La photo mystère a été qualifiée de tous les épithètes possibles, allant de «dégueu» à «mauvais goût» et je vous en remercie. Elle a donné naissance à un bel escalier divertissant et tout le monde semble anxieux de connaître la réponse. Bien des lecteurs ont saisi l’essence de l’intervention chirurgicale mais pas toujours dans le bon sens. C’est la main qui était malade, pas la cuisse. La douzaine de bagels virtuels va à «Pierre», qui s’approche le plus de la vérité. La vérité, c’est qu’on n’arrête pas la science. Voici l’histoire de CJ.
CJ habite à Tucson, Arizona, et gère son entreprise de B&B – guide cycliste. Par un beau jour d’été 2001, il travaille sur son terrain. Le téléphone sonne dans la maison. Il accourt et pousse avec sa main ouverte la porte française vitrée à carreaux. Vous me voyez venir? La porte a enflé à cause de l’humidité et elle reste coincée. La vitre casse et lui coupe la main, pas à peu près. Tendons, ligaments et trois artères sont sectionnées, la main tient juste par un bout de peau. Le sang pisse. Il fout une guenille dans le trou et court chez le voisin paramedic. «All nerves, veins and arteries were cut out in the accident. It scooped out the area that looks nasty, all the way down to bone, 2.6 inches in diameter. Only the flesh on the outside of my hand prevented it from ‘falling off’. It was bent completely back, bone visible and exposed and blood shooting like a fountain.»
À l’hôpital, on réussit d’abord à le garder en vie, puis les chirurgies commencent. Le problème est que, peu importe ce qu’ils tentent d’arranger, à cause des artères sectionnées, le sang ne peut irriguer la main, la plaie nécrose et le trou s’agrandit. Après un an d’essai, son médecin veut amputer. CJ se choque et dit : «on amputera quand y restera pus rien qu’un mognon vert!» Le Dr propose donc une autre solution, mais sans aucune garantie de succès.
Ils ont découpé une strip de peau dans son quadriceps, ont fouillé la-dedans et sorti l’artère qu’il y avait là, l’ont ficelée avec la strip de peau pour faire une belle saucisse. Ils ont ensuite cousu la saucisse dans la plaie de la main. Le gars est resté un mois de plus à d’hôpital la main ainsi attachée à la jambe. La main, irriguée par le sang venant de la jambe, a de meilleures chances de guérir. On a ensuite coupé la saucisse au niveau de la jambe. Une semaine plus tard, si la main n’est pas morte, on coupe la saucisse. Ça s’appelle un Pedicle Flap. Dans ce cas-ci, ça a marché. CJ a subi 14 chirurgies en deux ans. Deux autres chirurgies sont à venir pour lui donner un semblant de poigne avec le pouce, mais après deux ans passés à l’hôpital, il veut retourner à une vie normale pour un ti-boutte.
Les médecins lui avaient dit qu’il ne ferait plus jamais de vélo et qu’il devrait prendre des médicaments «opiacés» le reste de sa vie. Il préfère s’en tenir à l’Advil et autres anti-douleurs car il veut garder toute sa tête. Vivre gelé dans un nuage toute sa vie, très peu pour lui. Comme tout bon cycliste, il s’est convaincu qu’il roulerait à nouveau, peu importe ce qu’en disent les médecins.
Il ne pilote évidemment pas aussi bien qu’avant, et va pas mal moins vite pour deux bonnes raisons: un des quatre muscles de son quadriceps est totalement disparu, il est comme un quatre cylindres qui marcherait sur trois. L’autre raison est que ça fait mal. Il ne sent plus grand-chose dans sa main mais il a mal à la jambe constamment. En raison de cette faiblesse dans sa jambe, il doit aussi se strapper la cheville. Il s’est quand même joint à l’équipe de Keith Bontrager récemment pour faire la course de 24h à Tucson. Il a toujours son B&B, mais n’offre plus le service de guide.
En dépit de son handicap et de la douleur, CJ roule dans ses trails à tous les jours, c’est ce qui lui a redonné le goût à la vie. Il dit qu’il a appris une chose très importante dans tout cela:
«I REALLY LIKE TO JUST RIDE MY BIKE.»