L’édition 2006 du pentathlon a eu le succès escompté. 210 participants se sont présentés, 145 individuels et le reste en équipes. Le résultats doivent être en ligne sur le site officiel, sinon, c’est une question d’heures…
Bravo à Julie Sanders et Raphaël Gagné, qui l’ont emporté. Bravo à tous les autres qui se sont dépassés. Bravo à jean-Charles et son équipe, qui ont augmenté d’une coche le professionnalisme du déroulement de l’épreuve. Bravo et merci à Pierre Gendron qui nous a pondu ce rapport:
Autour d’un lac gelé
Dans mon club de vélo de montagne (Québec Sportif) on a une grosse tradition de jeux divers d’hiver divertissants. En fait, cette deuxième édition du Pentathlon des Neiges est le tome 4 pour les membres de QS. C’est ce qui explique le podium tout QS chez les 50+.
Nous avons déjà fait un Défi Hivernal (4 épreuves) au Refuge de St-Adolphe, une autre édition à la Forêt Montmorency (4 épreuves) et finalement la première du vrai Pentathlon a eu lieu l’an dernier au Lac Beauport.
Faut aimer l’hiver beaucoup pour organiser et participer à ce pentathlon. Ça peut toujours aller d’accepter de faire à la suite, du ski de fond, de la raquette ,du patin de glace et de la course à pied, mais cela tient du masochisme quand il faut commencer le tout par une montée à vélo sur des chemins dont le revêtement est tantôt recouvert de neige, tantôt de glace usée, tantôt de sable/gravier ou de belle neige blanche propre (dans les sections plates du parcours) et le tout par un froid matinal à ne pas coller sa langue sur son guidon. Et que dire du FACTEUR ÉOLIEN si effrayant qui gelait dans mes lunettes mes premières coulées de sueur générées par la montée de départ.
Mais n’anticipons pas, pour celles et ceux qui ne l’ont pas fait voici ce à quoi ça ressemblait pour moi.
Première préparation
Ça commence samedi dans la journée. Je termine le balisage du parcours de raquette avec mon ami Georges Blais. Je l’ai amené avec moi car il ne connaissait pas le parcours et il pouvait à ce moment là corriger le placement des pancartes. Nous refaisons donc le parcours et jouons de la perceuse sans fil pour visser les flèches. Georges est ingénieur forestier et m’assure que l’arbre ne souffre pas de la présence de ces deux vis, il faut dire que le froid anesthésie les parties percées.
Ensuite avant le retour à la maison pour regarder les derniers moments des J.O. de Turin à la télé, nous sortons nos vélos du coffre de l’auto et faisons le parcours/vélo aller-retour, question d’évaluer les côtes, les types de revêtements et évidemment les pneus à favoriser. Georges roule sur son vélo de travail avec pneu arrière 2.1 cramponné et un pneu avant 1.3 semi slick. La combinaison parfaite , selon moi, pour se la casser d’aplomb. Et bien il n’en manque pas (d’aplomb) car après avoir grimpé les petites bosses il dévale les descentes glacées comme s’il était sur l’asphalte. Il favorise la ligne située en plein milieu du chemin luisant comme un miroir là où se trouve une petite poudre de neige . Pour ma part, je suis sur mon cyclo-cross Laflèche vintage carbone à pneus cramponnés de 1.3 et, dans les sections de descente, je tâte les bords de chemin plus enneigés. Il s’avère que ça brasse plus, c’est trop penché et on dévie de son parcours. Georges a la bonne ligne et prend beaucoup d’avance sur moi. Je le devine en train de rigoler et de se dire que le lendemain j’étais pour manger la neige derrière sa roue. Mais sa certitude n’est pas totale car il me demande si la Fédé permet les miroirs sur les vélos. Je lui réponds qu’il n’y a rien qui ne le défende et comprend qu’il veut m’avoir à l’œil derrière lui ou qu’il veut tout simplement me voir souffrir de son «eat my snow». C’est son genre.
On verra ça demain.
Samedi soir, j’écoute la météo pour savoir quel fartage appliquer. J’opte pour un vert du plus bel effet (le vert est dans ma palette de couleurs et s’harmonise parfaitement avec mes yeux me dit ma compagne) Ne voulant pas être mal pris dimanche matin car l’opération est longue, je «glide» aussi mes planches avec une cire chaude à l’avant et une plus froide à l’arrière. Le retour du parcours de ski classique aux Sentiers est quasiment 90% de double poussée ,l’arrière du ski est plus sollicité.
Je vérifie mon vélo, huile la chaîne, ajuste les freins, gonfle les pneus et décide de ne pas mettre d’aile arrière.
Mes raquettes MSR sont ok.
