Cette photo n’ a pas été prise en 1960. Elle date de la fin de semaine dernière, où Michel LeBlanc participait au Marathon Canadien de Ski de fond à l’ancienne, accoutré ainsi pour célébrer le 40e anniversaire de l’événement. Méchant malade. Anyway. Michel nous a préparé un rapport complet de sa course qu’il a également envoyé à Guy Maguire, qui est plus vite que moi sur le piton et qui m’a scoopé de belle façon. Cliquez donc sur Véloptimum, pour lire le compte-rendu du roi des illuminés, ça vaut la peine.
Heureusement, Pierre Gendron est plus fiable et a respecté, lui, son contrat d’exclusivité avec les Chroniques de Gilles. Voici son rapport. On le remercie. Et on remercie Michel, et Guy…
Grosses journées
Les visiteurs de ce site sont habitués de lire des compte-rendus d’expéditions et de performances sportives hors de l’ordinaire, mais la Terre n’est pas seulement peuplée de Gilles Morneau, Catherine Corne, Huberte Lanteigne, Mireille Montminy , Michel Leblanc, J.A. Tremblay et autres matamores. Aussi, en attente de grands exploits, voici un petit témoignage de deux grosses journées passées cette fds en Outaouais.
Le tout a commencé cet automne. Cinq irréductibles skieurs de fond du club de vélo de montagne Québec Sportif, se cherchaient un défi autre que les loppets pour se donner un objectif sérieux d’entraînement. Le Marathon canadien de ski nous semblait approprié: 160 km de ski classique sur deux jours dans l’arrière pays de l’Outaouais et le tout n’est pas chronométré. C’est ce qui nous semblait le plus ressembler à un Raid de vélo estival.
Nous y sommes inscrits comme randonneurs et nous sommes entraînés depuis les premières neiges dans le but de le finir.
Michel Leblanc nous a déjà raconté son expérience de coureur des bois à cet événement sportif; mais ça ressemble à quoi ce Marathon si on est randonneur.
Le jour avant
Nous partons donc de Québec vendredi pour arriver à Ripon (ville de naissance du grand numéro 44) où un ami nous loge dans sa grande maison bâtie à côté du Lac en Cœur (30 minutes des lieux de départ et d’arrivée). Une fois installés le rouge , le spag font place au bleu (pas le fromage mais la cire de glisse) sont au menu. On ne veille pas tard. Le poêle à bois qui chauffe la maison est rempli pour la nuit et tous vont se coucher. Comme le départ est à 8, qu’il y a au moins 30 minutes de navette et que les skis ne sont pas fartés avec la cire du jour, le lever est prévu pour 5:30.Q
uelle horreur!
Très difficile de se lever: il fait noir, la poêle à bois est mort, il faut manger (et mon estomac dort encore) et le mercure du thermomètre dehors se cache dans la petite boule au bas du tube de verre. Gruau, café et œufs réussissent à aller se loger à la bonne place et semblent vouloir y rester.
Départ de la navette vers Buckingham où a lieu le départ.
Le départ
Les coureurs des bois sont déjà partis depuis 6 du mat et nous ,le peuple, partons à 8. À ma grande surprise et à ma grande joie, la compagnie SWIX nous offre de farter nos planches gracieusement avec la couleur du jour. Comme j’avais les doigts gelés, cette offre est providentielle
Il fait très froid et humide.
Le signal de départ est donné, nous passons d’une aire de départ de 6 voies à un parcours de 2 voies sillonnés par des gens qui s’en vont pour faire toute la distance mais aussi par des skieurs du dimanche et des enfants. (on peut faire des étapes de ce marathon – c’est un peu comme le défunt Petit Raid Pierre Harvey)
Il y a devant nous: des skis de bois et des bâtons bambou à gros paniers (comme ceux de Michel Leblanc), des skis à écailles, des skis avec cire permanente (est-ce possible?), des chauds habits de neige, des enfants avec des casques durs de snow, des messieurs et madames qui skient avec les bras tendus droits de chaque côté ; il y en a de toutes sortes. Malgré le fait que nous ne sommes pas chronométrés, l’impatience nous gagne et lorsqu’un gros skieur (il est déjà plein de neige après un seul km de parcours) se met à « back slipper » vers moi dans une pente à gradient de 2%, je mets le flasheur à gauche et entreprend la double opération de dépasser les différents bouchons dans un bel exercice de ski hors-piste et de m’excuser/remercier chaque personne.
4 kilos plus tard je me retrouve dans la bonne gang et ça va bien. Mes pulses se stabilisent et je me prépare à une bonne journée.
Je me fixe comme objectif de ne jamais skier essoufflé pour pouvoir durer jusqu’à la fin.
