Crampe en masse

Tous les amis qui ont crampé en masse samedi dernier au Raid Vélomag, et qui se demandent quoi faire pour que ça cesse, voici de quoi vous mêler encore un peu plus! Oubliez l’hydratation et les électrolytes, voici ce que l’expert Guy Thibault publiait l’automne dernier dans Top Vélo.


Maudites crampes

Guy Thibault, Ph.D., conseiller scientifique de l’Association cycliste canadienne

Vous pensiez être bien préparé pour cette sortie qui présentait un challenge particulier. Mais des crampes au mollet ou au devant de la cuisse en ont gâché la fin. Alors peut-être vous demandez-vous quelles sont les causes des crampes et comment vous pourriez les prévenir ou les traiter.

Ouch!

Une crampe musculaire associée à l’exercice physique est une contraction douloureuse, localisée, involontaire et soutenue d’un muscle. Elle survient généralement de manière soudaine pendant (ou après) une sortie pour laquelle vous n’étiez peut-être pas suffisamment bien préparé. Juste avant que votre muscle n’ait une crampe, vous pouvez le voir se contracter involontairement de manière saccadée, mais pas nécessairement douloureuse.

Les cyclistes de haut niveau tout autant que les cyclistes du dimanche risquent d’avoir des crampes, mais globalement, les enfants en ont moins que les adultes. Selon certaines études, lors des cyclosportives ‘difficiles’, il n’est pas rare que plus du tiers des participants aient une crampe, tôt ou tard. Il semble que certaines personnes soient plus susceptibles que les autres d’avoir des crampes à l’effort, mais le pourcentage de cyclistes d’expérience qui n’ont jamais ressenti de crampes frôle le 0,0 % !

L’explication courante n’est pas bonne

«Les principales causes des crampes musculaires sont la diminution des réserves d’eau (déshydratation) et la perte de sels minéraux qui accompagnent la sudation à l’effort.»

Voilà à peu prêt ce qu’on lit dans la plupart des publications sportives – Top Vélo, avec sa tradition d’excellence, fait évidemment exception à cette règle de la médiocrité – et voilà ce que croient plusieurs professionnels de l’entraînement et de la santé.

Il est vrai qu’à la fin des longues sorties, à cause de l’inévitable sudation, tout cycliste risque d’avoir perdu de l’eau et des électrolytes, surtout s’il fait chaud, mais il ne faut pas en déduire un lien de cause à effet avec les crampes. Car l’apparition simultanée de deux phénomènes ne veut pas nécessairement dire que l’un occasionne l’autre. Par exemple, l’augmentation du nombre de touristes français au Québec lorsque les feuilles d’érable deviennent rouges à l’automne n’est pas nécessairement la cause de la diminution concomitante de la durée du jour à Montréal !

D’ailleurs, des chercheurs ont récemment montré que parmi un très grand nombre d’athlètes participant à une compétition particulièrement longue, il n’y avait aucune corrélation entre, d’une part, le degré de déshydratation et la diminution des réserves de sels minéraux (sodium, potassium, etc.) et, d’autre part, l’occurrence de crampes. En fait, dans cette étude, les athlètes qui avaient eu des crampes avaient une concentration de potassium dans le sang un peu plus élevée et non pas plus basse que ceux qui n’ont pas eu de crampes! Contrairement à ce qu’on entend souvent, consommer des suppléments de minéraux ne réduit pas le risques de crampes.

Les cas pathologiques, c’est autre chose !

Certaines personnes sont atteintes de conditions pathologiques qui les amènent à être fréquemment victimes des crampes violentes touchant plusieurs muscles à la fois, parfois même ceux du visage. Mais cela n’a rien à voir avec les crampes musculaires associées à l’exercice physique dont il est question ici.

N’empêche que les cyclistes qui ont de graves et fréquents problèmes de crampes, surtout ceux dont les autres membres de la famille en sont également affectés, doivent d’abord et avant tout consulter un médecin qui devra faire une investigation particulière et exhaustive. Dans ces cas (plutôt rares), on suspecte un problème médical grave, souvent d’origine génétique, et non pas une simple (et courante) erreur de programmation de l’entraînement.

Une nouvelle hypothèse

La contraction d’un muscle est un processus fort complexe si bien qu’on peut penser que les causes des crampes ne sont pas nécessairement toujours les mêmes selon les personnes et selon les situations. Ainsi, la crampe du dactylographe ou du violoniste n’a pas nécessairement la même cause que la crampe du cycliste ou du marathonien. On peut aussi penser que les crampes sont le résultat de la conjonction de plusieurs phénomènes physiologiques, pas nécessairement faciles à discerner.