Mes patins de hockey (l’organisation du Pentathlon après avoir expérimenté les longues lames en 2005 a décidé arbitrairement et pour des motifs sans fondements de les bannir en 2006, quelle injustice!!!) à bottines faites d’un mélange carton et simili-cuir me semblent prêts pour affronter la rugosité du Lac Beauport.
Enfin mes souliers de course sont disposés à venir avec moi le lendemain.
J’identifie tout cet attirail avec du ruban où j’écris mon nom.
Si mon équipement est correct et prêt il me faut réfléchir aux transitions.
Les transitions
Le passage du vélo aux skis.
J’opte pour mon vieux casque de vélo qui se détache facilement même si mes mains gantées sont gelées. Comme j’aurai fait la section vélo avec mes bottes de ski de fond couvertes de «bottes de rubber» ces dernières s’enlèvent rapidement sans enlever mes gants.. Mes skis et bâtons seront dans mon sac mais je décide de ne pas attacher mes skis ensemble avec ses deux petites bandes de Velcro car en expérimentant , je constate qu’elles s’enlèvent mal si on garde ses gants et une fois détachées elles ont tendance à rester collées aux gants.
Le passage des skis aux raquettes sera simple
Je garderai mes bottes de ski de fond et courrai avec. (note: le bruit d’une MSR claquant sur un talon de bottes de ski de fond demande une certaine ascèse auditive. Mais on oublie à la longue.)
Les transitions raquette-patin et patin-espadrille
Je constate que mes lacets de patin sont trop courts (je ne pourrai pas les attacher jusqu’en haut) et mes lacets d’espadrille trop longs. D’ailleurs amis lecteurs qui faites de la course à pied connaissez-vous une compagnie sérieuse qui ne met pas des lacets toujours trop longs sur leurs produits. Je me pratique à attacher mes chaussures en gardant mes gants , mais je ne gagne pas du temps ce faisant et surtout je m’impatiente à le faire. Donc demain ce sera à mains nues que je ferai mes boucles. Je m’assiérai sur mes gants pour les garder chauds pendant l’opération.
La fièvre du samedi soir
J’étends au sol à côté de ma valise tout ce dont j’ai besoin (j’oublie le matin d’une compétition ce que j’ai mis dans mon sac la veille et par prudence je vide mon sac et le vérifie de nouveau. Pour éviter ce double travail, je ne fais ma valise que le matin de la compétition) et je me mets au lit. Morphée fait son œuvre jusqu’à temps qu’Alexander Graham Bell se pointe la clochette à 1:06 du mat et me tire de mon sommeil (mon fax m’informe d’une promotion inutile) Ma nuit est foutue (nous les vieux c’est comme ça). En attente de bâillements, je regarde des reprises de Turin à CBC et cherche le sommeil. Mauvais choix télé. J’aimerais trouver un soporifique publi-reportage à TVA (vous savez là où en studio des gens représentant la palette des acheteurs éventuels, applaudissent à tout rompre un monsieur —dont la bouche ne «matche» pas les paroles—qui coupe devant une ancienne belle blonde énarvée des canettes de bière avec un couteau avant de couper une tomate si mince qu’on peut passer un été complet de sandwiches aux tomates avec la même tomate) . Mais c’est samedi soir et Van Damme est trop occupé à hacher ses ennemis. Un rapide click vers TQS fait défiler devant moi une brochette de nymphettes qui ont visiblement des problèmes respiratoires , se pourrait-il que le silicone cause l’asthme? Finalement (faut-il le rappeler je n’ai pas le câble) Télé Mag vient à ma rescousse avec sa 68ième présentation de la Coupe du monde de snowboard au Relais. Philippe Laroche malgré son dynamisme amorce mon assoupissement qu’un monsieur Grenier phytoplante lui-même concrétise.
Chacun se prépare comme il le peut
Dimanche matin, ma compagne, sans le vouloir, me réveille trop tôt (elle est bénévole sur le lac à la transition raquette-patin-running shoe). Je reste un peu sous la couette en pensant à la journée qui s’annonce, mais le café me tire du lit. Céréales , rôties, confitures et œufs s’entendront à merveille pour m’aider à passer la journée Un dernier coup d’œil aux joviaux animateurs de Salut Bonjour et je réalise que je suis farté trop chaud . Vite un réajustement et hop tout se place dans la Windstar et en route pour l’école Montagnac.
Le stationnement est plein, mais je trouve grâce aux yeux de Louis T Blais qui gère les transports et il me permet de stationner dans l’aire de départ/arrivée. Oui je sais c’est du favoritisme, mais entre barbus on s’aide.
