’entame une montée de 7 km qui se monte en première vitesse (39X28). Lorsque la pente est abrupte, je me relance debout sur le vélo pour ne pas perdre de vitesse et pour changer le mal de place. Je sens que le vélo plie sous mon poids et que ma relance n’est pas si bonne que ça. Troisième constat… reste assis! Finalement, j’arrive au sommet de la montagne et je me prépare à faire une descente, alors que je vois d’autres bosses pour ralentir les voitures, j’arrête de pédaler pour ne pas me planter après un jump et voilà que la chaîne se prend dans les rayons, le dérailleur tordu. C’est la roue libre qui n’est plus libre. Conclusion, c’est de la marde ce vélo.

Il paraît qu’il y a un gars qui a un bon vélo. Peut-être qu’il pourrait me le louer? Nous allons le voir et il accepte de prêter son vélo mais il faudrait changer le pneu avant car il est tordu. Nous allons chez Chimo pour lui acheter un pneu. Chimo a une bicyclette pas pire qu’il accepte de nous vendre à 1500 Quetzales (240$). En fait c’est un cadeau de mon beau-père Esteban. Gracias. Malgré que la bicyclette pèse plus que mon vélo de montagne, elle roule bien, freine bien et semble solide. Quand je donne un coup de pédale, je n’ai pas l’impression qu’elle plie sous mon poids. La journée avant la course, j’ai été l’essayer sur une autre route tranquille. J’ai fait 40km qui consistaient en 10km de montée, 10 km de descente et de retour, 10km de montée et 10 km de descente. Belle préparation pour la course. Même si on veut aller lentement et prendre ça mollo, c’est impossible avec ce type de circuit. Rappelez-vous que le Guatemala est une terre de montagnes et de volcans, difficile de faire autrement.

Avec son teint blafard, Steve était le coureur marqué dès le départ

Jour de course. Sur le dépliant c’est écrit que le départ est à 9h00. Je décide de me rendre à vélo sur le lieu de départ, question de me dégourdir les jambes dans la montée de 6 km qui mène au départ. Il y a beaucoup de traffic sur la route pan-américaine. Les «chicken bus» (autobus scolaire de toutes les couleurs) projettent dans l’air des nuages noirs qui saisissent les poumons au moment de respirer. Je me dis que ce n’est pas si pire que les cyclistes du tour de France des années 50 qui fumaient des cigarettes dans les montées. À cette époque, ils croyaient que fumer augmentait les performances des poumons… J’arrive à 8h30 bien intoxiqué de CO2. Ça sert à rien de se presser, probablement qu’il y aura du retard. Les coureurs arrivent. Il y a des vélos de toutes sortes et des équipements de toutes les époques. À un certain moment donné, je me crois dans les années 80 quand j’ai débuté ma modeste carrière de coureur. Mais je suis perplexe sur mes chances de finir dans le peloton. La course consiste à 12.5 km de descente, 12.5 km de montée aller-retour et le plus gros après moi doit faire dans les 140 livres. Finalement, le départ est donné à 10h30 (1h30 de retard c’est quand même beaucoup…). Avec mes 190 livres, je dois freiner pour rester dans le peloton des petits coureurs. Je me dis : » Chr*st! Ça pas de bon sens de freiner en descendant, qu’ils mangent de la marde, je pars! » C’est ainsi que je pars à un rythme normal, seul en échappée. Ma belle-famille est toute excitée de me voir rouler en première place. Comme la course a lieu sur la pan-américaine, il y a des voitures sur le parcours et parfois, je profite de celle-ci pour me faire drafter. J’arrive en bas de la côte de 12.5 km avec 2 minutes d’avance sur le peloton. Mais en bas, il y a un fort vent de face et je décide de prendre ça mollo jusqu’à ce que le peloton me rattrape. Je «toffe» comme je peux dans la montée mais je pette au frette à quelques 4 km de la fin de la côte. Je perds à peu près 2 minutes sur le peloton. Voilà de nouveau une descente, j’y mets toute la gomme et je réussis à rejoindre le peloton à près de 4 km de la prochaine et dernière montée. Je me dis: « Vais-je attendre la montée sans rien faire pour me faire larguer de nouveau? ». Je repars en échappée avec un autre cycliste qui n’ose même pas tirer une seule seconde. Après le premier pitch (genre 12% sur 1 km), je me fais rejoindre et dépasser par le peloton. Je finis seul la montée avec près de 15minutes de retard sur le gagnant. Seule consolation, j’ai au moins pas fini dernier. Il y en avait 5 derrière moi, sur à peu près 20 coureurs.

Le gringo en échappée, un parasite à ses trousses

Voilà pour ma course de vélo. Rien d’extravagant! Mais c’est mon genre de me lancer dans des défis impossibles et irréfléchis. La prochaine fois, je vais m’entraîner un peu mieux et tenter de perdre un peu de poids. Après cet événement, j’ai donné mon vélo à mon beau-frère qui devait marcher 1 heure pour aller à son travail et j’ai fait du vélo de montagne dans des décors et des pistes incroyables finalement. Et oui, nous sommes partis en voyage vers le nord du pays et je me suis payé un guide à Antigua. Je lui ai dit que je n’étais pas là pour prendre des photos, il a bien compris mon message et m’a donné toute une volée. 2h00 de vélo extrême à flanc de volcan. Jouissant. Ensuite, j’ai exploré les trails autour de la maison de la grand-maman qui vit dans les montagnes de Huehuetenango. Cette grand-maman-là, elle l’a l’affaire. Elle a 82 ans, vit dans une maison en bouette séchée, sans eau courante, sans électricité, sans fenêtre et sans accès par voiture. Elle va chercher son eau à pied et va à l’église 1 fois par semaine (1heure et demie aller et 2 heures retour, la maison est sur le top d’une montagne). Elle dit qu’elle a mal aux os!

Avec Grand-maman

À la fin de mon séjour au Guatemala, je commençais à me sentir à l’aise sur mon vélo et je pouvais pousser de gros braquets. D’autant plus que je ne me suis pas fait attaquer beaucoup par les chiens et que le plus dangereux, ce ne sont pas les gens mais plutôt les chauffeurs d’autobus. Je suis très content d’avoir amené mon vélo, d’autant plus que ça m’a rien coûté pour le transport avec American Airlines. Petit conseil, lavez votre vélo avant de le rapporter de voyage, les douaniers de l’aéroport d’Ottawa me l’ont presque saisi car il était sale. La terre sur le vélo peut être une source de contamination.