Les kilos défilent, je trouve mon tempo et commence à admirer l’environnement. Mon fartage tient très bien le coup. Je porte toujours mes maillots de vélo pour faire du ski de fond. Un maillot, une veste de vélo à manches longues et une petite sans manche m’offrent 9 poches de rangement dont 6 sont chauffées. Ainsi mes petites bouteilles de thé ne deviennent pas un autre parfum de sloche des dépanneurs Couche Tard et mes barres Equibar ne tombent pas sous la réglementation touchant le bois d’œuvre. En fait la seule affaire qui me bogue pendant cette première journée c’est qu’on me fait porter une espèce de dossard/tablier en papier qui est attaché dans le dos juste en haut de l’ouverture des poches arrière de mes maillots. Je risque une hernie discale et un torticolis à chaque fois que je dois prendre des choses dans ces poches. Heureusement que je ne dois pas y aller souvent car ,voyez-vous, les PC /poste de ravitaillement sont très bien garnis.
Le PC
Tout d’abord il est annoncé 5 km d’avance dans le parcours par une pancarte bilingue bleue. Elle déclenche habituellement un début de joie: c’est une autre étape de réussie; c’est la possibilité de faire corriger le fartage qui commence à souffrir d’un mélange de neige abrasive et de température qui varie et c’est surtout la joie de se mettre quelque chose dans le ventre.
Un autre panonceau nous prévient que le PC est à deux km, il nous donc ralentir. Sûrement que les coureurs des bois porteurs de gros sacs à dos à ce moment enclenchent leur Jacob (tout au long de la fin de semaine je les ai considérés comme des vans –ils sont gros, lourds et imposent le respect).
Arrivé au PC notre numéro de coureur est pris en note, on signe notre dossard/bavette et il nous est alors possible de refaire les forces. Le menu est intéressant: arachides, mix de fruits séchés et noix; glosette (aux raisins ou arachides je ne le sais pas); il y a aussi les biscuits en vrac brisés (figues newton et pépites de chocolat) il y a une soupe délicieuse (nouilles-légumineuses) et enfin les breuvages sont gatorade, eau, et un mélange eau/miel (le tout chaud ou froid au goût). Enfin il y a un cellulaire disponible à partir duquel on peut commander une pizza pour le poste de ravitaillement suivant (j’aimerais que cette suggestion soit appliquée en 2007).
Et pendant que vous mangez, si nécessaire, un expert vous offre de farter vos skis avec juste ce qu’il faut pour arriver sans heurts à l’autre PC. Je ne me prive pas de ce service car la veille je n’avais pas comme mes compagnons mis le klister de base avant les farts recommandés. Et l’érosion nivéale (je viens de l’inventer) ne se gênait pas pour priver mes semelles de ski de leur ration de cire de retenue et de glisse.
Le « cut off time »
L’arrêt au PC prend quelques minutes, que j’étire en début de marathon car les PC sont très souvent bien abrités , il y fait tiède et la musique est bonne. Mais on m’informe qu’il y a un « cut off time » au dernier ravitaillement. Ainsi pour les autres étapes je me prélasse moins qu’au premier. J’oubliais de dire que le service à ces ravis est assuré par des cadets/soldats de l’armée canadienne et aussi par des jeunes bénévoles tous aussi coopératifs que gentils.
Une fois sustenté retour vers les pistes , mais il faut aussi se réidentifier avant de les prendre.
Il y a 5 PC par jour de marathon situés à environ 1 heure et demi de ski entre chacun. Et à demi chemin entre ceux-ci il y a une table de rafraîchissement (eau froide ou chaude) offerte par l’armée canadienne. C’est d’ailleurs cette même gang de kaki qui nous font passer en toute sécurité les différents passages et traverses. Ce sont eux aussi qui mettent de la neige sur ces mêmes chemins pour réduire la quantité d’étincelles que font naître les graviers de ces chemins sous nos skis (les semelles de mes skis ressemblent aujourd’hui à des 33 tours de vinyle).
Comment faire plus de 7 heures de ski par jour sans trop s’ennuyer (portion dédiée à Indy)
Une fois de retour en piste on se concentre sur sa technique, on analyse l’état de ses forces, on est attentif à des douleurs naissantes et on en évalue la gravité; on prépare des recettes de cuisine, je tente de comprendre pourquoi mes mains gèlent après avoir mangé– même si je n’ai pas enlevé mes gants ni entré dans un refuge chauffé ou pas—, je pense à la saison de l’Association et avec toutes ses nouveautés, je prépare les premières lignes de ce texte, je tente de rattraper le skieur au loin devant moi (ce n’est pas une course mais ce n’est pas une promenade non plus— et il faut réussir à arriver au dernier PC avant l’heure de tombée— le dimanche cette heure de tombée était particulièrement difficile à atteindre-trois compagnons du club avons dû simuler une course entre nous pour trouver l’énergie et arriver au dernier PC, 3 minutes avant cette échéance; à 4 minutes c’était la déchéance!)
