TransRockies report, jour 3.

Nipika à Nipika (90 km, 1890 m dénivelé)

Comme en 2003, les feux de forêts sont venus mettre des bâtons dans les roues aux organisateurs du Transrockies. Ça brûle encore dans le bout de Crowsnest pass, où on devait faire escale lors de la sixième étape. Tous les sentiers sont fermés, donc impossible de respecter l’itinéraire prévu. Le responsable du parcours a donc dû rajouter une étape, quelques jours avant l’événement, pour compenser les modifications aux jours 5 et 6. Il a eu la brillante idée de faire une boucle à partir de notre campement actuel, en passant par Miller Pass, un endroit sauvage, loin dans le backcountry.

Ce scénario est le bienvenu pour les coureurs comme pour les bénévoles et les organisateurs, car ça veut dire qu’on n’a pas besoin de décamper ce matin et de se recamper ce soir. On dort donc jusqu’à 6h, c’est le gros luxe.

Le départ est encore assez stressant. Dans un grand nuage de poussière, le gigantesque peloton s’engouffre dans 7 km de sentiers de ski de fond où ça passe à juste deux de large. Ça roule à fond, ça dépasse, ça brake. Échaudé par la gaffe d’hier, Zab et moi vérifions les présences aux 30 secondes. Après 5-6 km, on se retrouve involontairement intercalés entre Dave et Trish, les Deadgoats, meneurs de notre catégorie. Voyant cela, ils pèsent sur le gaz et disparaissent devant. Après une dizaine de km, le chemin s’élargit et devient très roulant. Les équipes se ramassent en packs car il vente. Alex et Martin, les Devinci, nous rejoignent. C’est pas supposé, car à date, ils sont rentrés 30 minutes et 15 minutes avant nous. « Que c’est qui se passe avec vous autres? » C’est Alex qui est pas dans une bonne journée. Lâche pas Alex, la journée fait juste commeencer. Ils nous donnent un coup de main pour rejoindre le pack devant, qui contient les Deadgoats. Ça roule un ti-peu trop fort pour nous et à ce rythme, on toffera pas la run, on préfère lever le pied et rouler à notre vitesse.

On les rejoint plus tard lorsqu’ils s’arrêtent au premier feed zone. Ils nous repassent quelques instants plus tard, deboutte sur les pédales. N’en mettez pas trop, c’est pas nécessaire, on vous laisse aller anyway… d’ici à Miller Pass, ça grimpe de 500m sur 18 km, et on en est au premier km seulement.

Chemin faisant, nous rejoignons les Devinci à nouveau, ainsi que Michel et Mireille et nous faisons un bout de chemin ensemble. Une fois la passe franchie (paysages incroyables), on a droit à une belle descente technique tripante, gâchée un peu par une équipe de stressés qui veulent absolument nous dépasser ousque y’a pas de place à dépasser. Allez-y, faticants. Comme c’est souvent la norme dans l’ouest sur ce type de chemin, la descente est ponctuée de nombreuses « Waterbars », ces grosses calvettes de biais pour l’écoulement des eaux, mesurant de un à trois pieds de creux et de 2 à 4 pieds de large. Donc des fois sautable, d’autres fois absorbable en pompant la fourche ou en soulevant la roue avant… en résumé, tu perds moins de temps en ralentissant qu’en essayant de passer à haute vitesse. On s’est fait un système d’avertissement: je roule devant et je crie «attention» quand je freine pour en aborder une. Plus je crie fort, plus elle est dangereuse. En voici une bien cachée et je crois que j’ai pas crié assez fort. Zab rentre dedans et rebondit vers la droite en vol plané pour s’arrêter dans la forêt de buissons sur le côté. Plus de peur que de mal, on repart immédiatement.

Rendus au bas, on rejoint les Dead Goats, arrêtés pour pisser. On roule un boutte ensemble, puis on prend les devants quand ils s’arrêtent au 2e ravito.