Traditionnellement, c’est uniquement dans l’équilibre hydrique et minéral qu’on a cherché les causes possibles des crampes. Mais à la fin des années 1990, des équipes de brillants chercheurs, notamment de celle du professeur M. P. Schwellnus, Ph.D., de Cape Town en Afrique du Sud, se sont mises à chercher plutôt du côté de la commande motrice et des signaux nerveux provenant des muscles et des tendons.

Selon la nouvelle théorie, la fatigue engendre une ‘erreur’ dans le contrôle des réflexes au niveau de la moelle épinière, de sorte que les nerfs moteurs deviennent soudainement hyperactifs: le muscle se contracte, mais ne se relâche plus.

La contraction musculaire résulte d’une complexe interaction entre des influx nerveux facilitateurs et inhibiteurs provenant de récepteurs sensibles à l’étirement des muscles et des tendons. Tout cela est fort complexe, mais résumons en précisant que lorsque votre cerveau commande à un de vos muscles de se contracter, l’intensité de la contraction qui en résultera dépend non seulement de votre volonté, mais aussi de toutes sortes d’informations que la moelle épinière reçoit et qui ont notamment trait à votre degré de fatigue et au degré de tension du muscle à contracter et de celui des muscles antagonistes (ceux qui sont responsables du mouvement inverse de celui que vous voulez faire), de même que de leurs tendons (qui relient le muscle à l’os). La crampe survient lorsque le système de contrôle nerveux de la tension musculaire fait une ‘erreur’ d’interprétation des signaux; tout se passe soudainement comme si le système ne recevait que des influx ‘facilitateurs’, mais plus d’influx ‘inhibiteurs’.

Conseils pour réduire les risques que vous n’ayez une crampe

  • N’augmentez jamais de manière brusque votre charge d’entraînement et ne faites jamais une sortie pour laquelle vous n’êtes pas déjà bien préparé;
  • Faites des exercices d’étirement des mollets et des muscles à l’avant de vos cuisses (et de tous vos autres muscles qui ont tendance à ‘cramper’), à chaque sortie à vélo : après l’échauffement (avant, cela ne donne rien), à quelques reprises pendant les longues sorties et immédiatement après.
  • Assurez-vous d’avoir en tout temps une bonne position sur votre vélo, c’est-à-dire une position qui vous permet d’éviter que vos muscles ne travaillent en position trop raccourcie, sans raison.
  • Évitez de consommer plus de stimulants que d’habitude; la caféine et la pseudoéphédrine (qu’on trouve dans certains décongestionnants) semblent particulièrement ‘crampogènes’!
  • Par temps tempéré ou froid, portez des vêtements chauds, surtout sur les membres inférieurs, lors de l’échauffement et du retour au calme.
  • Évitez en tout temps de demeurer trop longtemps en position statique, par exemple en conduisant la voiture, surtout après une séance ardue d’entraînement à vélo.
  • En cas de crampes récidivantes aux mollets, mettez l’accent sur les exercices d’étirement des muscles soléaire et gastrocnémien, soit en faisant des exercices d’étirement des mollets ou, mieux, en portant régulièrement une chaussette spéciale comme le Strassburg Sock (www.thesock.com), qui permet aussi de réduire les risques de fasciite plantaire, une blessure qui affecte plusieurs cyclistes qui font aussi de la course à pied (l’efficacité de cette fameuse chaussette est scientifiquement prouvée).
  • Avant toute séance, si possible, et même si cela ne fait pas encore partie du ‘folklore’ européen, ni même américain du cyclisme, prenez le temps de faire une pratique mentale appropriée: visualisez un coup de pédale mécaniquement parfait.
  • Évitez de dormir avec des draps trop ‘serrés’ (le risque de crampe au mollet est plus élevé lorsque les pieds sont pointés).

Pour se débarrasser rapidement d’une crampe

Si toutefois vous êtes victime d’une crampe pendant que vous en roulez à vélo, après la sortie ou pendant la nuit – personne au sein de la rédaction de Top Vélo ne vous le souhaite -, je vous recommande le truc pratiquement infaillible suivant : étirez promptement le muscle! Au besoin, ‘déclipez’ puis tirez sur votre pied à l’aide de la main pour étirer la cuisse ou mettez tout votre poids sur la pédale alors que vous maintenez votre talon le plus bas possible, pour étirer votre mollet.

En général, sauf si le muscle affecté est extrêmement fatigué, l’étirement neutralise le réflexe qui est la cause de la crampe (plus de signaux ‘inhibiteurs’, moins de signaux ‘facilitateurs’ de la contraction).

Sources : The Physician & SportsMedicine, Journal of Sports Sciences, Journal of Foot & Ankle Surgery