Comme le dit Michel Leblanc dans son compte-rendu, la deuxième journée est plus difficile que la première. Les 76 km du samedi se sont faits sur un dénivelé assez sobre (le schéma /carte de dénivelé ressemble à un graphique illustrant les pulsations cardiaques d’un babyboomer devant la télé). Le graphique du dimanche ressemble à celui du même babyboomer qui apprend de son médecin à quoi ressemble sa condition physique
Il faut durer et être habile
Faire ce marathon c’est faire deux grosses « journées à shop ». J’ai personnellement skié 7 heures et 15 minutes le samedi et une heure de plus le lendemain. Ce n’est pas seulement la fatigue accumulée ni les 4 km de plus qui font cette différence de temps entre les deux jours mais surtout le relief. Ça monte pas mal à pic entre le PC 4 et le 3 (oui l’ordre des PC est décroissant comme un compte à rebours) les montées en skis croisés sont très nombreuses.
Mais je dois aussi prévenir les deux ou trois lecteurs de ce texte qui voudraient essayer ça l’an prochain (il faut faire ça au moins une fois dans sa vie—tout comme il fallait faire le RPH au moins une fois dans sa vie) le MCS n’est pas à la portée de toutes et tous. Il y a bien la distance à parcourir qui est importante mais il y a aussi un minimum d’habileté en ski à avoir.
Les descentes demandent un minimum de contrôle de ses planches mais encore plus de courage. Cette année (je ne sais pas pour les autres éditions) les descentes étaient glacées comme les pistes de descente aux Olympiques de 2006. La descente en chasse-neige devenait inefficace. On sait qu’en se mettant en cette position, si on met le poids sur un ski automatiquement on se dirige vers l’autre côté, mais sur de la glace c’est le contraire ; un appui sur le ski droit t’amène vers la droite : une « talle » de petits arbustes m’a initié à cette variante de la règle du ski en chasse-neige. J’ai donc adopté pour les descentes suivantes : la descente en parallèle assistée (je prie Dieu de me permettre de me rendre en bas sans heurts) et la chute préventive (lorsque un skieur se plante devant toi ou que la forêt menace de me refaire une chirurgie faciale, je glisse comme le font les quart-arrières au football devant les demis défensifs qui aimeraient bien leur enlever le casque avec la tête encore à l’intérieur.)
La langue de travail
Pour faire ce marathon il est très utile d’être bilingue. Si on s’adresse en français à un skieur rencontré sur la piste, il y a un fort risque qu’il ne comprenne pas; si on parle en anglais on est sûr d’avoir une réponse ou du moins un son émis par une bouche la plupart du temps gelée de notre interlocuteur. J’en conclu qu’il est plus facile de parler en anglais qu’en français quand on est gelé.
En vrac:
Dimanche matin, jour 2, le préposé au départ nous a donné les dernières directives qui se perdaient dans la rumeur générale. Il nous a ensuite annoncé la présence d’un notable qui devait nous dire quelques mots (ce dont nous n’avions absolument pas besoin). Il le savait car le tout n’a duré que 15 secondes .. Mais le top c’est que le signal départ a été donné non pas à l’aide d’un pistolet mais d’un sac en papier brun qu’on gonfle et qu’on fait éclater.
Le traceur de piste demeure à Montebello (rue St Dominique), je le sais j’ai vu son gros BR jaune stationné sur le terrain devant sa maison.
Dans une section du parcours offerte au grand public, je suis arrivé à la hauteur d’un couple en ski qui se disait de gros mots, ils se sont arrêtés le temps que je passe et c’est reparti ensuite de plus belle. Qui de deux n’avait pas assez d’air loose pour pouvoir y aller seul(e)?
Les matins de grands froids, les poils faciaux s’ornent d’une fine dentelle de givre blanc, pour les hommes comme pour les femmes. C’est très joli et ça devrait être un élément de maquillage.
Chaque participant qui termine toutes les étapes reçoit une médaille d’or en souvenir.
En guise de conclusion
Comme après toutes les activités sportives de grande durée (marathon de course à pied, raids, grandes randonnées de vélo), on se jure à l’arrivée de ne plus jamais s’y faire prendre à nouveau; ces épreuves sont toujours trop longues, trop chères, trop fatiguantes. Dimanche, à Lachute je l’ai encore dit à ma compagne qui a esquissé un petit sourire. Elle l’a déjà entendu tellement de fois…
Il y a des photos de cet événement à cette adresse: http://www.lixar.com/csm/csm_photos/index.php