Pour les 20 prochains km, ça descend faux-plat sur chemin de gravier et nous embarquons dans un bon train de 3 équipes où tout le monde travaille bien. À l’approche de la dernière grosse difficulté, nous préparons le 3e feed. Tel que prévu en préparant nos choses hier, on a encore du Edge dans nos Hydrapaks, y me reste un demi-bidon d’eau et Zab a vidé le sien. On échange donc de bidons. Zab passe tout droit tandis que j’arrête. Pendant qu’une bénévole allumée remplit le bidon, je me reclippe et Zou! je repars. Le pit-stop a duré 20 secondes. Je rejoins Isabelle pour lui remettre son bidon deux minutes plus tard. Pas de Dead Goats en vue, ça va ben. Mais on se répète qu’on doit pas tomber dans le piège de la course avec eux et s’en tenir à notre rythme-cible de 160 BPM. Y fait très chaud dans cette dernière montée, qui fait plus de 500m elle aussi. On se retrouve avec Luca et Paola, ces sympathiques Suisses qui parlent français avec qui on a fait connaissance plus tôt dans la semaine. Luca est pas dans une bonne journée, il en arrache. Paola, elle, a comme toujours l’air de souffrir le martyre.

Ça redescend à toute vitesse pour 10 km sur une route à 2 tracks rocailleuse, pleine de surprises sous la forme de gros blocs de roches tombés dans la ligne de gauche, de roches coupantes prêtes à arracher les flancs des pneus, et de waterbars souvent très profondes. On descend très prudemment, faut éviter les crevaisons. Une équipe nous dépasse et KAFLING! KAFLANG!, dérailleur arrière explosé! On croise plein de gars qui ont aussi descendu en fou et qui réparent leurs crevaisons. Pire, deux doivent se faire évacuer en hélico, suite à des traumatismes majeurs.

En bas de la côte, 8 kilomètres de singletrack nous séparent du finish. C’est vraiment hot, tout le long de la rivière Kootenay, avec ses immenses falaises blanches qui pètent au soleil. Nous n’allons vraiment pas vite la-dedans et une couple d’équipes mixtes (jeunes mixtes) nous rattrapent. Les Deadgoats nous dépasseraient que je ne serais pas surpris, mais on regarde devant, pas derrière.

On franchit la ligne d’arrivée à Nipika en 4h 56 et avant qu’on aie mangé notre première tranche de melon, les voila qui arrivent. Trish a l’air pas trop fatiguée, Dave s’accote la tête sur son guidon et reprend son souffle. On les approche pour les féliciter, se raconter la journée et faire connaissance. Elle est très courtoise, lui pas pantoute. Mettons ça sur le compte de la fatigue, on se rejasera plus tard, coudonc…

On a tout l’après-midi pour relaxer: petit verre de Edge Recovery 1-2-3, petit lavage des bikes, petit bagel jambon-fromage, petite douche, petit massage, petit Hot Tub, petit burger, petite baignade dans le lac, etc.

De retour au campement, les Québécois se retrouvent et font le bilan: Une autre très belle journée full ensoleillée dans des paysages à couper le souffle. Ça va bien pour nous, on n’a pas gaffé aujourd’hui et résultat: on a grugé un énorme 6 secondes à l’avance de nos rivaux. À ce rythme-là, on les rattrape dans 120 jours, checkez-nous ben aller.

François et Daniel descendent d’une marche sur le podium ce soir. Les Prairie Boys (Don Sissons et Bill Benson, deux gentlemen de Winnipeg qui se souvenaient avoir couru contre moi il y a 15 ans en Coupe Canada, non mais les mecs ça fait une paye) étaient plus forts qu’eux dans le roulant et leur ont pris 6 minutes. Les Zoot Allures gardent tout de même les maillots de leaders avec une dizaine de minutes d’avance.

Alex et Martin, après leurs 2 résultats top-25, doivent se contenter du 44e rang. Demain, ça va aller mieux.

Michel et Mireille sont huitièmes, c’est encore une fois un excellent résultat. Par contre, ils terminent plus de 15 minutes après nous, contrairement aux jours précédents où ils nous ont torchés. Est-ce nous qui a roulé trop fort, ou eux qui paient le prix des 2 premiers jours? L’avenir nous le dira.

Les RB Squared ont eu une bonne journée, égale aux autres, avec un 42e rang.

Les Vélo Epic sont 54e, c’est en deça de ce qu’ils sont capables de faire, Bruno a eu de la difficulté avec le deuxième col. Mais il n’a pas dit son dernier mot 🙂