Je passe prendre mon enveloppe blanche dans laquelle je trouve mon coupon repas (pour avoir un dessert il faudra le couper en deux (une moitié pour le repas et l’autre si on veut du dessert. Il y a un petit élément culpabilisant dans cette procédure. Un peu plus et on te demande de retourner ton assiette de viande et salade vide avant de te donner ton dessert (c’est une blague, en fait il y en a eu pour tous et tout était excellent)) Dans le sac il y a aussi un coupon de réduction de 15$ sur les frais d’inscription au Grand Défi de Victoriaville. Sommes-nous en train de voir naître une alliance des deux organisateurs de pentathlons qui couronnerait le/la meilleur pentathlète 4 saisons au monde?
Il y aussi dans mon enveloppe une belle carte du parcours qui nous empêchera de nous égarer.
L’organisation fournit à ceux qui le demandent un grand sac pour les skis. Le choix de motifs Paisley fait très chic. Je suis sûr que certains sacs ne retourneront pas à l’organisation.
Enfin on reçoit la tuque souvenir et le dossard très moulant qui met en relief les puissantes musculatures (ou les bedaines de bière) des athlètes.
Les préparatifs vont bon train. Chacun met ses effets dans des grands sacs de plastique qui ne résisteront que difficilement aux assauts des lames de patin ou des crampons des raquettes. Les jeunes bénévoles le savent et traitent cette précieuse marchandise avec le respect qu’imposerait une douzaine d’œufs sortie de sa boîte…ou la main de leur première blonde
Je remarque que quelques vélos ont des problèmes de gel: un athlète voit sa cassette lui faire complètement faux bond. Ses pédales tournent allègrement dans les deux sens (un séchoir à cheveux sur son moyeu le libérera du cauchemar du pentathlon interrompu). Mon ami Denis a sorti le matin même son vélo de son cabanon non chauffé. Ses freins à disque n’apprécient pas du tout de sortir de leur hibernation et refuse de desserrer les mâchoires. Finalement la chaleur de l’école lui permettra de partir. Il m’avouera plus tard que ses roues n’étaient pas complètement libres et que sa montée fut un calvaire…mais il n’est pas tombé trois fois lui!
Jean Charles (canotier sur glace et pour l’occasion: organisateur) dehors donne ses dernières directives que chacun écoute d’une oreille gelée. Et c’est le signal du départ. Tous doivent passer sous son exiguë réplique (en 2 par 4 «boltés») de l’ARC de Triomphe. Ça se fait assez rapidement et sans heurts.
La Sûreté du Québec assure la sécurité et le peloton s’étire. La première bonne côte fait surgir un concert de changements de vitesses ratés et des commentaires/jurons que ces ratés font naître.
Ce n’est pas que la côte est forte mais c’est sa très grande proximité du départ qui nous fait pomper l’air glacial. On sent que les bronches vont se geler les alvéoles aujourd’hui. Il y a même des spectateurs qui nous encouragent!!!
On quitte l’asphalte du chemin principal pour faire l’ascension vers le Mont Tourbillon. La route offre une vraie macédoine de tractions: asphalte, cailloux, sable, glace, neige tapée, etc. Chacun cherche une ligne idéale. Le peloton est silencieux.
Mes pneus mordent bien si je ne me mets pas en danseuse. L’ascension se fait bien et je pense aux gens qui brunchent (bacon, œufs, saucisses, accordéon) dans le chalet principal du Mont Tourbillon Un petit doute sur mon choix d’activité traverse rapidement mon esprit (je pourrais être au chaud, la bouche pleine ) d’autant plus que la bosse du carrefour qui arrive me propose son 14% sur 20 mètres.
Suit ensuite une belle section de neige blanche tapée dure qu’il faut pédaler à fond sans penser que c’est peut-être glissant.
Finalement la rue de la Passerelle s’offre à nos roues effrontées (cute hein!) pour nous déverser sur la route qui mène aux Sentiers du Moulin.
On y laisse nos vélos et casques pour prendre nos skis, bâtons et une bonne gorgée d’eau chaude ou Gatorade chaud. J’en profite pour y prendre ma première «shot» de Cliff Shot Mocha Mocha que j’ai diluée au préalable dans ma bouteille avec un peu d’eau pour que ça coule. (C’est Gilles Morneau qui m’a donné le truc). Je constate sur la piste que j’ai le bon fartage et mes bras apprécient de pouvoir enfin participer à la fête. Mon ami le BÔ Vincent arrive à ma hauteur me demande comment je vais et s’éloigne inexorablement. Je tente de le suivre mais je comprends que je joue avec les poignées de ma tombe si je me colle à lui. Il roule trop vite. Je trouve mon rythme et apprécie la blancheur de la neige, le vert des conifères et leurs branches qui ploient sous la neige . Jean-François (Polar) Paquette me suit et nous glissons allègrement.
