La suite des aventures de Pierre…
Georges et moi, à notre départ de Québec avions un objectif bien précis dans toute cette affaire: affronter le Géant de Provence; celui qui fait ch*&%* Lance Armstrong; celui qui a tué Simpson, celui qu’un fou dont j’oublie le nom a monté onze (11) fois en 24 heures en 2006; celui qui de partout où nous allions nous narguait de sa tête chauve; celui qui permet que ses flancs soient arpentés par des routes dont une (entre Bedoin et son sommet) de 21km affichant une moyenne de 7,5 degrés de pente: le Mont Ventoux.
Après avoir consulté un tas de gens et… la météo, une date fut choisie pour l’assaut. Départ en auto vers Malaucène, (le petit village où nous terminerons notre grisante descente). Nous y laissons l’auto et pédalons vers Bedoin, lieu du début de l’ascension.
À Bedoin, une affiche nous assure que nous sommes sur le bon chemin et ses chiffres nous annoncent que la journée va être rude. Georges et moi faisons cette ascension en vélo de route avec des rapports 39/28.
Dès le premier kilomètre, lors d’une aspiration forte, une bestiole m’entre dans la bouche et me pique la langue pour en ressortir aussitôt. Ce n’est pas tant la douleur de la piqûre qui me fait rager mais le fait qu’il y a risque pour moi de devoir arrêter là tout bêtement.
En effet j’ai toujours avec moi une seringue Epipen (résultat d’une grave piqûre de guêpe à la luette qui m’a presque étouffé il y a quelques années); depuis, mon vétérinaire me conseille d’avoir la dite seringue sur moi en permanence. Donc dilemme: j’arrête ou je continue?
Georges me rassure sur l’identité de la bestiole, ce n’était pas une guêpe qu’il me dit; lui aussi ne veut pas arrêter là. Ma langue enfle rapidement, mais l’air passe encore (et il va en falloir beaucoup plus tantôt car la pente n’est alors que de 7 degrés); l’eau que je bois ne goûte rien sur la partie de la langue qui enfle (c’est comme chez le dentiste quand on a la bouche gelée).
J’arrête ou je continue? Le rêve va-t-il devoir rester un rêve encore pour quelques années?
Puis une idée me traverse l’esprit: le contenu d’une Epipen est strictement de l’adrénaline m’a-t-on déjà dit. Je me dis qu’avant de devoir me l’injecter et être contraint ensuite d’aller voir une clinique (ce qui est recommandé) pourquoi ne créerais-je pas moi-même ma propre adrénaline?
Je me mets donc en mode course et je me mets en colère, dans ma bulle du genre: plombs-prêts-à-sauter. Et j’attaque cette interminable ascension en me parlant fort, tellement que Georges qui me suit dans ma roue décide de s’éloigner un peu (tout en me gardant à l’œil pour m’aider le cas échéant).
Je monte et vérifie régulièrement l’enflure, ça enfle… mais moins vite; air et eau passent encore. Les kilomètres s’additionnent. La tactique tient bon.
À quelques kilomètres de l’arrivée, dans la section dénudée du paysage, juste à côté de la stèle noire dédiée à Tom Simpson mort d’une overdose en 1967 lors du Tour, un petit banc de neige résiste au soleil et m’offre un rafraîchissement inespéré. Le «check engine» était allumé dans le dash. Je mange goulûment, me mets de la neige dans ma casquette et me frotte la nuque.
Plus que quelques encablures et je vais pouvoir amarrer mon Symbiosis au pied de l’Observatoire.
111 minutes de victoire sur la peur et la panique. Le Ventoux était devenu le complice d’une ascension plus importante pour moi que strictement sportive.
Objectif atteint. Le fun continue