Au demi-tour du Thomassin, il me remercie de l’avoir tiré et accélère. Malgré l’amitié que je lui voue, sa remarque m’incite à une utilisation intensive de doubles poussées et comme je connais bien les pistes, les spatules de Jean-François en peu de temps caressent mes talons de ski
La transition ski-raquette se fait assez bien; mes raquettes s’attachent mal (mes gants sont mouillés et je suis fébrile) et comme toujours je ne sais pas de quel côté mettre mes MSR.
Georges vient me rejoindre et après un bon verre d’eau chaude et une deuxième shot de Mocha Mocha je gambade derrière lui et deux autres participants. Juste à l’entrée des sentiers, le fondateur de ce concept de course (Richard Houde) nous souhaite la bonne route.
Je fais la montée des sentiers (jusqu’au carrefour) en marche rapide. Puis le reste du parcours se fait en course (je suis en peu gêné de déranger la nature avec le clac-clac sonore de mes raquettes de plastique qui cognent mes semelles (elles aussi en plastique) de mes bottes de ski de fond) Je cède la piste trois fois à des plus rapides.
Le parcours est bien balisé et j’arrive finalement au chalet du Mont Tourbillon.
La descente du trou numéro 1 est intimidante et demande un abordage prudent (certains glisseront sur les fesses) ou téméraire (on ne peut que tomber dans de la neige si on descend à fond)
Rapidement le chemin du Tour du Lac est traversé et nous courrons vers le lac via un terrain privé que le proprio nous a ouvert gentiment; son illustre voisin, pour des raisons qu’on comprend, nous ayant refusé ce service.
La traversée du lac ressemble au film «Docteur Jivago». On ne finit plus de ne pas arriver dans cette grande steppe blanche balayée par les vents. Les petits points noirs loin devant sont les bénévoles de la transition patin-course à pied qui nous attendent…et ils ne grossissent pas. Mais on finit par arriver à la transition
Une joyeuse anarchie y règne et finalement j’informe la bénévole/chrono de mon arrivée; je trouve mes patins, les attache succinctement et me dirige vers la patinoire (que je n’avais pas visitée auparavant). Le mot patinoire n’est pas approprié ici; il s’agit d’une surface grossièrement plane, glacée, parsemée de petites bosses, de craques abyssales et de «courts bouttes smooth» . Comme c’est ma première sortie patin en 2006 (la rouille sur mes lames en témoigne), les réflexes, la position des jambes, la flexion des genoux, le balancement des bras se bousculent au portillon de mon cerveau et je ressemble à un manchot sur le LSD . Même qu’une chute vient ponctuer ma prestation.
L’atavisme d’une enfance de hockey me fait retrouver mes moyens et mon élégance. Je termine le tout avec encore assez d’énergie pour la phase finale.
Mes espadrilles sont contentes de finir de geler dans leur sac de plastique et se font toutes légères dans le sentier de neige tapée sur lequel nous devons refaire toute la longueur du lac à la course.
Le trajet ensuite passe devant la mairie, nous fait tourner rue des Pionniers et on termine le tout en passant sous l’arche de départ.
Renée nous demande de lui remettre nos dossards trempés et glacés. Ces dossards que le club de ski Le Relais nous a si gentiment prêtés.
Je me dirige vers la salle où j’enlève mes vêtements mouillés pour m’apercevoir à mon grand dam que je n’ai qu’un T-SHIRT de rechange. À ne pas faire en 2007.
Un repas chaud nous est offert et est apprécié. Je donne mon coupon de dessert à mon ami Réjean Fournier le gagnant de ma catégorie; je n’ai pas tout de suite le goût d’une bière mais d’un autre café.
Raphaël Gagné attend patiemment à côté de nous l’annonce officielle de son triomphe et fait du «small talk» avec la gentillesse qu’on lui connaît.
Les photos prises durant la course passent sur un grand écran, mais contrairement à l’an dernier les mêmes reviennent souvent..
La cérémonie des médailles fait défiler devant nous une cohorte de gens joyeux aux visages burinés par le vent froid et arborant pour la plupart leur trophée c’est à dire la tuque noire du PENTATHLON DES NEIGES. La petite médaille officialisera leur performance.
Fait cocasse, au podium des 50+ le gagnant Réjean Fournier voulant sauter sur «la plus haute marche du podium» a dû se reprendre par deux fois au risque d’ailleurs de se blesser. Le saut n’est pas inscrit comme épreuve, Réjean
Le stationnement se vide des dernières autos, la famille Bérubé and friends termine de transborder tout l’équipement. Les derniers athlètes démontent leurs roues ou mettent leur vélo sur le toit. Chacun retourne chez soi en ayant à la mémoire ces belles heures de dépassement de soi dans un environnement aussi féérique que brutal.
Faut aimer l’hiver et ne pas le craindre pour faire le Pentathlon des Neiges…